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LE DIVORCE
I
LE DIVORCE
ОглавлениеTrop heureux si bientôt la faveur d'un divorce
Me soulageait d'un joug, qu'on m'imposa par force.
(Racine. —Britannicus, II).
Nous venons d'exposer les chiffres, le personnel du crime et de la débauche à Paris. A toutes les causes suffisantes de dissolution pour la société Française, si profondément travaillée déjà, est venue, dans ces derniers temps, s'en ajouter une nouvelle qui, suivant nous, s'attaque à la famille elle-même et la détruit. Nous voulons parler ici du divorce, dont bien des unions, déjà désorganisées ou séparées judiciairement, attendent la prochaine proclamation, comme un bienfait, comme une libération. Divorçons69 est la devise, trop facilement acceptée par des époux qui ont, à peine, essayé du mariage et qui s'en montrent, de suite, dégoûtés, ne voulant pas comprendre qu'il est indissoluble, dans son essence70 civile et religieuse, comme étant de toutes les actions celle qui intéresse le plus la société.
Molière, ce grand penseur, ce grand écrivain, ce martyr résigné a écrit, dans l'École des femmes (III):
Le mariage, Agnès, n'est point un badinage,
A d'austères devoirs le rang de femme engage.
De son côté, Bourdaloue, s'écriait avec éloquence: «On ne regarde plus, ce semble, le mariage, comme une chose71 sacrée, mais comme une affaire temporelle et comme une simple négociation.»
Enfin, et à un autre point de vue72, Buffon constatait que, dans son temps, c'est-à-dire il y a près de cent ans, chaque mariage produisait à Paris73 environ quatre enfants deux tiers, au lieu qu'à présent chaque mariage ne produit, tout au plus, que quatre enfants!
Dans les autres pays (moins riches et peut-être à cause de cette situation même, car la misère est prolifique), la population augmente et, en France, nous la voyons décroître, sans nous en préoccuper, sans en rechercher74 les causes, sans en appliquer les remèdes possibles. Les logements doivent être aérés, les aliments doivent être sains et surveillés sur les marchés, les boissons, trop souvent frelatées, troublent les cerveaux et déterminent de fréquentes maladies des centres nerveux. Il y a là, dans les ménages, pour la conception, tout un ensemble de phénomènes mystérieux à étudier, à prévenir, à guérir, par une science75 habile. Ce sont là, suivant nous les grands horizons, sur lesquels se doivent porter les méditations des gouvernements, des législateurs.
Il ne nous paraît pas que le projet de loi sur le Divorce réponde à un besoin vrai de notre société Française, ou à une nécessité de notre temps; jusqu'à preuve contraire et attendue, nous n'y voyons qu'une machine de guerre, destinée à détruire la famille et la propriété, réglées dans leur constitution et leur transmission, par des lois éclairées.
Avec la nature mobile du caractère français, avec les impressions passagères qui le dirigent trop souvent, le mariage deviendra la satisfaction éphémère d'un caprice et, après un certain temps, les conjoints reprendront, à leur gré, leur liberté76, pour voler à de nouvelles épreuves, toujours charmantes au début, pénibles seulement à la longue, quand est venue la satiété. Châteaubriand lui-même disait dans sa vieillesse, charmée pourtant par madame de Récamier: «J'ai baillé ma vie!»
69
Titre d'une comédie, donnée par Victorien Sardou. (1880.)
70
Montesquieu. Esprit des Lois XXVI.
71
Sermon. Deuxième dimanche après l'Épiphanie.
72
Problèmes de la vie. (Pièces justificatives XXIX.)
73
Dans les familles riches, les unions sont presque toujours limitées à un ou deux enfants, souvent stériles pour des causes du domaine de la médecine ou de la chirurgie, croyons-nous. En Normandie, pays où l'on calcule tout, les mariages sont improductifs.
74
On s'attache toujours ici aux mesquines et petites mesures; tandis que pour diminuer les causes d'insalubrité, de mortalité, on défend dans l'intérieur de Paris, d'élever des pigeons, des lapins, – on entasse dans les bâtiments de l'ancien Hôtel-Dieu, près du nouvel Hôtel-Dieu, près de la caserne de la Cité, – les varioleux, qu'il faudrait isoler loin des habitations, dans les hôpitaux excentriques, et, tandis que l'on prescrit aux pharmaciens de ne livrer que, sur ordonnance des médecins, quelques centigrammes d'arsenic, de laudanum, de morphine, l'industrie les livre par centaines de kilos, sans contrôle, ce qui a permis les récents empoisonnements de Saint-Denis.
75
Il y a à Paris 2,300 médecins civils et 1,300 pharmaciens ou herboristes. Ce chiffre est utile à connaître par ce temps de batailles, de morts, de blessures et, par la même raison, on donne le chiffre des sages-femmes: 600.
76
Dans certains magasins, on reprend, après quelque temps écoulé, les objets ayant cessé de plaire, cette facilité est-elle possible pour l'union conjugale? Que l'on y songe, dans l'intérêt de la jeune fille, toujours sacrifiée et dévoyée par l'époux expérimenté.