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LE CRIME A PARIS
VII
LA CAUSE DES CRIMES A PARIS

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En recherchant la cause des crimes dans la capitale, en dehors des mobiles qui agissent dans toutes les agglomérations d'hommes, on en trouve de spéciales à Paris. Là se trouvent, en effet, réunis les dépôts, accumulés en papier ou en métal, de toutes les fortunes, publiques ou privées; là sont exposés en public, sans protection ni défense, sous de fragiles vitrines, les diamants, les bijoux, les billets de banque, les monnaies d'or et d'argent; là aussi sont constamment ouverts les cercles, les bourses, les tripots clandestins, où l'on se ruine rapidement ou bien l'on s'enrichit vite, des débits de boissons capiteuses versent incessamment l'excitation, l'ardeur passagère, l'oubli momentané, nécessaires pour une vengeance, pour un meurtre, pour un suicide. Les salaires sont trop peu élevés, en raison du nombre et des besoins de la famille; les garçons de recette, les clercs, les comptables, maniant, à chaque instant, des valeurs considérables, sans autre garantie ou sauvegarde que leur conscience, leur probité, fragiles comme l'organisation humaine, ne sont guère plus ni mieux payés que les ouvriers, qui, gagnent un salaire moyen de huit francs, par journée de dix heures.

De là tant de chutes profondes, longtemps cachées, masquées par des faux en écriture.

Nous avons dit aussi que l'on avait imprudemment accordé la permission de fermer, après une heure du matin, les cafés, restaurants, cabarets; mieux eût valu, a-t-on ajouté, dans l'intérêt public et privé, en prescrire l'ouverture, jour et nuit, dans la vue de sauvegarder, en chaque quartier, les bourgeois imprudemment attardés et les agents en tournée.

Les attaques nocturnes, devenues si fréquentes, auraient été ainsi forcément désarmées devant des refuges, toujours éclairés et fréquentés. Quoi qu'il en soit, il est certain que la tenue des théâtres jusqu'à minuit, des restaurants, voisins des spectacles, desservant les Halles, étaient sans inconvénient, parce qu'il y avait là une circulation incessante et protectrice, et moins de dangers, pouvant résulter de la solitude de la nuit, plus complète à mesure que l'on s'éloigne du centre.

Les piquets de service, dans les théâtres, dans les bals, ont, après leur longue et périlleuse faction, trop peu nombreux toujours, regagné leurs casernes, les gardiens de la paix font leur évolution périodique et prévue; eux passés, la ville appartient aux bandits, derrière chaque carrefour aux aguets, et qu'un coup de sifflet a vite réunis.

Ajoutez à ces causes la facilité de se cacher dans des garnis, dont les registres sont d'une vérification bien difficile, les logeurs étant comme leurs hôtes de passage, absolument illettrés et d'une orthographe, dépassant, pour les noms, toutes les fantaisies. De plus, on a trouvé bon de supprimer à l'intérieur et à la frontière les passeports, comme une garantie illusoire27.

On voit par là que les malfaiteurs ont beau jeu et cependant l'on s'indigne, une fois le crime commis, lorsque la police de sûreté, malgré ses chefs vigilants et ses agents si intelligents, n'en a pas immédiatement découvert et arrêté l'auteur. On ne songe pas à notre pays, dont les frontières de terre et de mer sont si voisines et que les chemins de fer permettent de gagner si rapidement.

On s'étonne qu'une arrestation préventive ait été ici opérée; là, on demande pourquoi l'inculpé d'un délit n'a pas été maintenu en état de détention, au lieu de s'occuper du fait en lui-même avec sang-froid; l'opinion s'émeut, s'agite pour ou contre le prévenu, plus rarement en faveur de la victime, à laquelle, sans la connaître, on décerne volontiers tous les vices.

C'est à travers ces passions, ces exagérations que l'administration et la justice doivent marcher, d'un même pas, vers un but commun et social, qui est la recherche importante de la vérité. Les honnêtes gens devraient y aider de toutes leurs forces, comme chez nos voisins les Anglais, peuple essentiellement pratique, dont nous invoquons constamment l'exemple, trouvant qu'il est probablement trop difficile pour nous de l'imiter28.

En dehors, en effet, de tant d'agressions nocturnes avec armes, suivies de blessures, constatées, sans relâche ni trêve, il faut retenir les attaques de vive force contre les agents, commises récemment aux Lilas, au boulevard Montparnasse, où des dragons sont heureusement venus en aide aux gardiens de la paix et au plaignant, hardiment maltraités et écrasés, sous le nombre des Italiens.

Il faut suivre, sur un plan de Paris, ces meurtres, accompagnés de vols, qui frappent des femmes isolées, des débitants de vins: M. Schmidt, à Clichy; madame Lachaud, rue du Pont aux Choux; madame Bazingeaud, à Romainville; M. Lecercle, à Saint-Mandé; madame Garin, rue de Chazelles, auxquels il convient d'ajouter les assassins, inconnus encore de madame Joubert, libraire, rue Fontaine-Saint-Georges; et Foulloy, qui assomme, rue Fontaine au Roi, son patron, M. Joubert, pour le dévaliser et dépenser, à Strasbourg, le produit de son crime.

Ces faits indiquent qu'il n'y a pas eu là, suivant nous, inertie de la police, mais, pour elle, une fois de plus, impuissance d'agir, à cause de son petit nombre et de son cercle, trop étendu de surveillance, inutilement et dangereusement développé.

C'est ce moment pourtant que des esprits, sans doute plus libéraux qu'éclairés, choisissent pour demander le retrait de la loi du 12 juillet 1852, qui éloignait si sagement les repris de justice de Paris et de Lyon, afin de ne pas faire, en même temps, de ces deux cités la double capitale de l'émeute et du crime, un moment triomphants.

27

Des voyageurs, extrêmement spirituels, ont écrit aux journaux qu'ils avaient franchi la frontière, en jetant à la gendarmerie et aux autres agents ébahis cette réponse préméditée: Feu Pritchard et sa famille!– Rien de sérieux, toujours la charge.

28

A Londres les attaques nocturnes cessèrent, dès qu'il fut publié que leurs auteurs seraient, en dehors d'autres pénalités, frappés de la queue de chat, aux lanières plombées.

Le crime et la débauche à Paris

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