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III

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CE QUE LA MER ENTENDIT


CE lendemain de fête fut pour Micheline de Valcor la date la plus lugubre de son existence, le jour qui l’initiait à la douleur.

Sa jeune vie, jusque-là, s’était écoulée dans une douceur merveilleuse. Et elle n’aurait pas su qu’il y avait des larmes sur la terre, si elle n’avait pas essayé de faire la charité.

Elle était un peu comme ce prince d’Orient à qui ses courtisans avaient si soigneusement caché toute laideur et toute peine, qu’il dut s’échapper de son palais pour découvrir la maladie, la vieillesse et la mort. Il est vrai qu’il ne rêva plus ensuite qu’à consoler l’humanité, et qu’il devint, sous le nom de Bouddha, le dieu le plus adoré de l’univers.

Micheline n’eût voulu consoler qu’un être au monde, celui qu’elle aimait, et qu’elle devinait aussi malheureux qu’elle-même.

Quant à ses parents, enfermés depuis qu’ils avaient quitté le bal, et dont elle ne pouvait approcher, elle se refusait à les plaindre, malgré toute sa tendresse pour eux. Car leurs chagrins, s’ils en avaient, s’étaient manifestés par une attitude tellement incompréhensible et cruelle, que c’est tout au plus si leur fille arrivait à ne pas les juger dans un esprit de blâme et de révolte.

«D’ailleurs,» pensait-elle, «ils ne devraient pas m’écarter ainsi de leurs préoccupations. Puisqu’ils ont cru devoir agir si atrocement contre mon fiancé et contre sa mère, ils ont à m’en rendre compte. Ce sont mes sentiments qu’ils déchirent. C’est mon bonheur qui est en jeu.»

Micheline ne savait rien, hors les quelques mots surpris entre son père et sa mère, et ceux, moins explicites encore, qu’ils lui avaient adressés. Mais, avec la retraite brusque de Mme de Ferneuse et de son fils, dans l’intuition de son jeune cœur amoureux, délicatement vibrant, c’était assez pour lui suggérer les pires craintes.

Ne s’étant pas couchée après le bal, elle attendait impatiemment le déjeuner, qui se servait à une heure. Elle espérait y rencontrer ses parents. Ni l’un ni l’autre n’y parut. Pas plus, d’ailleurs, qu’aucun des hôtes du château. Tous reposaient encore après la nuit de fête.

Mlle de Valcor, par l’intermédiaire d’un domestique, fit alors passer à son père un mot, sous enveloppe cachetée, le suppliant de la recevoir.

Le valet revint avec une réponse, également écrite et close.

«Mon enfant,» disait le marquis, «des affaires très graves m’absorbent, et ta mère, un peu souffrante, ne doit pas être dérangée.

«Aie confiance en moi. Ne sais-tu pas, Micheline, que tu es ma seule raison de vivre, et que le bonheur n’a de sens pour moi qu’en ce qui te concerne?

«Je suis de force à te l’obtenir, comme tu le souhaites, quoi qu’il arrive.

«Sois seulement patiente, calme et silencieuse, comme une Valcor doit l’être.

«Ton père qui t’aime par-dessus tout.»

Ces lignes, au lieu de rassurer la jeune fille, lui firent passer sur le cœur un frisson de danger, de mystère.

Pour hâter le cours des lentes heures, dont l’angoisse à venir l’effarait, Micheline résolut de sortir dans le parc. Elle irait sur la terrasse, dans un coin qu’elle connaissait bien, où le spectacle de la mer était plus sauvage qu’ailleurs. Là, même par les temps calmes, les vagues se brisaient et se plaignaient toujours. Leur voix triste et infinie l’aiderait à engourdir sa peine.

Cette terrasse de Valcor s’étend sur une longueur d’un demi-kilomètre à cent pieds au-dessus de la grève. Elle a, comme mur de soutènement, la falaise rocheuse même, si abrupte à certains endroits, que la balustrade de pierre se trouve presque en surplomb et domine verticalement les flots. A ses deux extrémités, la terrasse s’appuie à des promontoires naturels, dont les arêtes la limitent comme des bornes gigantesques. Celui du nord est d’un dessin particulièrement tourmenté. Si l’on s’accoude à son ombre, au-dessus du dernier balustre, on suit de l’œil sa crête déchiquetée, qui va, s’abaissant rapidement, jusqu’à ce qu’elle s’enfonce dans les flots, ou bien on plonge le regard immédiatement au-dessous de soi, le long de sa muraille, qui descend à pic, offrant des aspérités où seuls les oiseaux de mer semblent pouvoir trouver un point d’appui.

A cet endroit, la basse grève n’est qu’un chaos de rochers, dont les masses, vues d’en haut, surgissent toutes noires dans la blancheur d’une perpétuelle écume. Et toujours, de cet abîme, monte la rumeur des eaux puissantes, tantôt apaisée et monotone comme une chanson de nourrice, tantôt avec des éclats de foudre et de surnaturels hurlements.

Jamais elle n’avait été plus caressante qu’en cet après-midi de juin, où Micheline vint l’écouter. Le soleil brillait. La mer bretonne était bleue et soyeuse. Des voiles de pêcheurs la semaient de fins triangles ocrés. Toutefois, malgré la beauté de l’heure, la tristesse des espaces immenses, qui rend si graves les yeux des marins, flottait sous le ciel, jusque vers l’horizon, où rien ne s’achevait.

Micheline s’approcha de la balustrade. Elle tenait une ombrelle blanche ouverte au-dessus de sa tête, que protégeait en outre une grande capeline de paille légère. Sa robe aussi était blanche. On aurait pu la voir, apparition charmante, contre le rocher sombre, s’il eût été possible à un être humain d’errer sur la redoutable falaise. Mais, du côté du parc, elle se trouvait cachée par un dernier hérissement de granit.

A peine avait-elle eu le temps d’explorer d’un regard la perspective grandiose et familière, que Micheline fit un mouvement de recul, et jeta une sourde exclamation. A quelques mètres au-dessous d’elle, une forme humaine venait de remuer contre la vertigineuse muraille.

La frayeur de la jeune fille n’avait été que le saisissement nerveux causé par cette agitation vivante sur le roc éternellement désert. Mais un fait si étrange n’impliquait rien de dangereux pour elle. D’ailleurs, sa nature était calme et brave. Son second mouvement la ramena donc vers le rebord de pierre, au-dessus duquel son buste s’inclina dans une attitude de vive curiosité.

Un homme se hissait dans sa direction, s’agrippant des mains et des pieds aux parties saillantes du granit, montant avec circonspection et lenteur, mais avec une sûreté singulière. On eût dit que la rude falaise avançait à mesure, pour lui, des degrés secourables, tant il avait d’adresse à se saisir de la moindre aspérité.

Cependant sa position était effrayante, car, au-dessous de lui, c’était le vide, et la moindre maladresse pouvait le précipiter.

Micheline regardait en haletant cette silhouette mince et agile. Devenait-elle folle?... Elle croyait reconnaître ...

Mais le fantaisiste promeneur put s’arrêter sur une surface relativement large. Il leva la tête, comme pour mesurer l’effort qui lui restait à faire.

Mlle de Valcor jeta un cri:

—«Hervé!...

—Oui, moi,» dit-il, «n’ayez pas peur.»

Quel son doux et voilé prirent ces mots dans l’énormité de l’air! Jamais Micheline ne devait oublier leur sonorité d’exception, qui accentua l’émoi dont elle était bouleversée.

—«Hervé,» supplia-t-elle, tremblante, «laissez-moi chercher du secours. On vous jettera une corde d’ici.

—Non, non, n’en faites rien.

—O Hervé!... Si j’allais vous voir tomber, là!...»

Elle avait posé son ombrelle. Ses mains se joignaient, convulsives. Son beau visage était plus blanc que sa robe.

Il la rassura.

—«Si vous saviez comme je suis d’aplomb!... Et tranquille! Je n’ai pas l’ombre de vertige.»

Il changea de ton. Sa voix ne fut plus qu’un souffle, le plus faible, le plus suave parmi les souffles de l’espace.

—«Micheline ... Vous m’aimez donc?...

—Ah! vous le savez bien.»

Tous deux se turent et se contemplèrent.

Déjà ils oubliaient la situation périlleuse, le décor écrasant, et même les circonstances menaçantes qui amenaient le jeune homme à une si extraordinaire entreprise.

Les yeux noirs de Mlle de Valcor et les yeux bleus de M. de Ferneuse se pénétraient plus attirants et plus profonds que toute la mer et que tout le ciel, plus remplis de présages que le Destin. Ils ne pouvaient plus se déprendre.

Ce fut elle, moins chimérique et moins rêveuse, qui parla ensuite la première.

—«Pourquoi cette folie, Hervé?

—Parce qu’il faut que je vous parle, et que cependant j’ai juré à ma mère de ne pas remettre les pieds à Valcor.

—Nous en sommes là, vraiment?...» s’écria la jeune fille avec désespoir.

Il ne répondit pas tout de suite, cherchant du regard, au-dessus de lui, s’il ne pouvait gagner un mètre ou deux, et s’élever plus près d’elle. L’ayant cru possible, il se mit en mouvement. Et elle, alors, demeura muette, immobile, la respiration suspendue, toute son âme rivée à chaque geste du jeune corps souple, qui rampait en hauteur, collé au roc ainsi qu’une liane vivante.

Elle soupira, délivrée de l’affreuse oppression, lorsque, enfin, Hervé se trouva dans une espèce de niche assez vaste, à une distance d’elle si insignifiante, que leurs mains s’atteindraient peut-être s’ils essayaient de les joindre, non sans une extrême imprudence.

—«Le plus difficile a été fait sous vos yeux,» dit M. de Ferneuse. «J’ai franchi la falaise par un véritable sentier. Les touristes le suivent sans peine, pour goûter l’émotion de voir la mer se briser à la pointe du promontoire. Mais les guides n’ont pas prévu ma visite d’aujourd’hui, et les degrés manquaient pour remonter sur ce versant.

—Vous saviez donc me trouver ici, Hervé?

—J’en courais la chance. N’est-ce pas votre place favorite? Je serais revenu tous les jours, quitte à attendre, comme je viens de le faire, deux ou trois heures à mon poste d’observation.

—Mon ami,» dit la jeune fille avec une intonation profonde, «ceci nous unit pour toujours. Nous n’étions pas fiancés hier. Aujourd’hui nous le sommes.

—Est-ce vrai, Micheline?» s’écria le jeune homme, transporté. «Vous vous engagez à moi?

—De toute mon âme, devant Dieu qui nous entend, devant ce ciel et cette mer. Quels plus sublimes témoins pourrions-nous souhaiter?»

Elle étendait le bras, comme pour prêter serment. L’immensité se reflétait dans ses beaux yeux. Elle semblait, contre la pierre primitive, dressée derrière elle comme un menhir, une jeune prophétesse inspirée.

—«Micheline, je sens que je braverai tout pour vous conquérir. Mais, s’il faut lutter, ne fléchirez-vous pas?

—Jamais!

—Votre père a tant d’influence sur vous!

—Mon père ne veut que mon bonheur. Il me l’a encore fait savoir il n’y a qu’un instant.

—C’est comme ma mère,» dit Hervé. «Pourtant, elle m’interdit de songer à vous désormais.

—Quel tableau d’obéissance filiale!...» s’écria Micheline, avec la prompte gaieté de son âge.

Elle riait, traçant de la main, autour d’Hervé, un cadre imaginaire.

—«Je n’ai pas promis l’obéissance,» répliqua-t-il. «Mais j’ai donné ma parole de ne pas franchir la grille de votre parc. Rien au monde, d’ailleurs, pas même mon amour pour vous, adorée Micheline, ne me ferait mettre aujourd’hui le pied sur les terres de Valcor, et ma mère pouvait se dispenser de mon serment.»

Le sourire dont il avait accueilli la plaisanterie de sa fiancée mourut sur ses lèvres. Une expression qu’elle ne lui connaissait pas, un orgueil amer, se fixa sur le juvénile visage, qu’une moustache blonde parvenait à peine à viriliser, tant il y avait de finesse dans le teint blanc et de douceur dans les yeux limpides.

Micheline resta silencieuse, le regardant avec plus que de la tristesse, avec une confusion navrée. Elle ne savait de quels mots se servir pour lui demander s’il était possible que, la nuit dernière, ses parents, à elle, eussent ignominieusement congédié sa mère, à lui. Que devint-elle, en entendant celui qu’elle aimait lui dire:

—«Sans vous, Micheline, et malgré ma mère, le marquis de Valcor eût déjà reçu mes témoins.

—Dieu!» cria la jeune fille. «Un duel entre mon père et vous!»

Un peu d’ironie passa sur le visage nerveux de M. de Ferneuse.

—«Oh!» dit-il, «je suis redevenu plus maître de moi-même. Je ne vais pas vous réciter le monologue du Cid. Et pourtant, ma situation n’est pas moins tragique que la sienne. Mais j’espère ne pas déroger à la fierté de mon nom, en me retenant de jouer ici le héros cornélien. Si le malheur veut qu’après avoir tout essayé, j’aperçoive mon devoir dans une démarche qui me ferait vous perdre, eh bien ...»

Il s’arrêta.

—«Eh bien?» répéta Micheline, dont le cœur sautait d’angoisse.

—«N’importe, ma chère aimée, n’envisageons pas le pire.

—Expliquez-vous, Hervé. Vous me devez le secret de toutes vos pensées. Qui me parlera, si ce n’est vous? Je vis dans le mystère. Mes parents se cachent de moi. Cette entrevue que vous nous avez ménagée au péril de votre vie est peut-être la dernière, pour bien longtemps. Oh! que tout cela est affreux!» gémit-elle, comme si la cruauté de leur sort lui fût apparue tout à coup.

—«Micheline, c’est vrai, il nous faudra beaucoup de courage et peut-être une longue patience. Entre nos deux familles, il y a certainement quelque secret terrible. Ma mère m’a dit d’espérer. Elle croit que ce secret ne mettra pas entre vous et moi un obstacle insurmontable. Cependant ... ô ma fiancée devant Dieu! vous qui, seule, posséderez mon cœur jusqu’à la mort, écoutez. Si tout notre amour, toute notre énergie, toute notre fidélité ne venaient pas à bout d’un tel obstacle ...

—Que feriez-vous?» questionna vivement Mlle de Valcor. «Est-ce alors que vous demanderiez raison à mon père?»

Hervé secoua la tête.

—«Je suis un croyant,» dit-il. «La science ne m’a pas éloigné de Dieu. C’est lui que je cherche à travers sa mystérieuse création. J’ai confiance qu’il me donnerait la force de renoncer à mes titres vains de gentilhomme et aux préjugés sanguinaires dont leurs traditions obscurcissent les âmes. Je quitterais le monde, où je ne pourrais devenir votre époux et où je serais trop tenté de me venger du marquis de Valcor.

—Vous vous tueriez?

—Non, Micheline, car ce serait éviter un crime pour en commettre un pire. J’irais poursuivre, au fond d’un cloître, les études d’où j’essaie de tirer quelque bien pour mon pays.»

Elle parut surprise et se tut. Une anxiété subite altéra la physionomie d’Hervé. Il se méprenait sur ce silence.

—«Vous referiez votre bonheur ...» murmura-t-il.

—«Vous pouvez le croire!» s’exclama Micheline. «Oh! non, Hervé, non!... Votre résolution m’étonnait, parce que, moi, il me semble que je préférerais mourir.»

Cette fille charmante prononça ces mots avec une simplicité qui leur donnait une force merveilleuse. D’un caractère moins contemplatif, moins imprégné de traditions religieuses que celui d’Hervé, elle n’envisageait pourtant pas plus que lui leur amour comme un sentiment qui pouvait changer ou finir. Seulement, devant la résolution inattendue de l’homme dont elle ne connaissait pas encore toute l’âme, elle avait eu un instant d’hésitation, un retour sur elle-même. Quelle forme prendrait son renoncement à la vie si elle devait perdre l’amour qui lui représentait toute sa vie?

—«Micheline,» dit M. de Ferneuse avec un beau sourire, «vous savez que notre premier devoir est l’espérance.

—Je ne cesserai d’espérer qu’après vous-même,» dit-elle.

—«Alors,» reprit-il avec une espèce d’espièglerie, «nous en avons pour longtemps.»

Ils rirent. Ils étaient jeunes. Et ils se sentaient si sûrs de s’aimer!

—«Maintenant,» dit Hervé, «il faut que nous nous quittions.»

Micheline pâlit, autant de la douleur de lui dire un adieu qui pouvait être long—qui sait? même éternel—que de frayeur pour lui, qui allait reprendre son périlleux chemin.

—«Me permettrez-vous de revenir?» demanda-t-il.

—«Ici?

—Sans doute.

—Non, non! J’aurai toute la patience qu’il faudra. Je préfère ne pas vous voir que d’exposer votre vie. Jurez-moi que vous ne recommencerez pas cette entreprise insensée.»

Sans répondre, il la suppliait des yeux de ne pas exiger un tel serment. Elle demeura inflexible. Hervé dut se soumettre.

—«Alors, laissez-moi toucher votre main ... Essayez ...» implora-t-il.

—Oh! vous vous tuerez!...» soupira Micheline, dont le sang se glaçait à chaque mouvement du jeune homme.

Cependant, leurs doigts étendus restaient séparés par un espace presque imperceptible. Mais cet espace, la mort seule eût permis à Hervé l’élan nécessaire pour le supprimer.

Mlle de Valcor regarda autour d’elle.

Du rocher tout proche, hors d’une anfractuosité, jaillissait, parmi quelques pauvres graminées, une petite fleur rosâtre et sans nom. Micheline la cueillit, la baisa, la tendit de toute la longueur de son bras. Son fiancé put saisir la corolle frêle. A son tour, il y posa les lèvres, la glissa contre son cœur.

—«Au revoir, Micheline adorée. Je suis à vous pour toujours.

—Au revoir, Hervé. Je vous aime. Je serai votre femme ou je mourrai.»

M. de Ferneuse commença de redescendre. Il le fit avec la lente et sûre agilité déployée dans l’ascension. Pas une fois il ne leva la tête. La moindre distraction eût été fatale. Mais lorsque, enfin, il posa le pied sur l’espèce de lacet praticable, contournant la falaise et taillé pour les touristes amateurs d’émotions, il retira la casquette de toile qui le coiffait, et dirigea les yeux là-haut, vers l’aimée.

Elle vit ses cheveux blonds lustrés, qui brillaient dans le soleil, et sa face claire où elle devina le reflet d’une âme incapable de découragement, d’inconstance, d’aucune fraude morale. Elle se sentait vaillante et sûre comme lui, résolue comme lui. Elle espéra. Aussi, avec plus de douceur que de mélancolie, suivit-elle la mâle silhouette élégante, qui disparut à l’angle du rocher.

Alors, elle mesura l’horrible chemin parcouru par Hervé pour monter jusqu’à elle. La muraille, grise et sans ombre dans la pleine lumière, paraissait presque lisse. En bas, c’était l’abîme, avec le hérissement féroce des granits et l’irritation perpétuelle des lames contrariées.

Micheline s’enivra d’horreur et d’orgueil, maintenant qu’elle ne craignait plus pour l’audacieux ami.

«Ah! je puis être fière d’être aimée à ce point!» pensa-t-elle.

Sa nature hautaine trouvait là une satisfaction exaltante, une force de constance indomptable.

Le marquis de Valcor

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