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CHAPITRE UN
ОглавлениеSeptembre 1906
La vague de chaleur qui berçait le pays était devenue insupportable. Pour Miss Angeline Marsden, cela signifiait un niveau d'anxiété croissant. Elle avait des projets que ses parents n'approuveraient pas, en vérité, c'était certains qu'ils allaient lui sonner les cloches à ce sujet. Mais une fille a bien le droit de s'accrocher à ses convictions, et Angeline en avait pas mal. Certaines batailles devaient être menées de front alors que d'autres nécessitaient l'emploi de quelque sournoiserie pour remporter la victoire. Le fait que ses parents n'aiment pas la cause qui était sienne l'avait poussé vers cette seconde approche.
Si elle voulait avoir la moindre chance de pouvoir participer prochainement à la parade, il lui faudrait l'aide d'un proche. Plus particulièrement celle de sa meilleure amie, Lady Émilia St. John, et Angeline espérait vraiment qu'elle l'aiderai. Autrement, elle ignorait comment elle allait réussir à tromper ses parents. Il fallait que ça marche. C'était très important pour elle, et elle était prête à presque tout pour s'assurer que les choses se passent selon sa volonté.
Angeline se précipita dans la rue en direction de la maison Huntly. Émilia l'attendait pour le thé. Elle espérait vraiment que la mère d'Émilia, la Duchesse de Huntly, ne serait pas chez elle. Cela risquait d'être difficile d'obtenir l'assistance d'Émilia si elles étaient obligées de discuter en chuchotant derrière leurs éventails de soie. Lorsqu'elle arriva à la porte, elle frappa avec le heurtoir à deux reprises. Un homme aux cheveux sombres grisonnants sur les côtés lui ouvrit et l'accueilli,
– Bonjour, Miss Angeline.
– Hello, Simmons.
Elle fit un hochement de tête en direction du majordome vieillissant.
– Émilia est-elle au salon ?
– En effet, elle s'y trouve, confirma-t-il.
– Et sa grâce également.
Zut. Elle qui avait espéré que la mère d'Émilia’ serait partie en tournée de visites. En temps normal, elle aurait adoré une visite avec elles deux. Elle considérait la duchesse comme un membre de sa famille, en quelque sorte. Ses parents étaient proches d'Émilia, et elles avaient grandi ensemble. Il n'y avait aucun rassemblement familial sans la présence des Marsden et des St. John. Malheureusement, sa tante honoraire Rubina ne serait pas plus satisfaite des projets d'Angeline que ne l'étaient ses parents. D'une façon ou d'une autre, elle trouverait une façon de contourner les obstacles.
– Merci, Simmons. Elle lui adressa un hochement de tête.
– Je trouverais bien mon chemin jusque là.
Elle n'attendit pas la réaction du majordome. Le manoir de Huntly était comme un second foyer pour elle. Angeline en connaissait les recoins comme ceux du domaine de la famille Marsden. Elle emprunta le couloir et tourna à droite pour pénétrer dans le petit salon. Il avait été redécoré de nuances de bleu foncé et d'or. La duchesse avait souhaité du changement, et la nouvelle association de couleurs donnait à la pièce une atmosphère bien plus élégante. Un chariot à thé avait déjà été apporté et plusieurs gâteaux étaient disposés sur une table à proximité.
– Belle après-midi , les salua-t-elle.
La duchesse était vêtue d'une robe de promenade vert sombre au corsage décoré de boutons d'or sur le devant. Elle portait des gants en peau de chevreau parfaitement assortis à la robe. Elle avait probablement décidé qu'un chapeau aurait été de trop et elle avait laissé sa blonde chevelure sans ornement.
– Angeline, dit-elle joyeusement.
– C'est si gentil à vous de vous joindre à nous.
Elle sourit à la duchesse.
– Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas vues.
Elle se pencha et lui posa un baiser sur la joue.
– Comment vous portez-vous ?
La duchesse fit un signe de la main.
– Vous n'avez pas besoin d'entendre parler de notre voyage à la campagne. Noah avait des affaires à régler concernant la propriété et je dois admettre qu'il était bien agréable de se mettre quelques temps en mode rustique au château de Huntly. Il est plein de courants d'air et il fait plus frais qu'ici. Qu'elle chaleur, je n'en revenez pas… Et vous ?
Émilia roula des yeux pendant que sa mère ne regardait pas. La duchesse l'aurait châtiée pour un comportement si indigne d'une lady ; Angeline étouffa un rire afin de ne pas attirer d'ennuis à son amie. Émilia était une version plus jeune de la duchesse, jusqu'à avoir les même yeux gris-argent. Elle portait même un ton de vert similaire à celui que portait sa mère ; parfois cela pouvait être déconcertant, une telle ressemblance.
– venez vous asseoir.
Émilia tapota le coussin auprès d'elle.
– Dites-moi ce que vous mijotez ces jours-ci .
Angeline tira la langue :
– Je ne fais rien de tel.
Son amie ne la connaissait que trop bien. Il y avait forcément un moyen de détourner l'attention de la duchesse afin de se retrouver un peu seule avec Émilia. Si elle ne pouvait s'assurer son concours alors son plan tomberait à l'eau.
– J'avais seulement envie de voir ma meilleure amie .
– C'est si aimable à vous , déclara la duchesse avec sincérité.
– Comment se portent votre mère et votre père ?
Extrêmement déterminé à me gâcher la vie…
Allons bon, la duchesse n'aurait pas envie d'entendre cela de sa part ; même si c'était la vérité.
– Ils se portent merveilleusement. Père était en train d'envisager un retour possible à la propriété de campagne. Londres est vraiment devenu impossible au cours du mois passé. La chaleur est une torture.
Pour appuyer sa déclaration, elle déploya son éventail de soie et commença à l'agiter devant son visage.
– Cela aura été une dure année pour votre famille . Elle avait un soupçon de tristesse dans la voix.
– Avec votre grand-père…
Angeline avait manqué terminer la phrase à sa place, mais au lieu de cela elle déglutit comme pour avaler la grosse boule qu'elle avait désormais dans la gorge. Il y avait un an, son grand-père était décédé soudainement. Un événement qui avait lourdement affecté son père ; nul ne s'était jamais préparé à l'éventualité du décès du vieil homme. D'une certaine façon, il avait paru si infaillible. Avec le décès inattendu de son grand-père, le père d'Angeline était devenu à son tour Vicomte de Torrington. Un titre qu'il aurait volontiers attendu encore une éternité si cela avait pu suffire à maintenir son père en vie plus longtemps. Il n'était un secret pour personne que le vieux vicomte avait mené une existence de pirate avant d'épouser la grand-mère d'Angeline. Cela lui avait conféré une dangereuse aura qui avait fait trembler de terreur tout prétendant intéressé par Angeline. Que son propre père soit capable d'un seul regard de faire geler sur place n'importe quel homme n'arrangeait pas les choses. Entre les deux hommes, elle n'avait pas réussi à s'attacher un époux après plusieurs saisons. C'était heureux qu'elle ne veuille pas réellement de mari.
Et bien, cela non plus n'était pas tout à fait vrai.
Il y avait bien un homme qu'elle souhaitait épouser, mais malheureusement il ne lui prêtait jamais aucune attention. Mais c'était un obstacle dont elle se préoccuperait bien plus tard ; peut-être jamais. Elle n'allait pas laisser ces vieilles blessures dicter chacune de ses décisions. Il y avait des problèmes plus pressants requérant toute son attention. Gagner le cœur d'un homme insouciant était le cadet de ses soucis.
– Grand-père nous manquera , assura-t-elle à la duchesse.
– Nous ne l'oublierons jamais. – Il ne sera jamais oublié. Thor était un saligaud têtu et arrogant, mais nous l'aimions, probablement un peu pour ces traits seuls.
– C'est bien vrai, dit une voix masculine alors que quelqu'un pénétrait dans la pièce.
Le cœur d'Angeline palpita dans sa poitrine. Elle ferma les yeux et prit une profonde inspiration pour tenter de calmer les mouvements rapides de ce traître d'organe. Il n'avait qu'un mot à dire et elle le désirait. Cela avait toujours été ainsi et peut importait ce qu'elle faisait, cela ne changeait pas.
Lucien St. John, marquis de Severn et héritier du duché Huntly, était aussi le frère aîné de son amie la plus proche et l'homme qu'elle aimait au-delà de la raison.
Ses cheveux sombres et ses pommettes ciselées lui donnaient un visage à la beauté du diable, mais ses yeux argentés exprimaient une diablerie qu'elle ne pouvait que deviner. Il avait toujours été un parfait gentleman avec elle, mais elle savait qu'il avait un côté mauvais. Pas personnellement… Non, elle n'avait jamais eu la chance de goûter à la passion sous aucune forme. Des rumeurs se répandaient en abondance sur ses friponneries et elle avait toujours été verte d'envie. Elle voulait qu'il la regarde et la désire de la même manière qu'elle l'avait toujours désiré.
– Bonjour, maman, dit-il en se penchant pour embrasser la joue de la duchesse. J'espère que je ne vous interromps pas.
– Pas du tout chéri, répondit la duchesse.
– Êtes-vous ici pour vous joindre à nous pour le thé ?
– Je voudrais pouvoir, répondit-il doucement.
– Je suis ici pour voir Père, mais je voulais venir dire bonjour avant de nous isoler dans son bureau.
– Les affaires du domaine ? Sa mère leva un sourcil interrogateur.
– Ne vous en faites pas. Je suis sûre qu'il me le dira plus tard. Êtes vous sûr vous ne pouvez pas rester avec nous peu un plus longtemps ?
Autant qu'Angeline avait aimé étudier l'homme qui détenait son cœur sans l'avoir remarqué, elle avait d'autres choses à l'esprit. Si Lucien restait, cela rendrait son but bien plus difficile à atteindre. En outre, ça la rongeait lentement d'être en sa proximité. Rien n'a apporté dehors le cafard tout à fait comme son oublie continu. Elle aurait aussi bien pu être invisible quand Lucien était là. Il ne prenait pas la peine de la saluer à moins que les bonnes manières lui dictent de tenir compte de sa présence. Même là, il ne tournait pas la tête et ne lui disait pas le moindre bonjour à elle ou à Émilia. Il garda son attention sur sa mère.
– Il me faut décliner. Sa voix semblait résonner d'une déception à peine perceptible. Angeline doutait que Lucien ait une once de regret en lui. Bien sûr, il aimait sa mère, mais il avait été décrété le plus vil des fripons. Il préférerait probablement passer du temps en compagnie d'une sorte de femme plus délectable. Lucien était tout sauf subtil.
– Peut-être que nous pourrions faire un dîner de famille plus tard cette semaine.
Angeline déglutit, mal à l'aise. Pourquoi était-elle allée tomber amoureuse de lui ? Il ne l'aimerait jamais en retour…
La duchesse sourit, le bonheur rayonnant autour d'elle.
– Quelle belle idée. Elle se tourna vers Émilia.
– Vous pouvez m'aider à planifier ça, chérie. Puis elle jeta un coup d'œil à Lucien.
– Nous enverrons une note à votre logis lorsque nous aurons fixé une date. Allez rencontrer votre père. Vous savez à quel point il déteste être obligé d'attendre.
Vous avez raison, acquiesça Lucien.
– Savourez votre thé Sur ces mots, il les laissa seules dans le salon.
Angeline ne pouvait s'empêcher de le regarder alors qu'il sortait. Son regard semblait le suivre naturellement chaque fois qu'il se trouvait à proximité. Parviendrait-elle jamais à laisser ses sentiments pour lui derrière elle ? Elle retint un soupir. Cela n'aiderait pas sa cause, aucune d'entre elles.
– Émilia, Angeline se tourna vers elle.
– Le temps est tellement beau aujourd'hui ! Voulez-vous aller faire une promenade avec moi ?
– Êtes-vous devenue folle ? Émilia fronça les sourcils.
– Il fait aussi chaud qu'en enfer dehors. Elle ouvrit son éventail en soie et l'agita furieusement sur son visage rougi.
– Je préfère ne pas m'efforcer plus que nécessaire.
Cette fois Angeline soupira. Émilia avait raison, mais elle était à court d'options. Elle voulait son aide, alors elle devrait trouver un autre moyen de discuter de son problème avec Émilia en privé.
– Je suis… inquiète Je pensais que marcher aiderait.
– N'avez-vous pas marché pour venir jusqu'ici, chérie ? demanda la duchesse, son ton évoquait un soupçon de scepticisme.
– J'aurais cru que c'était plus qu'assez d'exercice.
Son domicile n'étant pas très éloigné de Huntly Manor, elle ne voyait donc aucune raison de faire atteler une calèche sur une courte distancie, même par une journée étouffante.
– Si Émilia ne veut pas se joindre à moi, c'est sa décision. Angeline dut se retenir d'attraper et de secouer son amie. Elle devrait attendre le dîner chez les Wharton plus tard pour s'arroger un peu de temps seule avec elle.
– Peut-être que je devrais me passer de thé et rentrer à la maison.
Sa visite de l'après-midi ne s'était pas passée comme prévu. Elle avait également dû souffrir pendant tout le temps passé en compagnie de Lucien – il ne fallait pas s'attendre à ce qu'il lui accorde la moindre attention. Peut-être que cela faisait partie de son problème. Elle se languissait de d'amour pour lui depuis l'âge de dix ans. Neuf ans plus tard, son cœur continuait à battre à tout moment.
– Je ne voulais pas insinuer que vous n’étiez pas la bienvenue, déclara la duchesse.
– S'il vous plaît, ne vous sentez pas obligée de partir.
Angeline se leva et alla vers la duchesse pour la prendre dans ses bras.
– Vous êtes bien aimable, comme toujours, tante Ruby – c'est comme je l'ai dit. Je ne suis pas tranquille.
Elle ne voulait pas faire penser à la duchesse qu'elle avait mal agi. Rien n’eut été plus faux. Si quelqu'un pouvait être tenu responsable de son agitation, c'était Lucien. Elle était nerveuse avant son arrivée à Huntly Manor, mais sa proximité avait encore aggravé les choses. Angeline recula.
– Ne vous inquiétez pas, tout va bien, et je vous verrai ce soir au dîner des Wharton.
Émilia se leva et enroula son bras autour de celui d'Angeline.
– Je vais vous raccompagner si vous insistez tellement pour partir avant de prendre un thé.
Elle plissa le nez.
– Il fait chaud, et malgré que je sois desséchée, le thé semble… trop en cet instant. En vérité, elle avait perdu son appétit – si elle en avait jamais eu un – le moment où Lucien était entré dans le salon.
– Il ne fait jamais trop chaud pour le thé, répondit Émilia.
– Peut-être que quelque chose d'autre vous dérange ? Le coin de sa bouche se releva en un sourire malicieux. Son amie la connaissait trop bien…
Elles sortirent de la pièce et traversèrent le couloir menant au hall. Angeline ne prit la peine de commenter l'allusion si peu subtile d'Émilia à la présence de Lucien qui interrompait le thé. – Nous aurons à discuter encore plus tard. Il y a quelque chose dont je veux m'entretenir avec vous.
– A propos de Lucien ?
Angeline roula des yeux.
– Bien-sûr que non. Il est…
Zut. Dans un monde parfait, il serait tout pour elle. Dommage, Lucien ne ressentirai jamais la même chose.
– Même si je souhaite ardemment qu'il m'aime, il ne m'aimera jamais. Vous le savez plus que quiconque. C'est quelque chose de plus important.
– Mon frère est un imbécile, dit Émilia en plaçant sa main sur celle d'Angeline.
– Nous parlerons plus au dîner. Je vous aiderai quoi qu'il arrive.
Émilia avait toujours été là pour elle. Espérons qu'elle soit toujours prête à l'aider une fois qu'elle aura compris ce dont Angeline avait besoin. Elle serra son amie dans ses bras et quitta le manoir. Elle avait de quoi réfléchir avant le dîner prévu pour plus tard dans la soirée. Lucien pourrait aller rôtir en enfer. Il était probablement le maître de cette fosse ardente et la raison pour laquelle ils étaient submergés par l'atmosphère inhabituellement chaude.
D'accord, il n'était pas si méchant que… Elle aurait souhaité qu'il l'aimât. Cependant, espérer l'impossible ne changerai pas la réalité.