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1.1. L’Etat-major général avant 1874

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L’Etat-major général a été créé en 1804, sous le régime de la Médiation.1 C’était un organe non permanent, coexistant avec un corps du génie permanent à la tête duquel se trouvait un quartier-maître, le colonel Finsler. Sa structure et les attributions de chacun de ses membres étaient à la fois compliquées et mal définies. Il connut en outre, à ses débuts, des difficultés d’organisation du fait de l’opposition de Napoléon à la nouvelle institution, celui-ci craignant de voir une force militaire organisée se reconstituer dans une Suisse dont il doutait de la sincérité du gouvernement.

Les différentes mises sur pied de l’armée, en 1805, 1809, 1813 et, surtout, en 1815, montrèrent toutes les insuffisances de l’organisation en vigueur. La répartition des tâches entre le major-général2 et le quartier-maître3 fut un des problèmes les plus importants à résoudre au quotidien. Le service de renseignements se révéla également tout aussi boiteux, tandis que le ravitaillement de l’armée, confié au commissaire des guerres en chef, connut des difficultés particulières, notamment au cours de la désastreuse expédition de 1815 en Franche-Comté.

Le Règlement militaire du 20 juillet 1817 créa un Etat-major fédéral du temps de paix, qui coiffait l’armée fédérale, composée d’une élite et d’une réserve. Nommé en partie par la Diète et en partie par le président de l’assemblée, cet Etat-major se composait de 20 à 24 colonels fédéraux, d’un nombre non précisé de lieutenants-colonels et, ultérieurement, de majors, du médecin en chef, des adjudants, des officiers de l’Etat-major de l’artillerie, du génie, du commissariat et de la justice militaire. Ces officiers constituaient une réserve de cadres dans laquelle on puisait pour désigner, au moment de la mise sur pied, les commandants et les officiers d’état-major des formations supérieures au bataillon, formations qui n’existaient pas en période de paix et que l’on organisait au moment de la mobilisation.

Parmi les officiers de l’Etat-major fédéral se trouvaient les membres, élus par la Diète, de la Commission d’inspection militaire. Celle-ci se composait de trois membres permanents, le colonel quartier-maître, le colonel inspecteur de l’artillerie et le commissaire général des guerres, ainsi que de deux autres colonels fédéraux, élus pour une année et non immédiatement rééligibles, et d’un secrétaire permanent dès 1818. En 1831, la composition de la Commission fut modifiée. Les deux colonels fédéraux virent la durée de leur mandat allongée à trois ans, tandis que deux autres membres temporaires furent ajoutés. Cette institution, héritière des anciens conseils de guerre, assumait les tâches les plus diverses correspondant à celles attribuées ultérieurement au Département militaire fédéral, notamment la Commission de défense nationale et l’Etat-major général.

Le quartier-maître avait des tâches particulières. Il était chef d’arme du génie et dirigeait les travaux trigonométriques et cartographiques. De plus, il assumait les fonctions de chef de l’Etat-major général et, à ce titre, était chargé des questions de mobilisation et des opérations de l’armée. Comme le souligne Georges Rapp, «le cumul de deux activités par le quartier-maître général n’est pas fortuit. Aussi longtemps qu’on ne forma pas des officiers d’état-major général au sens où on l’entendra plus tard, les membres de l’Etat-major du génie, plus instruits par nécessité que leurs collègues et chargés de tâches plus complexes et plus polyvalentes, restèrent les aides du haut commandement les plus compétents, sinon les mieux utilisés.»

En 1835, un projet de réforme des institutions militaires fut repoussé et cette organisation resta en vigueur jusqu’en 1850. En ce qui concerne l’Etat-major de l’armée, organe d’aide au commandement et de conduite du général, une organisation fut prescrite dans un manuel entériné par la Commission d’inspection militaire le 12 mars 1823. Elle fut redéfinie le 10 décembre 1846 dans une Instruction pour l’Etat-major général de l’armée fédérale, dont l’auteur est probablement Guillaume-Henri Dufour.

Au lendemain de la création de l’Etat fédéral en 1848, conjointement avec le développement de la centralisation militaire, un Etat-major fédéral permanent se mit en place.4 L’organisation était définie de manière laconique dans les articles 20 et 21 de la loi sur l’organisation militaire du 8 mai 1850. L’Etat-major fédéral se divisait en six états-majors:

– un Etat-major général;

– un Etat-major du génie;

– un Etat-major de l’artillerie;

– un Etat-major judiciaire;

– un Etat-major du commissariat;

– un Etat-major sanitaire.

L’Etat-major général se composait de 40 colonels, 30 lieutenants-colonels, 30 majors et d’un nombre non-précisé de capitaines et de premiers-lieutenants. Comme précédemment, les fonctions que devaient remplir les officiers d’état-major général en cas de mise sur pied n’étaient pas définies. Ils constituaient toujours une réserve de personnel dans laquelle on puisait, en cas de mobilisation, pour désigner les commandants des formations supérieures à celles du bataillon, les officiers d’état-major et les adjudants.

La loi sur l’organisation militaire de 1850 apporta donc des améliorations, mais pas de réforme fondamentale de l’Etat-major général. Tout au long de la décennie, la presse militaire publia diverses propositions visant à adopter une structure différente. Dès 1852, dans un article de la Schweizerische Militärzeitschrift, des voies s’élevèrent, d’une part, pour séparer les fonctions d’état-major et celles d’adjudance et, d’autre part, pour réunir l’Etat-major général et celui du génie. Cinq ans plus tard, des officiers d’état-major général, dans une pétition adressée au Conseil fédéral, demandèrent une organisation en trois subdivisions, l’une pour le commandement des grandes unités, la deuxième pour le service d’état-major général et la dernière pour l’adjudance. Une autre demande contenue dans la pétition était la création d’un poste de chef du personnel au Département militaire fédéral. Le Conseil fédéral approuva cette idée et créa le poste d’instructeur en chef de l’infanterie, dont l’une des tâches était la gestion du personnel. L’Etat-major général lui fut, dès lors, subordonné.

Après l’adoption de quelques modifications mineures en 1863, l’Etat-major général connut une étape fondamentale de son organisation en 1865 avec la création d’un Bureau d’état-major. La loi sur l’organisation militaire de 1850 avait supprimé la Commission d’inspection et le poste de quartier-maître, tandis que les fonctions du chef du génie s’étaient vu restreindre. Les activités de ces anciennes institutions avaient été transférées au Département militaire fédéral, nouvellement créé, ce qui constituait une charge particulièrement importante pour lui, au vu surtout de ses effectifs qui se limitaient, outre le chef du département, à trois personnes. Dans ses conditions, il était impossible de réaliser des travaux d’état-major général, surtout si l’on pense que le conseiller fédéral en charge des affaires militaires n’était pas forcément, lui-même, un officier d’état-major général. Dès lors, la création d’un Bureau d’état-major permanent devint un thème de discussion.

Diverses études furent menées et, par la loi du 13 novembre 1865, cette institution vit le jour, ayant à sa tête un chef employé par la Confédération. Le colonel Hermann Siegfried, déjà directeur du Bureau topographique, fut nommé pour occuper le poste dès le 1er janvier 1866. Le nouveau Bureau d’état-major avait pour tâche de s’occuper des plans de la défense nationale, de la documentation et du Bureau topographique. Le 22 décembre 1865, une instruction pour son chef était promulguée, définissant de manière plus complète ses prérogatives.

L’organisation de l’Etat-major général était insuffisante et divers travaux furent menés entre 1865 et 1873 en vue d’une amélioration. Les Etats-majors de plusieurs pays étrangers furent étudiés, notamment ceux des armées belge, prussienne et austro-hongroise.5 Les réflexions furent plus ou moins poussées, certaines, comme celles relatives au corps d’état-major italien, se limitant à quelques mots écrits au brouillon. Ces études n’aboutirent cependant à aucun changement jusqu’en 1874. Le projet de loi militaire de 1868, œuvre du Conseiller fédéral Emil Welti, contenait des modifications profondes en la matière. Nécessitant un changement constitutionnel, le projet dut être abandonné. Il servit toutefois de base de travail au lendemain de la guerre franco-prussienne de 1870–1871 qui démontra, par ailleurs, la nécessité de réformer l’ensemble de l’institution militaire. La Constitution fédérale centralisa le pouvoir législatif entre les seules mains de la Confédération. La loi sur l’organisation militaire du 13 novembre 1874 qui en découla reprit, comme nous le verrons, le contenu du projet Welti pour donner une nouvelle organisation à l’Etat-major général.


Illustration 1: Emil Welti, chef du Département militaire fédéral (1867–1868, 1870–1871 et 1873–1875). Bibliothèque nationale.

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