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2.1.2. Les relations avec les cantons

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Pour la mobilisation, les cantons constituaient les principaux partenaires de l’Etat-major général.164 Ils jouaient en effet un rôle déterminant dans le système prévu par l’ordonnance du 18 novembre 1884165 sur la mobilisation et celle du 8 mars 1887 sur le Service territorial, le Service des étapes et l’exploitation des chemins de fer.166 Outre la transmission des ordres de mobilisation aux troupes relevant de leurs compétences, les cantons avaient la responsabilité d’organiser les places de rassemblement de corps et la distribution du matériel aux troupes, ainsi que de contrôler les travaux que les communes devaient effectuer, notamment en ce qui concernait la question fondamentale de la réquisition des chevaux et des voitures. Du fait de leur souveraineté et de leurs prérogatives en matière militaire, chacun d’entre eux représentait un acteur particulier. Dès lors, le nombre de ces acteurs, vingt-cinq au total, était jugé trop nombreux.167 Keller souhaitait une centralisation de l’administration militaire, avec une attribution de la majeure partie des compétences cantonales aux arrondissements de division. Il voyait dans cette réforme le moyen de disposer d’une administration plus compétente et efficace et de réduire à huit le nombre des partenaires directs de l’Etat-major général.

La souveraineté et l’autonomie cantonales posaient encore d’autres difficultés. Tout d’abord, les cantons ne voyaient pas toujours d’un bon œil les interventions du Département militaire fédéral. Les quelques exemples cités par Arnold Linder montrent bien que les communes et les cantons étaient jaloux de leurs prérogatives et qu’il existait une certaine inertie de la part de ces derniers dans l’exécution des directives fédérales. Ainsi, le canton de Vaud voyait une atteinte à sa souveraineté, lorsque le Département militaire fédérale lui demandait comment le chef du Département militaire cantonal pourrait, en cas de mobilisation, continuer à diriger son Département tout en se rendant à Morges durant quatre jours pour assurer ses fonctions de commandant de place. De son côté, Neuchâtel avait la fâcheuse habitude de ranger les documents en provenance de Berne dans un carton spécial. C’est ainsi qu’au cours d’un contrôle des préparatifs cantonaux de mobilisation, un officier de l’Etat-major général ne trouva que des documents totalement périmés. Après réflexion d’un des secrétaires de l’administration neuchâteloise, les formulaires valables furent finalement retrouvés, non remplis, dans le carton en question.

Les cantons n’avaient pas toujours les moyens nécessaires pour réaliser jusque dans leurs moindres détails les tâches dont ils étaient responsables. Keller jugeaient que les administrations cantonales étaient généralement trop réduites pour mettre en place les organisations nécessaires et tenir à jour les dossiers. Il ne voyait guère que deux cantons, Berne et Vaud, qui avaient été capables d’y parvenir. Le chef de l’Etat-major général émettait donc de sérieux doutes sur la qualité de la préparation cantonale en matière de mobilisation générale. Il citait l’exemple du canton de Zurich qui n’avait rien prévu pour prévenir les communes. En 1889, au moment des troubles au Tessin, la transmission de la mise sur pied des troupes nécessita l’envoi d’un télégramme à chaque commune, soit deux cents en tout. Cette seule opération demanda plus d’une demi-journée! L’organisation des places demandait également que les cantons s’occupent de nombreux détails et améliorent les infrastructures de leurs arsenaux et dépôts. En 1901 par exemple, les arsenaux de Zurich, Winterthour, Berne, Glaris et Coire ne disposait pas d’un éclairage suffisant. Le matériel de corps n’aurait pu être distribué aux troupes que durant la journée! Pour remédier aux insuffisances des cantons, Keller n’hésita pas à compléter, de sa propre initiative, les mesures prises par ces derniers s’il jugeait que cela s’avérait indispensable. Au début des années 1890, il fit réaliser des affiches de mise sur pied pour les différents états-majors et les corps de troupes, ainsi que pour les chevaux et les voitures.168 Ces affiches étaient conservées de manière centralisée, prêtes à être complétées, puis placardées dans les lieux publics.

Par ailleurs, le système de mobilisation posait de nombreux problèmes dus à la centralisation qui impliquait une très bonne organisation, dès le temps de paix, pour les grandes places de mobilisation où de nombreuses troupes devaient venir s’équiper. Une pareille concentration posait des problèmes, non seulement de stockage des matériels et des équipements pour les troupes, mais, aussi, de transport, de logement et de ravitaillement, des difficultés logistiques qui ne furent réglées que petit à petit. En 1904, tout n’était pas encore terminé. Ainsi à Brigue, il n’y avait aucune disposition pour assurer le ravitaillement des troupes qui mobiliseraient dans cette commune. Aucun fournisseur n’avait voulu s’engager, mais la municipalité estimait que les ressources de la ville permettraient de fournir tout ce qui serait nécessaire.

Enfin, le dernier problème de l’organisation de la mobilisation résidait dans le fait qu’elle fut fréquemment modifiée et qu’elle devait être constamment tenue à jour, ce qui représentait un travail significatif et des frais pour les cantons. Ainsi, la Berne cantonale imprimait les affiches de mobilisation en temps de paix déjà.169 Chaque changement nécessitait d’apporter des modifications aux documents ou de les réimprimer. Les constantes modifications et les contrôles annuels effectués par les chefs d’état-major des divisions n’étaient pas toujours bien vus par les administrations militaires cantonales. Ils étaient souvent perçus comme des tracasseries administratives dues à la seule volonté de l’Etat-major général. Arnold Linder cite l’exemple du Département militaire vaudois qui écrivit au Département militaire fédéral en janvier 1902 «que dans l’intérêt d’une bonne et rapide mobilisation, il serait fort à désirer que l’on évite à l’avenir ces petites modifications continuelles qui sont sans importance réelle et d’arriver à obtenir quelque chose d’un peu stable».

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