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CHAPITRE DOUZE

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13:45, heure normale de l’Est

Salle de crise

Maison-Blanche, Washington DC


– Quelle heure est-il là-bas ? demanda Susan.

Kurt consulta sa montre.

– Ah, neuf heures moins le quart du soir environ. On a prévu de lui parler à neuf heures.

– Okay, acquiesça Susan. Fais-moi un topo rapide.

Elle promena son regard dans la salle, comble comme d’habitude. Kurt se tenait au fond de la table oblongue, sa position favorite. Haley Lawrence était assis en compagnie d’une foule de généraux et d’amiraux, dont certains étaient des femmes, nota Susan avec plaisir. Les bords de la salle étaient remplis d’aides et d’assistants.

– Nous avons une crise en cours, dit Kurt. Et nous devons avancer avec prudence. Voilà le message.

Susan fit un mouvement circulaire de la main, comme pour dire développe.

– Comme la plupart des gens ici le savent, Israël est un de nos alliés stratégiques depuis sa fondation en 1948. Dans un monde en évolution constante, seuls une poignée de pays – l’Angleterre, le Canada, la France, l’Inde, l’Arabie Saoudite… (Kurt roula des yeux quand quelques personnes lancèrent des huées à la mention de l’Arabie Saoudite) le Maroc, et quelques autres – sont de notre côté depuis plus longtemps. En tant que pays relativement petit dans une région instable, la position d’Israël est au mieux précaire et, au cours des décennies, des tensions ont à plusieurs reprises éclaté en conflit ouvert avec une foule d’acteurs régionaux. Au début, ces conflits étaient le résultat d’attaques de pays voisins tels que l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. Plus récemment, les conflits se sont concentrés sur le sort des Palestiniens déplacés lors de la création d’Israël et qui vivent dans une sorte de flou politique en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, terres dont Israël s’est emparé pendant la guerre des Six Jours en 1967. Tous les organismes internationaux, voire tous les pays de la planète, à part Israël et les États-Unis, considèrent Israël comme la puissance occupante de ces territoires.

« Les organisations terroristes islamiques utilisent cette situation comme un outil de collecte de fonds depuis deux générations. De plus, les pays musulmans peuvent attiser le sentiment anti-israélien chaque fois que cela sert leurs objectifs, tant que les Palestiniens restent dans les limbes.

– Quelle est notre politique à ce sujet ? demanda quelqu’un à l’arrière-plan.

– Bonne question, opina Kurt. Afin que tout soit bien clair, notre politique officielle est qu’il y a une négociation en cours, dont le résultat sera que la Cisjordanie et Gaza deviennent finalement un pays, probablement appelé Palestine, et que la Palestine et Israël coexistent pacifiquement et puissent même devenir des partenaires régionaux. En attendant, nous reconnaissons le droit d’Israël à sécuriser ses frontières et à empêcher les attaques des Palestiniens contre les civils israéliens. Nous ne reconnaissons pas le droit d’Israël à construire de prétendues colonies en territoire palestinien, et nous ne reconnaissons pas non plus Jérusalem comme capitale d’Israël. Nous la considérons comme une ville partitionnée : la moitié ouest en Israël, la moitié est en Cisjordanie.

– Et Yonatan ?

Kurt jeta un œil à la feuille de papier posée sur la table devant lui.

– Yonatan Stern. 63 ans. Marié, père de cinq enfants, grand-père de huit. Dans sa jeunesse, il a été commando dans l’unité d’élite Sayeret Matkal au sein de Tsahal. En 1976, il a été l’un des chefs du raid réussi sur l’aéroport d’Entebbe en Ouganda, où des commandos israéliens ont libéré plus de cent otages israéliens pris dans un avion détourné. Depuis qu’il a quitté l’armée, il a passé presque toute sa vie dans la politique israélienne comme va-t-en-guerre et partisan de la ligne dure. En ce moment, il se trouve au sommet d’une majorité indétrônable à la Knesset. Côté vulnérabilité, il fait actuellement l’objet d’au moins quatre enquêtes de police distinctes sur des affaires de corruption, allant de la réception de cadeaux de centaines de milliers de dollars de la part de riches partisans, jusqu’à la distribution de contrats militaires gouvernementaux préférentiels sans appel d’offres et la manipulation de l’industrie israélienne des télécommunications pour le compte de ses amis.

Kurt secoua la tête et siffla.

– Juridiquement, Stern est compromis. C’est réel, et ça a monopolisé une grande partie de son attention ces derniers mois. Il aura de la chance d’éviter la prison. Et il a aussi des problèmes sur le front diplomatique. Lors d’un voyage en Europe il y a trois semaines, il a été surpris à parler dans un micro ouvert, plaisantant avec l’idée d’une solution à deux États avec les Palestiniens, qu’il semblait écarter d’emblée. Apparemment, il ignorait que le micro était ouvert et il a dit que l’Union européenne était folle – oui, il a employé le mot « folle » – de s’inquiéter pour les Palestiniens. Vous pouvez imaginer à quel point ce petit faux pas a bien fonctionné dans les capitales européennes et au sein de la gauche israélienne.

Il se tourna vers Susan.

– Pour être clair, Yonatan Stern n’est pas un partenaire idéal. Mais je pense que nous devons également reconnaître qu’il n’est pas Premier ministre à vie, et qu’il y a beaucoup, beaucoup d’éléments dans la société israélienne qui cherchent une solution pacifique aux problèmes actuels. Israël a été et est toujours un allié important des États-Unis, et sa population civile est attaquée. Rien ne permet de dire pour l’instant quelle sera l’ampleur de cette attaque. Mais si l’Iran possède des armes nucléaires, comme ils le prétendent…

– Bien sûr, acquiesça Susan. Mon problème n’est pas avec Israël. Je comprends que la relation est bien plus large qu’avec Yonatan.

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