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AMATEURS ESPAGNOLS
CHAPITRE XI

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Voyage de Velasquez en Italie. – Ses études à Rome, tableaux qu'il exécute dans cette ville. – Accueil qu'il reçoit du roi à son retour. – Indication de quelques-uns de ses ouvrages.

1629 – 1631

La liaison qui s'était établie entre Velasquez et Rubens, pendant le séjour de ce dernier en Espagne, dut beaucoup profiter à l'élève de Pacheco. À cette époque, le peintre d'Anvers était dans toute sa gloire: la fécondité de son imagination, la facilité prodigieuse de son pinceau, l'éclat de son coloris, frappèrent, sans nul doute, son jeune émule, non moins que la variété de ses connaissances et la supériorité de son esprit. Comme Rubens avait fait un très-long séjour en Italie, et qu'il admirait avec passion les œuvres des maîtres de ce pays, et surtout celles du Titien, on doit croire qu'il engagea vivement le peintre espagnol à visiter cette contrée, pour y étudier, à la source même de la peinture chez les modernes, toutes les beautés de cet l'art. Depuis longtemps Velasquez, avait formé le projet de faire ce voyage; mais il lui fallait l'agrément du roi qui, après le lui avoir promis plusieurs fois143, ne pouvait se décider à le laisser s'éloigner. Après le départ de Rubens, Velasquez renouvela ses instances, et le roi finit par consentir. Il lui donna même pour son voyage quatre cents ducats d'argent (en plata), lui faisant payer deux années de son traitement. Le comte-duc, lorsque Velasquez vint pour prendre congé, ajouta deux cents autres ducats d'or, une médaille avec le portrait du roi, et un grand nombre de lettres de recommandation144.

Velasquez partit de Madrid, par ordre du roi, avec le marquis de Spinola, qui allait prendre le commandement des troupes espagnoles dans le duché de Milan. Il gagna Barcelone, où il s'embarqua le jour de Saint-Laurent (10 août) 1629, et vint aborder à Venise. Il y fut logé dans le palais de l'ambassadeur d'Espagne, qui l'admit à sa table, et le fit accompagner par ses domestiques, lorsqu'il sortait pour visiter la ville et ses environs, à cause des troubles qui agitaient alors l'Italie. Après un court séjour à Venise, il prit la route de Rome, par Ferrare, où, selon Palomino145, il ne s'arrêta que deux jours pour admirer les œuvres du Garofolo. Pacheco raconte qu'il se présenta dans cette ville, chez le cardinal Sachetti, légat du pape, et autrefois nonce en Espagne, auquel il remit une lettre d'introduction d'Olivarès. Le cardinal accueillit le peintre de Philippe IV avec empressement; il lui fit beaucoup d'instances pour qu'il logeât dans son palais, pendant le temps qu'il étudierait à Ferrare, et pour qu'il mangeât à sa table. Velasquez s'en excusa modestement, en disant qu'il ne mangeait pas aux heures ordinaires; mais que, néanmoins, si Son Éminence désirait être obéie, il changerait ses habitudes. Le cardinal ayant reçu cette réponse, envoya un gentilhomme espagnol, qui était à son service, avec ordre de se mettre à la disposition du peintre, de le faire servir de la même manière que s'il eût mangé à sa table, et de lui montrer les choses les plus curieuses de la ville. Informé que le départ de Velasquez devait avoir lieu le lendemain, le prélat ordonna de commander des chevaux et le fit accompagner pendant seize milles, jusqu'à un pays nommé Cento (la patrie du Guerchin). De là, Velasquez se dirigea, en toute hâte, vers Rome, en passant par Bologne et Lorète, mais sans s'y arrêter, et même sans se donner le temps de remettre aux cardinaux Ludovisi et Spada, qui se trouvaient dans la première de ces villes, les lettres de recommandation qui leur étaient adressées.

Arrivé à Rome, le peintre de Philippe IV fut reçu avec beaucoup de distinction par le cardinal Barberini, neveu du pape Urbain VIII, qui lui offrit un logement dans le palais du Vatican, et lui fit donner les clefs de plusieurs pièces, dont la principale était entièrement peinte à fresque de la main de Federigo Zucchero, avec des sujets tirés de l'Écriture sainte, parmi lesquels on voit Moïse devant Pharaon. Velasquez refusa de loger au Vatican, pour ne pas être seul; il se contenta d'accepter l'offre qui lui fut faite de donner l'ordre aux gardiens qu'on le laissât entrer sans difficulté, toutes les fois qu'il le voudrait, pour dessiner le Jugement dernier de Michel-Ange, ou les ouvrages de Raphaël; et il vint étudier souvent ces peintures, avec grand profit. Plus tard, charmé par la situation du palais ou Vigne des Médicis, sur la Trinité des Monts, et croyant ce site très-favorable à l'étude pendant le printemps, parce qu'il s'étendait sur la partie la plus élevée et la plus aérée de Rome, et qu'il s'y trouvait un grand nombre de statues antiques, il obtint la permission du grand-duc de Florence, par l'intermédiaire de l'ambassadeur d'Espagne, le comte de Monterey, de s'y établir. Il y passa deux mois, jusqu'à ce qu'une fièvre tierce l'eut obligé à chercher un refuge dans la maison du comte. Pendant cette indisposition, l'ambassadeur, beau-frère d'Olivarès, prit le plus grand soin du peintre favori du roi son maître, et de son premier ministre. Il lui envoya son médecin le visiter, et voulut supporter seul toutes les dépenses occasionnées par sa maladie. En outre, il donna l'ordre de lui procurer tout ce qu'il pourrait demander, vint le voir quelquefois, et envoya savoir souvent de ses nouvelles. Tel est le récit que Pacheco146 fait du premier voyage de son gendre et de son séjour à Rome. À part les études faites par Velasquez dans le Vatican, Pacheco ne mentionne d'autres peintures de son gendre que son propre portrait, donné à Pacheco lui-même, et un portrait sur toile de la reine de Hongrie, fille de Philippe III, que l'artiste fit à Naples, où il alla s'embarquer, et qui était destiné au roi d'Espagne147. Palomino et d'autres biographes disent que Velasquez fit à Rome le tableau de Joseph vendu par ses frères, et celui de Vulcain averti par Apollon de l'infidélité de Vénus148. Palomino ajoute149 que Velasquez emporta ces deux tableaux en Espagne, où il les offrit au roi, à son retour à Madrid, au commencement de 1631, après une absence de dix-huit mois. Le roi les reçut avec une grande satisfaction, et les fit placer au Buen Retiro, d'où le Joseph fut bientôt transporté à l'Escurial dans la salle du chapitre.

C'était d'après le conseil d'Olivarès que Velasquez s'était présenté chez le roi, pour le remercier de ce qu'il avait bien voulu tenir la promesse qu'il lui avait faite en partant, de ne se laisser pourtraire par aucun autre artiste pendant son absence. «Philippe IV, dit Pacheco150, se réjouit beaucoup de son retour, et la distinction ainsi que la générosité avec lesquelles le traita un si grand monarque sont à peine croyables. Il lui donna, dans sa galerie, un atelier dont il garda la clef, venant le voir peindre presque tous les jours. Mais ce qui dépasse tout ce qu'on pourrait imaginer, c'est que le roi, lorsque l'artiste le peignit à cheval, posa, dans une seule séance, trois heures de suite, de son plein gré et avec une véritable bienveillance.»

Parmi les nombreuses récompenses que ce prince lui donna dans l'espace de six mois, Pacheco compte trois offices de secrétaires de la ville de Séville, qui furent octroyés au père de Velasquez, et dont chacun valait mille ducats par an. En moins de deux années, le peintre de Philippe IV reçut un office de garde-robe (guarda-ropa), et celui d'aide de la chambre (ayuda de camara), en 1638; l'honorant de la clef de chambellan, distinction fort enviée de beaucoup de cavaliers de l'habit (de Santiago et de Calatrava). «Pour moi, ajoute Pacheco151, à qui revient une si grande part de son bonheur, j'espère que, grâce au soin et à la ponctualité qu'il apporte chaque jour au service de Sa Majesté, il augmentera et améliorera son art, ainsi qu'il le mérite; et qu'il recevra les prix et les récompenses dus à son heureux génie, dont les qualités supérieures sauront le maintenir, sans aucun doute, à la hauteur où il s'est élevé maintenant.» Ces souhaits du bon Pacheco, qui terminent sa trop courte notice sur son élève et gendre, ont été pleinement réalisés. C'est à partir du retour de son premier voyage d'Italie, que Velasquez a exécuté ses plus beaux ouvrages: d'abord, ses portraits de cour, si brillants, si vrais, si originaux, si espagnols; ensuite, ses tableaux de scènes intérieures du palais, comme ses Meninas152, où les usages, les costumes et les personnages du temps sont rendus avec une perfection incroyable; ses compositions di mezzo carattere, comme son tableau de Las hilanderas153, délicieuse scène d'un naturel exquis, relevée par les plus charmants détails, et par une admirable disposition de la lumière; enfin, ses tableaux d'églises, ses paysages et ses Bodegones, scènes vulgaires dans le genre d'Adrien Brawer ou de Van Ostade, mais traitées, comme celles de Ribera, dans un style tout espagnol. L'ensemble de ces œuvres si diverses, mais toutes également remarquables, prouve que Philippe IV et son ministre ne s'étaient point trompés, lorsqu'à l'apparition du portrait de Gongora, ils avaient deviné le génie d'un grand maître.

143

Pacheco, p. 103.

144

Id. ibid., p. 103.

145

Vº Velasquez, p. 78, nº 406.

146

Arte de la pintura, p. 103 à 105 inclusivement.

147

Il est au Real Museo, catologo, nº 135.

148

Ce dernier tableau est au Real Museo, catalogo, nº 195.

149

Ut suprà, p. 78.

150

P. 105.

151

Ibid.

152

Real Museo, catologo, nº 155.

153

Ou Fabrique de tapis, ibid., p. 355.

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