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AMATEURS ESPAGNOLS
CHAPITRE IV

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Avènement de Philippe IV. – Son caractère, son amour des lettres et des arts. – Son talent et son goût pour la peinture, qu'il avait apprise de don Juan Bautista Mayno.

1621 – 1665

Le jeune monarque, qui venait de succéder à son père, n'avait encore que seize ans; son favori en avait trente-quatre. Celui-ci arrivait au pouvoir, déjà rompu aux intrigues de la cour, et connaissant à fond le caractère et les inclinations du nouveau roi. S'il est vrai de dire que la paresse de ce prince, son apathie, son éloignement des affaires, habilement entretenus à dessein, exercèrent la plus fâcheuse influence sur le gouvernement de l'Espagne, il est encore plus juste de reconnaître, qu'il ne manquait d'aucune des qualités essentielles qui rendent ordinairement un souverain remarquable. Philippe IV était brave, judicieux, prudent, persévérant dans ses entreprises, modéré en toutes choses et nullement cruel. Son flegme et son impassibilité apparente n'étaient qu'un masque, dont il couvrait son visage et sa personne en public, pour ne pas déroger à la dignité, à la majesté royale. Mais, rentré dans ses appartements particuliers, la gravité du descendant de Philippe II faisait place à l'enjouement d'un homme d'esprit qui aimait les arts avec passion, composait des pièces de théâtre, et jouait lui-même des comédies dans lesquelles il ne craignait pas de donner la réplique au grand Calderon. Si ce prince eût appliqué aux affaires publiques les ressources de son intelligence, il aurait certainement occupé dans l'histoire une autre place que celle où il s'est laissé reléguer. Mais sans prétendre excuser son indifférence, l'explication de sa conduite se trouve naturellement dans l'âge auquel il parvint à la couronne. Comment un jeune homme de seize ans, tenu éloigné des choses sérieuses pendant toute la durée du règne de son père, aurait-il pu entreprendre de diriger la politique et le gouvernement de l'Espagne? Cette monarchie avait alors des possessions dans toutes les parties du monde; en Europe, elle voulait se soutenir ou dominer à la fois en Portugal, dans le Milanais, à Naples, en Sicile, en Sardaigne, dans les Pays-Bas et les Flandres, en Artois, dans la Franche-Comté, une partie de l'Alsace et du Luxembourg, et, avec l'Empire, dans toute l'Allemagne. Le vaste génie, l'activité dévorante de Charles-Quint, la sombre politique, le travail incessant de Philippe II avaient succombé sous cet écrasant fardeau. Leur petit-fils n'essaya pas même de le soulever; il en laissa le poids à Olivarès, et lorsqu'une fois l'habitude eut été prise d'abandonner entièrement au ministre la direction suprême de toutes les affaires, Philippe IV, satisfait de se livrer entièrement à son goût pour les arts, les lettres et les divertissements, ne se réveilla de ce long sommeil qu'au bout de vingt-deux années.

Pour assurer la durée de son pouvoir, le ministre n'eut qu'à flatter les goûts de son jeune maître, et à lui procurer sans cesse des distractions nouvelles. Parmi celles qui charmaient le mieux le roi, les arts tenaient la première place. Ce prince aimait la peinture avec passion. Selon la coutume établie depuis Charles-Quint, il avait eu pour maître de dessin un artiste distingué, le frère Jean-Baptiste Mayno, religieux dominicain, l'un des meilleurs élèves du Greco, peintre, sculpteur et architecte, lequel, suivant Palomino54, était lui-même élève du Titien.

Le Mayno travailla surtout au couvent de Saint-Pierre martyr à Tolède; il fut également employé à Madrid, et le comte-duc lui fit faire, pour un des salons du Buen Retiro, son principal tableau, la Conquête d'une province de Flandres, maintenant au musée royal de Madrid55. Le frère tira si bien parti des dispositions naturelles de son royal élève, qu'il en fit un amateur des plus distingués, et aussi fort que beaucoup d'artistes. Mais les dessins et les tableaux de Philippe IV n'ont pas été aussi respectés que sa tragédie du comte d'Essex, et que ses comédies56, qui ont été imprimées, et sont restées au répertoire du théâtre espagnol. Les guerres qui ont désolé la Péninsule, tant avant l'avénement de Philippe V, que pendant le premier empire, ont détruit ou dispersé les œuvres dues au crayon et au pinceau du troisième descendant de Charles-Quint. Le mérite de ces ouvrages est attesté par des artistes et des connaisseurs. «Butron57, dit M. William Stirling, dans son livre sur Velasquez et ses ouvrages58, qui publia ses discours apologétiques sur la peinture en 1626, rend témoignage du mérite des nombreux tableaux et dessins du jeune roi. Un de ces derniers, à la plume, esquisse d'un Saint Jean-Baptiste avec l'agneau, ayant été envoyé à Séville, en 1619, par Olivarès, tomba entre les mains du peintre Pacheco, et devint le sujet d'un poëme élogieux, par Jean de Espinosa, qui prédisait, dans le règne du peintre royal, un nouvel âge d'or:

Para animar la lassitud de Hesperia.


Carducho mentionne comme une production remarquable du pinceau royal, une Vierge peinte à l'huile, qui était exposée de son temps dans le salon des joyaux du palais de Madrid, et Palomino note deux tableaux portant la signature de Philippe IV, et placés par Charles II à l'Escurial; probablement les deux petits saints Jean vus par Ponz dans un oratoire, près la chambre du prieur. Un paysage avec ruines, esquissé dans un style franc et spirituel, fut la dernière relique du talent de Philippe IV qui frappa l'œil scrutateur de Cean Bermudez.»

On le voit, le royal élève du Mayno faisait honneur à son maître; heureux si son goût pour le dessin et la peinture ne l'avait pas détourné du gouvernement de son vaste empire. Olivarès, qui connaissait depuis l'enfance du prince des Asturies son inclination à vivre en homme privé plutôt qu'en roi, et à passer ses journées entières à dessiner et à peindre, n'eut garde, pour consolider sa propre prépondérance, de combattre cette disposition. Dès que le prince fut monté sur le trône, le favori s'empressa d'attirer à Madrid les artistes de quelque renom, soit espagnols, soit étrangers, afin de pouvoir procurer à son jeune maître, en lui montrant leurs œuvres, la distraction qu'il préférait à toute autre. Si le ministre fut souvent malheureux dans le choix des vice-rois, des gouverneurs de provinces et des commandants d'armées, le sort lui réserva, comme compensation, l'heureuse chance de trouver un peintre, dont le génie, en illustrant l'école espagnole, devait, pendant plus de trente années, charmer le roi et sa cour.

54

Las vidas de los pintores y estatuarios eminentes Españoles, que con sus heroycas obras han illustrado la nacion, etc. Londres, 1742, un vol. in-8, p. 37, nº 57. – Ce livre n'est qu'un abrégé du grand ouvrage de Palomino.

55

Catalogo, 1850, nº 27, p. 18.

56

La Tragedia mas lastimosa, el conde de Sex; —Dar la vida por su dama, etc. Voyez à ce sujet: Ochoa, Tesoro del teatro español, 5 vol. in-8. Paris, 1838, t. V, p. 98.

57

Jean de Butron, Discursos apologeticos en que se defiende la ingenuidad del arte de la pintura. In-4, Madrid, 1626.

58

Velasquez and his Works, London, 1855, in-12, avec le portrait eau-forte de Velasquez; excellente biographie, à laquelle je ferai plus d'un emprunt; elle est extraite d'un ouvrage plus considérable du même auteur: Annals of the artists of Spain, London, 1848.

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