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CHAPITRE II

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Table des matières

Hier et aujourd’hui. — Des besoins nouveaux et de l’action inspiratrice des matériaux inédits. — Pour reconnaître les architectures latine, romane et romano-byzantine, ainsi que l’architecture romano-ogivale ou de transition.

Il se dégageait naguère, de la Maison, une influence morale. Tous les ouvrages entassés dans l’habitation avaient, par leur style, la qualité d’œuvre d’art. C’est là la caractéristique, du moins, des XIIIe, XIVe et XVe siècles. L’art officiel qui point au XVIIe siècle, sous les auspices d’architectes, souvent hommes d’affaires plutôt qu’artistes véritables, amena la division des efforts vers un idéal commun. Notre-Dame de Paris est une création rayonnante dans son ensemble, par la foi de ses chefs-d’œuvre appropriés et coordonnés. Les moindres pierres de ce monument grandiose gardent dans leur sobre dentelle le style miraculeux que des génies admirables, du plus grand au plus petit, conçurent pour leur rêve unique.

Et, de fait, quelle piteuse figure feront plus tard, dans nos musées, — si toutefois on leur confère cet honneur, — les chapiteaux du Panthéon, entre autres, à côté de ceux du moyen âge!

Tous les châteaux de la Loire font encore partie de la tradition des grands constructeurs corporatifs purement nationaux, tandis qu’à partir du XVIIe siècle apparaissent les architectes d’académie. C’est alors l’avènement des édifices à armature et à chaînage comme le Louvre. Que nous voilà loin de la savante combinaison des coupes de pierre au moyen âge! Qu’est devenu, de nos jours, la pratique éminente de la stéréotomie à laquelle nous devons tant d’incomparables arcs, voûtes et voussures, tant d’extraordinaires assemblages et appareils, grâce auxquels le maître d’œuvre d’autrefois émerveillait à la fois d’art et de science?

Notre âge du ciment armé, les subtilités du staff ont vaincu, dans le simili, la riche matière. On imite maintenant les joints jusque dans le plâtre! L’économie pour paraître, certain progrès dans l’art d’illusionner s’accordent avec le progrès et une satisfaction différente de servir les besoins nouveaux.

La mode, aussi bien, commande aux matériaux dont il importe de tirer tout le parti ingénieux possible. En admettant que la noblesse de la pierre, du bois, du fer, que la franchise des matériaux employés aient cédé le pas à des succédanés économiques, en pouvait-il être autrement dans une société transformée, dans une démocratie? Et ce fut, pour nos architectes, l’occasion de se manifester différemment, de s’adapter à un autre idéal, d’étreindre enfin la seule ressource de créer originalement, en s’attaquant à la solution des problèmes de l’hygiène et du confort, si négligés auparavant. Car pouvait-on surpasser la perfection classique dans l’invention sublime, alors que même la force des moyens matériels d’expression échappait? L’aubaine, au reste, manquant le plus souvent à l’artiste français moderne d’essayer ses forces dans le monument, son génie dériva sans déchoir, il triompha dans l’esprit, dans le goût, faute de vaincre dans les altitudes. A défaut de pouvoir exercer son libre sacerdoce, la difficulté des temps auxquels il fallut se résoudre, aggrava chez l’architecte moderne le soupçon de reproche adressé aux «hommes d’affaires» qui avaient marqué l’aurore de l’art officiel, au XVIIe siècle. Mais encore à l’architecte moderne n’était point donné de se mesurer avec la gloire de ses précurseurs seulement diminuée, comparativement au moyen âge, parce que les «hommes d’affaires» du XVIIe siècle, qui avaient inauguré l’architecture privée, l’idéal commun, ne pouvaient, dans l’essor de leur génie déjà contraint, être comparables à ceux auxquels devait échoir la construction de l’immeuble «de rapport».

Autres temps, autres mœurs. Après le chef-d’œuvre «égoïste» du moyen âge, la naissance de l’hôtel, le début du bien-être public, dès le règne de Henri IV, l’agglomération progressive des maisons, la formation esthétique des villes, jusqu’à une science de l’urbanisme imposée par nos jours.

Evolution, non décadence. Nécessité impérieuse en présence de l’encombrement. La conception d’un art «pur» a dû ainsi s’élargir. Elle s’est curieusement appuyée sur l’artisan prestigieux du moyen âge, cherchant non point une excuse à sa pensée démocratique, mais un témoignage irrécusable de la beauté dans tout et pour tous, sans aristocratie spéciale d’expression.

Ainsi une société nouvelle, une civilisation républicaine, a-t-elle changé la physionomie de l’habitation, et les architectes modernes ont seulement transformé l’exercice de leur art voué désormais à des destinations d’utilité, à des satisfactions d’hygiène, qui rendirent souvent justice à leur talent, voire à leur génie. Pourtant les Romains connaissaient notre radiateur, pourtant les prestigieux auteurs du Mont-Saint-Michel n’ignoraient point notre monte-charge...

Mais nous reviendrons au préambule de ce chapitre, de crainte d’avoir à lever le voile sur une prétendue école d’originalité architecturale subie par nos jours, en rupture «cubique» avec la somptueuse tradition française d’élégance, de grâce et de ligne.

Jean Baffier, qui s’intitulait fièrement «ouvrier-sculpteur », nous conta un jour qu’il avait perforé vainement les contreforts de la cathédrale de Nevers pour y rechercher la trace des vains artifices modernes . Les claveaux, les plates-bandes d’aujourd’ hui, semblent des fleurs en papier à côté des fleurs naturelles d’antan, observait l’artiste qui concluait: «C’est le style gréco-romain dans toute sa splendeur incohérente!»

N’entre-t-il point cependant quelque routine dans cette critique? Nous la retiendrons toutefois pour l’étude comparative qui nous concerne. Elle servira aussi notre souci d’édification par étapes, mesuré à des renseignements positifs, malgré qu’il nous faille remonter aux ancêtres pour la compréhension générale envisagée.

Aussi bien n’insisterons-nous pas sur les architectures décimées par les siècles, à moins qu’il n’y demeure un signe artistique à quoi nous puissions les reconnaître.

L'Art de reconnaître l'architecture française

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