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LES ARCHITECTURES: LATINE, ROMANE ET OGIVALE (OU GOTHIQUE)

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Table des matières

Il n’y a guère à mentionner de réellement reconnaissable et significatif de nos jours qu’à partir des époques romane et ogivale du IVe au xe siècle. C’est la période nébuleuse. Palais, églises, monastères, sont construits dans le goût latin dégénéré ; les villes, les forteresses, imitent les constructions romaines; nos châteaux forts sont des camps romains, durant tout le moyen âge, d’ailleurs, et mieux vaut donc nous borner pratiquement au discernement des cryptes, baptistères, basiliques qui nous demeurent en témoignage.

Architecture latine. — L’architecture latine (du IVe au XIe siècle), directement issue des moyens constructifs romains, se révèle par son appareil similaire, plutôt le petit appareil (voir plus loin), par la forme semblable des colonnes et des fenêtres, et l’emploi de la pierre cubique travaillée au marteau (lorsque les monuments entièrement en charpente, plus fréquents, n’échappaient pas à la suggestion romaine). Ses colonnes sont rondes, coiffées d’un chapiteau inspiré de l’ordre corinthien, ou bien, au Xe siècle, d’éléments barbares. Ses portes sont carrées, ses fenêtres se présentent toujours à plein cintre. Elles sont contournées (conformément au petit appareil romain) avec des chaînes en brique en manière d’archivoltes. Ses voussoirs cunéiformes, composant l’arcade (se substituant à la plate-bande, s’appuyant directement sur des colonnes), sont séparés les uns des autres par deux ou trois briques, et ses corniches, très rudimentaires, portent des ornements de faible relief, lourdement sculptés, analogues à ceux des monuments gallo-romains, pour les arabesques surtout. Des briques aussi, formant des dessins (leur disposition en manière d’arête de poisson est fréquente), ainsi que des pierres de diverses couleurs. Des mosaïques (plutôt que des peintures) décorant verticalement les parois, alors que chez les Romains les mosaïques servaient de pavement.

FIG. 1. — Eglise Saint-Front de Périgueux. (vue intérieure.)


Référence particulière déterminant une époque antérieure au XIe siècle: des inscriptions en grandes capitales romaines gravées sur la pierre couronnant le linteau des portes, le tailloir des chapiteaux ou la muraille.

Au résumé, en dehors des exemples encore valides qui suivent, l’hypothèse règne plus ou moins ingénieusement souveraine sur les monuments de ce temps, démarqués de l’art romain avec seulement quelques différences de détail nécessitées par l’adaptation du culte chrétien, — enfin affranchi des ténèbres des Catacombes, — à certains édifices païens comme les basiliques.

La basilique païenne (romaine) devint l’église chrétienne d’Occident qui mit au grand jour, après l’ère des persécutions, ses baptistères jusqu’alors enfouis dans les Catacombes.

Pour ne parler que des baptistères de France, voici notamment ceux de Saint-Jean de Poitiers et de Saint-Front de Périgueux (fig. 1). Edifices encore conservés de cette époque: l’église de Savennières (Maine-et-Loire) et celle de Cravant (près de Chinon); les restes d’une abbaye de bénédiclins fondée au XIe siècle, à Saint-Menoux (Allier); la BasseŒuvre de Beauvais; le châleau de Senlis (Oise), etc.

(Voir aussi la basilique de Saint-Clément [fig. 2], à Rome.)

Nous dirons deux mots de la disposition intérieure de la basilique latine, avec l’église romane, et, quant aux cryptes, les anciennes cathédrales en possèdent de très remarquables.

L’architecture romane. — Alors qu’aux époques antérieures, aucune école réelle d’architecture ne s’était scientifiquement imposée dans le goût, alors que l’on construisait plutôt en bois (le plafond des basiliques, notamment, était toujours en charpente), au détriment d’une volonté durable et grandiose, le style roman (XIe siècle et première moitié du XIIe) nous apporta les assises solides de la civilisation moderne, en revenant symboliquement et littéralement à l’emploi de la pierre de grand appareil.

FIG. 2. — Basilique de Saint-Clément, à Rome. (vue intérieure.)


A l’inspiration décadente de Rome s’opposait la venue d’un style de plein caractère dont l’exemple multiplié nous apporta enfin l’appoint d’un ensemble typique, d’une tenue architectonique remarquable. Sans être essentiellement personnel (il est d’origine romaine et byzantine), le style roman a cumulé originalement ces emprunts. Il a pu croître dès que le feu et l’eau eurent commis leurs ravages, après l’invasion des Normands, après les guerres dévastatrices qui avaient éclaté sur toutes les frontières. L’organisation de la féodalité et de la commune commence sous ses auspices. Les architectes se substituent aux moines-artistes précédents.

L’église romane, qui résume, constructivement et décorativement, les monuments de l’époque, est massive et trapue, vis-à-vis de la grâce élancée de la cathédrale ogivale et gothique (dont nous parlons plus loin). Il suffira de comparer les gravures 6 et 9 pour fixer définitivement l’aspect si différent de l’une et de l’autre. L’horizontalité romane s’opposant à la verticalité ogivale.

Caractéristiques générales (car l’aspect de l’église romane varie, en quelque sorte, suivant les différentes écoles, sans modifier, néanmoins, sa physionomie d’ensemble): murs très épais (en brique dans le Midi, en moellons et pierres dans le Nord), nécessitant des contreforts, à l’extérieur. Piliers robustes, gros et courts, lourdement coiffés d’un chapiteau orné (ou non) de motifs géométriques, gallo-romains, byzantins, ainsi que les tympans, richement revêtus d’allégories religieuses, symboliques ou fantastiques, sommairement taillées mais profuses, et les voussures, murs, bandeaux, etc. Ces derniers garnis de billettes, de frettes, de tores coupes ou non, de cordons, de pointes de diamants (ornements souvent disposés en compartiments pour les voûtes et voussures).

FIG. 3. — Voûtes d’arêtes (romane), d’après Viollet-le-Duc.


Œil-de-bœuf (dont l’architecture ogivale fera une rose gracieuse), corniches appuyées sur des modillons ou corbeaux aux têtes grimaçantes, aux monstres et chimères hallucinants.

Voûte (d’arêtes [fig. 3]) de pierre (succédant à l’ancien plafond de charpente), généralement à plein cintre en berceau [fig. 4]), de même que les arcades.

Clocher en forme de dôme ou de coupole (quelquefois multiplié), en Périgord, en pyramide quadrangulaire, dans le Nord, à toit aplati dans le Midi, primitivement constitué par une tour carrée couronnée d’une charpente.

Le tailloir saillant des chapiteaux supporte la retombée d’arcs en plein cintre. Arcs simples, enlacés, en anse de panier, en mitre, à ouvertures trilobées, quintilobées, de même que les œils-de-bœuf et les fenêtres, tréflées, géminées, mais le plus souvent simples, à plein cintre.

Fût non orné avant la fin du XIe siècle, où se voient des spirales, cannelures, imbrications et chevrons.

Lumière défectueuse par suite du petit nombre d’ouvertures.

Avant de poursuivre, nous inviterons le lecteur à s’imprégner de cette vision d’ensemble: sévère et trapue, sombre et roide. C’est au moindre ornement, dont on sera préalablement pénétré, que l’on discernera une construction romane (religieuse ou civile); c’est au moindre motif sculptural qu’un porche, qu’un portail (fig. 5), qu’un tympan, trahiront leur essence romane. Sculpture touffue et naïve, aux figures maigres, aux proportions lourdes ou, au contraire, très étirées, à l’expression placide sous des draperies très agrémentées de galons et de pierreries à la manière byzantine ou orientale.

FIG. 4. — Voile en berceau (romane), d’après Viollet-le-Duc.


Nous renvoyons ainsi, à nos gravures, pour un effet d’ensemble, et saisissons cette occasion de rappeler que le but de notre travail vise particulièrement, — à travers une étude à dessein sommaire et générale, préparatrice, — les époques les plus proches de notre civilisation et les plus originalement françaises.

Le plan de l’église romane s’éloigne de celui de la basilique latine, conçue, ainsi que nous l’avons dit, d’après la basilique romaine. Toute l’architecture religieuse dérivera de la basilique.

Alors que la basilique païenne, servant à la fois de tribunaux et de bourses de commerce, se trouvait dans un lieu très fréquenté de la foule, la basilique chrétienne s’isola. Aussi bien, elle plaça le prêtre dans l’hémicycle ou presbytérium, c’est-à-dire l’enfoncement semi-circulaire situé à l’extrémité de la galerie centrale (deux rangs parallèles de colonnes divisaient l’édifice en trois parties inégales, — formant galeries, — dans le sens de la longueur), plus large et plus élevée où siégeaient auparavant les juges. Les chantres s’installèrent dans la partie des trois galeries la plus rapprochée de l’hémicycle, l’autel se trouvant au fond de la grande galerie et l’ambon ou chaire, en avant de l’autel. Le reste de l’espace était abandonné aux fidèles.

L’église romane innova la forme d’une croix, grâce à l’élargissement du vaisseau situé entre l’abside et les nefs, au moyen des transepts. Autre création: le déambulatoire et l’extension du chœur. Des chapelles viennent se grouper autour du sanctuaire, sous lequel se trouve la crypte où l’on mettait autrefois le corps des saints pour les préserver de l’incendie. Lorsque ces chapelles s’accotent à l’abside (extrémité de l’église opposée à la façade), elles sont dites absidales. Un cloître s’étend sur les côtés de l’église désormais orientée (le chœur tourné vers l’est).

FIG. 5. — Portail de Vézelay (XIIe siècle).


On y compte le plus souvent trois nefs, dont celle du centre particulièrement élevée. Les bas-côtés ou collatéraux, de la nef, s’avantagent fréquemment de galeries (triforium) au premier étage, et le narthex représente le porche ou vestibule.

Ces éléments ajoutés à la consultation de nos gravures, suffisent pour donner une impression de l’architecture religieuse en question. Nous ajouterons que l’art romano-byzantin, à coupoles, dans le genre de Sainte-Sophie de Constantinople, est notamment représenté en France par Saint-Front de Périgueux (fig. 1); les cathédrales d’Angoulême, de Cahors, etc.

Le chapiteau romano-byzantin (parfois double) trahit son influence orientale intronisée en Occident par Charlemagne. Des ornements lourds l’encombrent Ce sont des galons, des enroulements de rubans enrichis de cabochons, de pierreries. Des motifs abstraits comme l’hélice, l’étoile, les tresses, l’as de pique, etc. s’ajoutent à la précédente énumération, avec le souvenir de l’or donné pour fond à toute une ornementation où des oiseaux, des personnages, jouent étroitement à travers des palmettes et des rinceaux, parmi les réseaux les plus singulièrement compliqués.

FIG. 6. — Notre-Dame-La-Grande, à Poitiers (XIIe siècle).


L’art romano-byzantin conserve le souvenir soit effectivement, soit dans l’esprit de sa sculpture (tympans, etc.), de la somptueuse mosaïque byzantine. Il en garde l’hiératisme, la tradition hors nature ordonnée par la religion, au bénéfice d’un style de gestes et d’attitudes. Au reste, l’art roman, tout entier, se maintient, plus ou moins, dans cette note de sèche naïveté que nous avons précédemment indiquée.

Autres exemples en France: les églises Saint-Germain-des-Prés, à Paris, de Vignory (Haute-Marne), de Saint-Yriex (Haute-Vienne), de Saint-Rémi de Reims (Marne), de Thouars (Deux-Sèvres), de Notre-Dame-La-Grande de Poiliers (Vienne) (fig. 6), de Moissac (Tarn-et-Garonne), du Puy-en-Velay (Haute-Loire) (fig. 7), de Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), de Saint-Gilles (Gard), de Mérinville (Aude), d’Issoire (Puy-de-Dôme) (fig. 8), etc.

Pour ce qui concerne l’architecture civile romane, il va sans dire qu’elle partage avec l’église les pareils signes décoratifs. Plus de briques disposées par bandeaux (comme sous Charlemagne). Elles sont construites en bois, moellons ou pierres de taille. Leurs fenêtres sont cintrées ou carrées, ou bien divisées par des colonnettes. Leurs portes sont couronnées par un cintre également. Quelques maisons sont crénelées; un pignon, aigu et élevé, donnant sur la rue. Les escaliers font saillie à l’extérieur.

Depuis le XIe siècle (qui nous occupe), les palais des rois et des seigneurs ont été convertis en forteresses. Le donjon, une tour ronde ou carrée, de bois ou de pierre percée de meurtrières, construit sur une «motte» ou éminence de terrain, servait d’habitation au chef du château. Il apparaissait au centre d’une ou de plusieurs enceintes en terre, en bois ou en maçonnerie. Ses fenêtres étaient rectangulaires ou à plein cintre. Parfois aussi, les donjons ne figuraient point à l’écart, des tours d’enceinte en tenaient lieu.

FIG. 7. — Eglise de Puy-en-Velay.


Des échauguettes, des poivrières (sortes de guérites munies d’ouvertures) hérissent ses angles supérieurs; des mâchicoulis (formant consoles) égaient, avec des échancrures ou créneaux, le faîte de ses murs; un pont-levis s’actionne entre ses deux tours d’entrée, des hourds percent son sol.

Appartiennent aux XIe et XIIe siècles la: Grosse-Tour de Provins, les châteaux de Loches (Indre-et-Loire), de Falaise (Calvados), de Château-Gaillard, près des Andelys (Eure), de Domfront (Orne), etc.

Il est à retenir, d’autre part, le caractère éminemment monastique de l’art roman. Les cloîtres de Clairvaux, de Cluny, de Valmagnes, de Moissac, de Le Puy-en-Velay, etc. représentent, constructivement et moralement, ces magnifiques bâtiments claustraux où les arts comme les lettres s’étaient réfugiés aux époques troublées.

Nous abandonnerons, aux rares spécimens ruinés qui nous en restent, la consultation directe du lecteur quant à la physionomie de la maison civile romane. en le laissant rêver sur ses dispositions intérieures. On verra plus loin, avec le XIVe siècle, l’énumération de quelques villes françaises où les XIIe et XIIIe siècles offrent encore des vestiges propres à nous édifier comparativement.

Nos présomptions néanmoins, prendront davantage corps avec l’habitation des XIVe et XVe siècles malgré que nous ne quittions pas le domaine des estaurations qui ne sont souvent que conjectures d’architectes plus ou moins savamment réalisées Le vandalisme des propriétaires successifs, au surplus, risquant, de dérouter notre meilleur entendement.

FIG. 8.


L'Art de reconnaître l'architecture française

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