Читать книгу Mesmer et le magnétisme animal, les tables tournantes et les esprits - Ernest 1816-1880 Bersot - Страница 26

Première commission nommée par l’Académie de médecine. — Le rapport de M. Husson conclut à l’examen. — Deuxième commission d’examen (1826). — Rapport de M. Husson (1831).

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Enfin, en 1825, s’ouvrait une époque critique pour le somnambulisme. Le docteur Foissac appela l’Académie de médecine à se prononcer. Il lui présentait des somnambules merveilleux pour l’indication des remèdes: «Mes somnambules ne s’écartent-jamais des principes avoués de la saine médecine; je vais plus loin: leurs inspirations tiennent du génie d’Hippocrate.»

L’Académie nomma une commission pour savoir s’il convenait d’entrer dans cet examen. Georget se déclara pour le magnétisme: «Il a grandi parmi les médecins.... S’il est vrai que le somnambulisme magnétique ait son analogue dans le somnambulisme naturel, est-il étonnant qu’on puisse développer le premier par de certaines pratiques?... Le doute d’abord, l’examen ensuite, telle est la marche qu’indique la raison.» Le rapporteur, M. Ilusson, conclut affirmativement. Suivant son opinion d’alors, développée plus tard, en 1837, quand même le magnétisme n’aurait pas varié depuis 1784, on n’aurait pas le droit de le regarder comme définitivement jugé par le rapport de Bailly et de la Société royale de médecine; on peut toujours en appeler des jugements anciens à de nouveaux jugements. Après que la circulation du sang a été déclarée impossible, l’inoculation de la petite vérole considérée comme un crime, l’émétique interdit par arrêt du Parlement, à la sollicitation de la Faculté, les antiques perruques proclamées infiniment plus salubres que la chevelure naturelle, il convient d’affirmer moins témérairement. D’ailleurs les procédés du magnétisme ont changé : un fait nouveau, inconnu à ses anciens juges, le somnambulisme est intervenu. Les commissaires d’autrefois ont été nommés par le gouvernement, non par les corps auxquels ils appartenaient, et ils ont infirmé en partie la valeur de leur rapport en avançant qu’ils ont craint d’importuner les malades distingués qui suivaient le traitement magnétique, et en ne se soumettant pas aux conditions demandées par le magnétiseur. L’examen a été fait chez Deslon, non chez Mesmer, et le rapport adopté séance tenante sans discussion préalable. Enfin, il y a eu alors même une protestation d’un homme éminent, de Jussieu. A Berlin, une clinique magnétique est établie, et plusieurs médecins ont des traitements de ce genre avec l’autorisation du gouvernement. A Francfort, à Stockholm, en Russie, le magnétisme est examiné sérieusement; pourquoi en France resterait-on en arrière des peuples du Nord?

En conséquence, l’Académie nomma (1826) une commission composée de MM. Bourdois, Double, Fouquier, Itard, Gueneau de Mussy, Guersant, Le-roux, Magendie, Marc, Thillaye et Husson. Cette commission, au bout de cinq ans (juin 1831), fit son rapport par l’organe de M. Husson. On peut y voir qu’elle accepta l’examen dans les conditions demandées comme indispensables par M. Foissac, mais qu’elle garda la haute main dans les expériences.

Elle reconnaît que les effets sont nuls ou insignifiants dans un certain nombre de cas; que, dans quelques-uns, ils sont produits par l’ennui, la monotonie ou l’imagination; mais elle réserve plusieurs faits qu’elle ne peut attribuer à aucune cause connue. C’est un des commissaires, M. Itard, qui, magnétisé dix-huit fois, sans tomber en sommeil complet, est constamment soulagé d’une douleur de tête, ou bien un épileptique, chez qui le magnétisme suspend et retarde de huit mois les accès.

Somnambulisme constaté. Plusieurs sujets sont endormis parfaitement et d’un sommeil bien particulier: on les chatouille, on les pince très-fortement, on enfonce des épingles jusqu’à trois lignes dans leur corps, on débouche sous leur nez un flacon plein d’ammoniaque ou d’acide hydrochlorique, qu’on y laisse pendant cinq ou six inspirations, on fait subitement des bruits violents; rien ne les réveille ni ne paraît les affecter. Même il est avéré que M. Jules Cloquet, en 1829, appelé près d’une femme qui avait au sein un cancer ulcéré, a, pendant qu’elle était endormie, dans une opération de dix à douze minutes, extirpé cette tumeur, sans que la malade donnât le plus léger signe de sensibilité et sans aucun changement du pouls. Au milieu du bruit confus des conversations, le somnambule n’entend que la voix de son magnétiseur, se souvient exactement de ce qui s’est passé pendant ses prédédents accès de sommeil, et ne se souvient de rien au réveil. Les somnambules ont-ils le don de lire dans la pensée de leur magnétiseur et d’obéir à sa volonté inexprimée? Beaucoup d’expériences semblent contraires, et plusieurs sujets présentés par des magnétiseurs comme merveilleux en ce genre ne font que des bévues. Enfin un sujet vraiment remarquable se présente. Placé derrière lui, et sur les indications écrites ou par gestes des commissaires, le magnétiseur le meut avec précision: «Il dirigea son doigt en premier lieu vers la cuisse gauche, puis vers le coude gauche, et enfin vers la tête. Ces trois parties furent presque aussitôt prises de mouvements convulsifs. M. Dupotet dirigea sa jambe gauche vers celle du magnétisé ; celui-ci s’agita de manière qu’il fut sur le point de tomber. M. Dupotet dirigea ensuite son pied vers le coude droit du somnambule, et ce coude droit s’agita; puis il porta son pied vers le coude et la main gauche, et des mouvements convulsifs très-forts se développèrent dans tout le membre supérieur. Malgré cette preuve heureuse, les commissaires avouent qu’ils ont besoin de faits nouveaux.»

Clairvoyance. Les somnambules peuvent-ils lire les yeux fermés? A travers des expériences fâcheuses, on arrive à des faits curieux, attestés avec la plus grande force par le rapport. Un somnambule, les yeux fermés, si bien que les cils s’entrecroisent, sous la surveillance continuelle des commissaires, lit ce qui lui est offert, et joue avec une vivacité extrême plusieurs parties de piquet. Il ne lit point les lettres fermées. M. Bourdois consigne à part, sur le procès-verbal, cette attestation: «Il est impossible de refuser sinon sa croyance, du moins son étonnement à tout ce qui s’est passé dans cette séance.....» Mais voici mieux. Dans une séance où se trouvaient, outre les commissaires, M. Em. de Las Cases, député, M. de Rumigny, premier aide de camp du roi, et M. Ségalas, membre de l’Académie, un jeune somnambule, Paul Villagrand, étudiant en droit, tandis que ses paupières sont tenues fermées constamment et alternativement par MM. Fouquier, Itard, Marc et Husson, qui appliquent les doigts sur la totatité de la fente de l’œil, en pressant du haut en bas, montre une clairvoyance prodigieuse. Il devine des cartes toutes neuves, il lit des mots et des lignes. «On lui présente, ayant les paupières tenues fermées par M. Ségalas, un volume dont le rapporteur s’était muni. Il lit sur le titre: Histoire de France; il ne peut lire les deux lignes intermédiaires, et lit sur la cinquième le nom seul de Anquetil, qui y est précédé de la préposition par. On ouvre le livre à la page 89, il lit à la première ligne: Le nombre de ces.... il passe le mot troupes, et continue: Au moment où on le croyait le plus occupé des plaisirs du carnaval.... Il lit également le titre courant Louis, mais ne peut lire le chiffre romain qui le suit. On lui présente un papier sur lequel on a écrit les mots agglutination et magnétisme animal, il épelle le premier et prononce les deux autres. Enfin on lui présente le procès-verbal de cette séance; il en lit assez distinctement la date et quelques mots plus lisiblement écrits que d’autres. Dans une autre séance, Paul essaya inutilement de distinguer différentes cartes qu’on lui appliqua sur l’épigastre; mais il lut encore, les yeux fermés, dans un livre ouvert au hasard, et cette fois ce fut M. Jules Cloquet qui lui boucha les paupières. Le rapporteur écrivit aussi sur un morceau de papier deux noms propres: Maximilien Robes-pierre, qu’il lut également bien.» Le rapport constate, pour ce somnambule comme pour le précédent, que le globe de l’œil était dans un mouvement continu de rotation et paraissait se diriger vers l’objet soumis à sa vision.

Vision intérieure, prévision. Instinct des remèdes. Les somnambules ont-ils l’intuition de leurs maladies et de celles des autres, la prévision des accidents futurs de ces maladies pour eux et pour les autres? Un étudiant en droit, ce même Paul, que nous venons de voir lisant les yeux fermés, attaqué d’une paralysie de tout le côté gauche du corps, désigne en sommeil les remèdes qu’il faut lui appliquer, et annonce un jour qu’en suivant ce traitement, trois jours après il marchera sans béquilles; il tient parole: Un nommé Cazot, épileptique, prédit de loin les attaques de ce mal pour un jour, une heure et une minute donnés, et l’accès arrive comme il a été prédit. Une somnambule décrit à un des commissaires, M. Marc, les symptômes de maladie qu’il éprouve et tombe juste. Présentée à une dame malade, elle décrit l’altération de ses intestins et ordonne un traitement; mais le traitement ne fut pas suivi, et l’autopsie ne fut pas faite. Consultée par une malade scrofuleuse, elle voit ses scrofules intérieurs et prescrit un traitement, qui réussit quelque temps et est interrompu. Les commissaires constatent l’exactitude des déclarations de cette somnambule là où elles ont pu être vérifiées, et le discernement qu’elle a montré dans le choix des remèdes.

L’Académie fut un peu étonnée de ce rapport; la discussion, toujours suspendue, éclata en 1837. Une histoire avait paru dans les journaux, où l’on parlait d’une dent arrachée sans douleur à une personne endormie par le magnétisme. On donnait ce fait sous la garantie de M. Oudet, de l’Académie de médecine, qui se trouvait ainsi compromis. Interpellé, M. Oudet lut le récit du magnétiseur: «Au moment de l’extraction, la tête sembla fuir un peu la main de l’opérateur, et nous entendîmes un léger cri. Ces deux signes de douleur eurent la rapidité de l’éclair, le pouls de la patiente était calme, son visage n’indiquait pas la moindre émotion; ses mains étaient demeurées immobiles sur ses genoux.» A ce propos, le fait attribué à M. Jules Cloquet, et rapporté avec complaisance par M. Husson, dans son rapport, l’extraction d’un sein sans douleur, revint en mémoire, et on discuta les deux faits ensemble. M. Roux attesta qu’il avait fait une opération cruelle à une dame masquée, dans une maison qui n’était pas la sienne, et que, pendant cette opération, qui dura un quart d’heure, la malade ne poussa pas un cri, de peur de trahir son incognito. M. Capuron affirma avoir vu, il y avait quarante ans, une Allemande à qui M. Dubois coupa le sein, et qui supporta l’opération sans proférer une seule plainte. En 1822, il avait vu un homme supporter plus d’un quart d’heure une opérai ion des plus rudes, sans sourciller, causant et riant. M. Amussat venait d’opérer une religieuse qui avait été impassible. Pourtant aucune de ces personnes n’était magnétisée. Il n’y avait donc pas besoin de recourir au magnétisme pour expliquer le fait de M. Cloquet et le fait de M. Oudet. On poursuivit. Quelques-unes des anciennes autorités en faveur du magnétisme furent ébranlées. «Vous savez, dit M. Rochoux, ce que M. Rostan a écrit sur le magnétisme. Un jour, il me proposa de me guérir de mon incrédulité et de me faire voir des choses extraordinaires; je le suivis; arrivé sur les lieux, on ne voulut rien faire devant moi; j’attends toujours.» M. Bousquet à son tour: «Georget croyait avoir bien vu; il y paraît assez à la manière dont il parle du magnétisme, dans son ouvrage sur le système nerveux. Cependant on sait aujourd’hui qu’il a été trompé par des misérables qui s’en vantent. Je tiens cela de M. Londe, le collaborateur de Georget et le témoin de toutes ses expériences.» Enfin M. Ségalas dit «qu’ayant lui-même tenu les mains sur les yeux du jeune homme dont a parlé M. Husson, et cela pour l’empêcher de voir, il ne répondrait pas qu’il lui a complètement fermé les yeux. Les yeux étaient agités de mouvements convulsifs; ce jeune homme a pu agiter les paupières et saisir quelques caractères, d’autant plus qu’il lisait lentement, en face d’une grande croisée, et qu’il a fait des fautes.»

Mesmer et le magnétisme animal, les tables tournantes et les esprits

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