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LE SOCIALISME EN DANGER?

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Le socialisme international traverse, en ce moment, une crise profonde. Dans tous les pays se révèle la même divergence de conception; dans tous les pays deux courants se manifestent: on pourrait les intituler parlementaire et antiparlementaire, ou parlementaire et révolutionnaire, ou encore autoritaire et libertaire.

Cette divergence d'idées fut un des points principaux discutés au Congrès de Zurich en 1893 et, quoique l'on ait adopté finalement une résolution ayant toutes les caractéristiques d'un compromis, la question est restée à l'ordre du jour.

Ce fut le Comité central révolutionnaire de Paris qui la présenta comme suit:

«Le Congrès décide:

«L'action incessante pour la conquête du pouvoir politique par le parti socialiste et la classe ouvrière est le premier des devoirs, car c'est seulement lorsqu'elle sera maîtresse du pouvoir politique que la classe ouvrière, anéantissant privilèges et classes, expropriant la classe gouvernante et possédante, pourra s'emparer entièrement de ce pouvoir et fonder le régime d'égalité et de solidarité de la République sociale.»

On doit reconnaître que ce n'était pas habile. En effet, il est naïf de croire que l'on puisse se servir du pouvoir politique pour anéantir classes et privilèges, pour exproprier la classe possédante. Donc, nous devons travailler jusqu'à ce que nous ayons obtenu la majorité au Parlement et alors, calmes et sereins, nous procéderons, par décret du Parlement, à l'expropriation de la classe possédante. O sancta simplicitas! Comme si la classe possédante, disposant de tous les moyens de force, le permettrait jamais.

Une proposition de même tendance, mais formulée plus adroitement, fut soumise à la discussion par le parti social-démocrate allemand. On y disait que «la lutte contre la domination de classes et l'exploitation doit être POLITIQUE et avoir pour but LA CONQUÊTE DE LA PUISSANCE POLITIQUE.»

Le but est donc la possession du pouvoir politique, ce qui est en parfaite concordance avec les paroles de Bebel à la réunion du parti à Erfurt:

«En premier lieu nous avons à conquérir et utiliser le pouvoir politique, afin d'arriver «également» au pouvoir économique par l'expropriation de la société bourgeoise. Une fois le pouvoir politique dans nos mains, le reste suivra de soi.»

Certes, Marx a dû se retourner dans son tombeau quand il a entendu défendre pareilles hérésies par des disciples qui ne jurent que par son nom. Il en est de Marx comme du Christ: on le vénère pour avoir la liberté de jeter ses principes par dessus bord. Le mot «également» vaut son pesant d'or. C'est comme si l'on voulait dire que, sous forme d'appendice, le pouvoir économique sera acquis également. Est-il possible de se figurer la toute-puissance politique à côté de l'impuissance économique? Jusqu'ici nous enseignâmes tous, sous l'influence de Marx et d'Engels, que c'est le pouvoir économique qui détermine le pouvoir politique et que les moyens de pouvoir politique d'une classe n'étaient que l'ombre des moyens économiques. La dépendance économique est la base du servage sous toutes ses formes. Et maintenant on vient nous dire que le pouvoir politique doit être conquis et que le reste se fera «de soi». Alors que c'est précisément l'inverse qui est vrai.

Oui, on alla même si loin qu'il fut déclaré:

«C'est ainsi que seul celui qui prendra une part active à cette lutte politique de classes et se servira de tous les moyens politiques de combat qui sont à la disposition de la classe ouvrière, sera reconnu comme un membre actif de la démocratie socialiste internationale révolutionnaire.»

On connaît l'expression classique en honneur en Allemagne pour l'exclusion des membres du parti: hinausfliegen (mettre à la porte). Lors de la réunion du parti à Erfurt, Bebel répéta ce qu'il avait écrit précédemment (voir Protokoll, p. 67):

«On doit en finir enfin avec cette continuelle Norglerei[4] et ces brandons de discorde qui font croire au dehors que le parti est divisé; je ferai en sorte dans le cours de nos réunions que toute équivoque disparaisse entre le parti et l'opposition et que, si l'opposition ne se rallie pas à l'attitude et à la tactique du parti, elle ait l'occasion de fonder un parti séparé.»

N'est-ce pas comme l'empereur Guillaume, parlant des Norgler et disant: Si cela ne leur plaît pas, ils n'ont qu'à quitter l'Allemagne?—Moi, Guillaume, je ne souffre pas de Norglerei, dit l'empereur.—Moi, Bebel, je ne souffre pas de Norglerei dans le parti, dit le dictateur socialiste.

Touchante analogie!

On voulait appliquer internationalement cette méthode nationale; de là cette proposition. Ceci accepté et Marx vivant encore, il aurait dû également «être mis à la porte» si l'on avait osé s'en prendre à lui. La chasse aux hérétiques aurait commencé, et dorénavant la condition d'acceptation eût été l'affirmation d'une profession de foi, dans laquelle chacun aurait dû déclarer solennellement sa croyance à l'unique puissance béatifique: celle du pouvoir politique.

Opposée à ces propositions, se trouva celle du Parti social-démocrate hollandais, d'après laquelle «la lutte de classes ne peut être abolie par l'action parlementaire».

Que cette thèse n'était pas dépourvue d'intérêt, cela a été prouvé par Owen, un des collaborateurs du journal socialiste anglais Justice, lorsqu'il écrivit dans ce journal que les principes affirmés par les Hollandais sont incontestablement les plus importants «parce qu'ils indiquent une direction que, j'en suis convaincu, le mouvement socialiste du monde entier sera forcé de suivre à bref délai.»

On connaît le sort qui fut réservé à ces motions. Celle de la Hollande fut rejetée, mais ne restera pas sans influence, car les Allemands ont abandonné les points saillants de leur projet; finalement, un compromis fut conclu d'une manière toute parlementaire, auquel collaborèrent toutes les nationalités. Nous sommes fiers que seule la Hollande n'ait pris aucune part à ce tripatouillage, préférant chercher sa force dans l'isolement et ne rien dire dans cette avalanche de phrases.

Cependant, il est tout à fait incompréhensible que l'Allemagne ait pu se rallier à une résolution dont le premier considérant est complètement l'inverse de la proposition allemande. On en jugera en comparant les deux textes:

Proposition allemande. Proposition votée.

La lutte contre la domination Considérant que l'action de classes et l'exploitation politique n'est qu'un moyen doit être POLITIQUE et avoir pour arriver à pour but la CONQUÊTE DE LA l'affranchissement économique PUISSANCE POLITIQUE. du prolétariat,

Le Congrès déclare, en se

basant sur les résolutions du

Congrès de Bruxelles

concernant la lutte des

classes:

1° Que l'organisation nationale et internationale des ouvriers de tous pays en associations de métiers et autres organisations pour combattre l'exploitation, est d'une nécessité absolue;

2° Que l'action politique est nécessaire, aussi bien dans un but d'agitation et de discussion ressortant des principes du socialisme que dans le but d'obtenir des réformes urgentes. À cette fin, il ordonne aux ouvriers de tous pays de lutter pour la conquête et l'exercice des droits politiques qui se présentent comme nécessaires pour faire valoir avec le plus d'accent et de force possibles les prétentions des ouvriers dans les corps législatifs et gouvernants; de s'emparer des moyens de pouvoir politique, moyens de domination du capital, et de les changer en moyens utiles à la délivrance du prolétariat;

3° Le choix des formes et espèces de la lutte économique et politique doit, en raison des situations particulières de chaque pays, être laissé aux diverses nationalités.

Néanmoins, le Congrès déclare qu'il est nécessaire que, dans cette lutte, le but révolutionnaire du mouvement socialiste soit mis à l'avant-plan, ainsi que le bouleversement complet, sous le rapport économique, politique et moral, de la société actuelle. L'action politique ne peut servir en aucun cas de prétexte à des compromis et unions sur des bases nuisibles à nos principes et à notre homogénéité.

Il est vrai que cette résolution, issue elle-même d'un compromis, ne brille pas, dans son ensemble, par une suite d'idées logique. Le premier considérant était une duperie, car il cadre avec nos idées. Plus loin quelques concessions sont faites à celles des autres, là où il est dit clairement que la conquête et l'exercice des droits politiques sont recommandés aux ouvriers, et enfin, pour contenter les deux fractions des socialistes, de manière que chacune puisse donner son approbation, on parle aussi bien d'un but d'agitation que du moyen d'obtenir des réformes urgentes.

En fait, on n'a rien conclu par cette résolution; on avait peur d'effaroucher l'une ou l'autre fraction, et l'on voulait pouvoir montrer à tout prix une apparence d'union; cela était le but du Congrès et cela n'a pas réussi.

Beaucoup d'Allemands n'auraient pas dû, non plus, approuver la dernière partie de la proposition, car on s'y déclare sans ambages pour le principe de la législation directe par le peuple, pour le droit de proposer et d'accepter (initiative et référendum), ainsi que pour le système de la représentation proportionnelle.

Ce qui se trouve de nouveau en complète opposition avec les idées du spirituel conseiller Karl Kautsky, qui écrivait:

«Les partisans de la législation directe chassent le diable par Belzébub, car accorder au peuple le droit de voter sur les projets de loi n'est autre chose que le transfert de la corruption, du parlement au peuple.»

Voici sa conclusion:

«En effet, en Europe, à l'est du Rhin, la bourgeoisie est devenue tellement affaiblie et lâche, qu'il semble que le gouvernement des bureaucrates et du sabre ne pourra être anéanti que lorsque le prolétariat sera capable de conquérir la puissance politique; comme si la chute de l'absolutisme militaire conduisait directement à l'acceptation du pouvoir politique par le prolétariat. Ce qui est certain, c'est qu'en Allemagne comme en Autriche, et dans la plupart des pays d'Europe, ces conditions, nécessaires à la marche régulière de la législation ouvrière, et, avant tout, les institutions démocratiques nécessaires au triomphe du prolétariat, ne deviendront pas une réalité. Aux États-Unis, en Angleterre et aux colonies anglaises, dans certaines circonstances en France également, la législation par le peuple pourra arriver à un certain développement; pour nous, Européens de l'Est, elle appartient a l'inventaire de l'État de l'avenir[5].»

Est-ce que des gens pratiques comme les Allemands qui tâchent toujours de marcher avec l'actualité, vont se passionner maintenant pour «l'inventaire de l'État de l'avenir» et devenir des fanatiques et des rêveurs?

On est donc allé bien plus loin qu'on ne l'aurait voulu.

Quoique notre proposition ait été rejetée, nous avons la satisfaction d'être les initiateurs qui ont fait jouer, aux partisans du courant réactionnaire un rôle bien plus révolutionnaire qu'ils ne le voulaient. 1° Ils ont reconnu que l'action politique n'est qu'un moyen pour obtenir la liberté économique du prolétariat; 2° ils ont accepté la législation directe par le peuple. Ils se sont donc écartés totalement du point de départ primitif de leur proposition, pour se rapprocher de la nôtre. Et quand Liebknecht dit: «Ce qui nous sépare, ce n'est pas une différence de principes, c'est la phrase révolutionnaire et nous devons nous affranchir de la phrase», nous sommes, en ce qui concerne ces derniers mots, complètement d'accord avec lui, mais nous demandons qui fait le plus de phrases: lui et les siens qui se perdent dans des redondances insignifiantes, ou nous, qui cherchons à nous exprimer d'une manière simple et correcte?

Il paraît toutefois que le succès, le succès momentané doit permettre de donner le coup de collier; du moins en 1891, lors de la réunion du parti à Erfurt, Liebknecht s'exprima comme suit[6]:

«Nos armes étaient les meilleures. Finalement, la force brutale doit reculer devant les facteurs moraux, devant la logique des faits. Bismarck, écrasé, gît à terre, et le parti social-démocratique est le plus fort des partis en Allemagne. N'est-ce pas une preuve péremptoire de la justesse de notre tactique actuelle? Or, qu'est-ce que les anarchistes ont réalisé en Hollande, en France, en Italie, en Espagne, en Belgique? Rien, absolument rien! Ils ont gâté ce qu'ils ont entrepris et fait partout du tort au mouvement. Et les ouvriers européens se sont détournés d'eux.»

On pourrait contester beaucoup dans ces phrases. Faisons remarquer d'abord l'habitude de Liebknecht d'appeler anarchiste tout socialiste qui n'est pas d'accord avec lui; anarchiste, dans sa bouche, a le sens de mouchard. C'est une tactique vile contre laquelle on doit protester sérieusement. Et si nous retournions la question en demandant ce que l'Allemagne a obtenu de plus que les pays précités, on ne saurait nous répondre. Liebknecht le sait pertinemment. Un instant avant de prononcer les phrases mentionnées plus haut, il avait dit[7]:

«Le fait que jusqu'ici nous n'avons rien réalisé par le Parlement n'est pas imputable au parlementarisme, mais à ce que nous ne possédons pas encore la force nécessaire parmi le peuple, à la campagne.»

En quoi consiste alors la suprématie de la méthode allemande? D'après Liebknecht, les Allemands n'ont rien fait, et les socialistes dans les pays précités non plus. Or, 0=0. Où se trouve maintenant le résultat splendide? Et quel tableau Liebknecht ne trace-t-il pas de cette démocratie sociale qui n'a absolument rien fait?

Remarquez comment la loi du succès est sanctionnée de la manière la plus brutale. Nous avons raison, car nous eûmes du succès. Ce fut le raisonnement de Napoléon III et de tous les tyrans. Et un tel raisonnement doit servir d'argument à la tactique allemande!

Ce succès, dont on se vante tant est, d'ailleurs, très contestable. Qu'est-ce que le parti allemand? Une grande armée de mécontents et non de social-démocrates.

Bebel ne disait-il pas à Halle, en 1890[8]:

«Si la diminution des heures de travail, la suppression du travail des enfants, du travail du dimanche et du travail de nuit sont des accessoires, alors les neuf dixièmes de notre agitation deviennent superflus.»

Chacun sait maintenant que ces revendications n'ont rien de spécifiquement socialiste; non, tout radical peut s'y associer. Bebel reconnaît que les neuf dixièmes de l'agitation se font en faveur de revendications non essentiellement socialistes; or, si le parti obtient un aussi grand nombre de voix aux élections, c'est grâce à l'agitation pour ces revendications pratiques, auxquelles peuvent s'associer les radicaux. Conséquemment, les neuf dixièmes des éléments qui composent le parti ne revendiquent que des réformes pareilles et le dixième restant se compose de social-démocrates. Quelle proposition essentiellement socialiste a été faite au Parlement par les députés socialistes? Il n'y en a pas eu. Bebel dit à Erfurt[9]:

«Le point capital pour l'activité parlementaire est le développement des masses par rapport à nos antagonistes, et non la question de savoir si une réforme est obtenue immédiatement ou non. Toujours nous avons considéré nos propositions à ce point de vue.»

C'est inexact. Si cela était, il n'y aurait aucune raison pour ne pas renseigner les masses sur le but final de la démocratie sociale. Pourquoi alors proposer la journée de dix heures de travail pour 1890, de neuf heures pour 1894 et de huit heures pour 1898, quand à Paris il avait été décidé de travailler d'un commun accord pour obtenir la journée de huit heures?

Non, la tactique réglementaire ne cadre pas avec un mouvement prolétarien, mais avec un mouvement petit-bourgeois et les choses en sont arrivées à un tel point que Liebknecht ne sait plus se figurer une autre forme de combat. Voici ce qu'il disait à Halle[10]:

«N'est-ce pas un moyen de combat anarchiste que de considérer comme inadmissible toute agitation légale? Que reste-t-il encore?»

Ainsi, pour lui, plus d'autre agitation que l'agitation légale. Dans tout cela apparaît la peur de perdre des voix. Ce qui ressort incontestablement du rapport du comité général du parti au congrès d'Erfurt[11]:

«Le comité du parti et les mandataires au Parlement n'ont pas donné suite au désir exprimé par l'opposition que les députés au lieu de se rendre au Parlement, aillent faire la propagande dans la campagne. Cette non-exécution des devoirs parlementaires n'aurait été accueillie favorablement que par nos ennemis politiques; d'abord, parce qu'ils auraient été délivrés d'un contrôle gênant au Parlement et ensuite parce que cette attitude de nos députés leur aurait servi de prétexte de blâme à notre parti auprès de la masse des électeurs indifférents. Conquérir cette masse à nos idées est une des exigences de l'agitation. En outre, il est avéré que les annales parlementaires sont lues également dans les milieux qui sont indifférents ou n'ont pas l'occasion d'assister aux réunions social-démocratiques. Le but d'agitation que poursuivent les antagonistes de l'action parlementaire que l'on trouve dans nos rangs, sera atteint dans toute son acception par une représentation active et énergique des intérêts du peuple travailleur au Parlement et sans fournir à nos ennemis le prétexte gratuit d'accusation de manquer à nos devoirs.»

À ce sujet, M. le Dr Muller fait observer avec beaucoup de justesse dans sa très intéressante brochure[12]:

«On reconnaît donc que la peur d'être accusé, par les masses électorales indifférentes, de négliger leurs devoirs parlementaires et de risquer ainsi de ne pas être réélus, constitue une des raisons invitant les délégués à se rendre au Parlement et à y travailler pratiquement. Évidemment. Quand on a fait accroire aux électeurs que le parlement pouvait apporter des améliorations, il est clair que les social-démocrates doivent s'y rendre. Mais que la classe ouvrière puisse obtenir du Parlement des améliorations valant la peine d'être notées, les chefs eux-mêmes n'en croient rien et ils l'ont dit assez souvent. Et on se permet d'appeler «agitation» et «développement de la masse» cette duperie, cette fourberie envers les travailleurs. Nous prétendons que cette espèce d'agitation et de développement fait du tort et vicie le mouvement au lieu de lui être utile. Si l'on prône continuellement le Parlement comme une revalenta, comment veut-on faire surgir alors des «masses indifférentes» les social-démocrates qui sont bien les ennemis mortels du parlementarisme et ne voient dans les réformes sociales parlementaires qu'un grand humbug des classes dirigeantes pour duper le prolétariat? De cette manière la social-démocratie ne gagne pas les masses, mais les masses petit-bourgeoises gagnent, c'est-à-dire corrompent et anéantissent, la social-démocratie et ses principes.»

Personne ne l'a senti et exprimé plus clairement que Liebknecht lui-même, mais, à ce moment-là, c'était le Liebknecht révolutionnaire de 1869 et non pas le Liebknecht «parlementarisé» de 1894. Dans son intéressante conférence sur l'attitude politique de la social-démocratie, spécialement par rapport au Parlement, il s'exprima comme suit:

«Nous trouvons un exemple instructif et avertisseur dans le parti progressiste. Lors du soi-disant conflit au sujet de la Constitution prussienne, les beaux et vigoureux discours ne manquèrent pas. Avec quelle énergie on protesta contre la réorganisation en paroles! Avec quelle «opinion solide» et quel «talent» on prit la défense des droits du peuple … en paroles! Mais le gouvernement ne s'inquiéta guère de toutes ces réflexions juridiques. Il laissa le droit au parti progressiste, garda la force et s'en servit. Et le parti progressiste? Au lieu d'abandonner la lutte parlementaire, devenue, en ces circonstances, une sottise nuisible, au lieu de quitter la tribune, de forcer le gouvernement au pur absolutisme et de faire un appel au peuple,… il continua sereinement, flatté par ses propres phrases, à lancer dans le vide des protestations et des réflexions juridiques et à prendre des résolutions que tout le monde savait sans effet. Ainsi la Chambre des députés, au lieu d'être un champ clos politique, devint un théâtre de comédie: Le peuple entendait toujours les mêmes discours, voyait toujours le même manque de résultats et il se détourna, d'abord avec indifférence, plus tard avec dégoût. Les événements de l'année 1866 devenaient possibles. Les «beaux et vigoureux» discours de l'opposition du parti progressiste prussien ont jeté les bases de la politique «du sang et du fer»: ce furent les oraisons funèbres du parti progressiste même. Au sens littéral du mot, le parti progressiste s'est tué à force de discourir.

Eh bien! comme fit un jour le parti progressiste, ainsi fait aujourd'hui le parti social-démocratique. Combien piètre a été l'influence de Liebknecht sur un parti qui, malgré l'exemple avertisseur bien choisi cité par lui-même, a suivi la même voie! Et au lieu de montrer le chemin, il s'est laissé entraîner dans le «gouffre» du parlementarisme, pour y sombrer complètement.

Que restait-il du Liebknecht révolutionnaire qui disait si justement que «le socialisme n'est plus une question de théorie mais une question brûlante qui doit être résolue, non au Parlement, mais dans la rue, sur le champ de bataille, comme toute autre question brûlante»?

Toutes les idées émises dans sa brochure mériteraient d'être répandues universellement, afin que chacun puisse apprécier la différence énorme qu'il y a entre le vaillant représentant prolétarien de jadis et l'avocat petit-bourgeois d'aujourd'hui.

Après avoir dit que «avec le suffrage universel, voter ou ne pas voter n'est qu'une question d'utilité, non de principes», il conclut:

Le socialisme en danger

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