Читать книгу Correspondance de Chateaubriand avec la marquise de V - François-René vicomte de Chateaubriand - Страница 5

PROLOGUE

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À M. de Chateaubriand

Paris, 15 mars 1816.

Monsieur le Vicomte,

J'ai trouvé chez moi, parmi de vieux papiers négligés, un petit manuscrit dont la lecture m'a vivement intéressée. C'est, à ce qu'il m'a paru, la copie d'une correspondance qu'on avait voulu soustraire aux profanations révolutionnaires, mais qu'on n'avait pu se résoudre à sacrifier tout à fait.

L'élégance et la pureté du style de ces lettres, les nobles sentiments dont elles sont remplies, et le tableau consolant et mélancolique qu'offre leur ensemble dans un espace de trente-trois années, me donnèrent le désir de les faire imprimer, en changeant toutefois les noms des lieux et des personnes, par respect pour ces dernières, s'il en existait encore. Je n'ai point de notions là-dessus, parce que j'habite le Vivarais où je suis née, et que je ne connais personne en Bretagne, d'où ces lettres ont été écrites.

Une seconde lecture de mon petit manuscrit me fit naître un doute qui changea mon projet.

Plusieurs passages de ces lettres dans lesquels se trouve votre nom me firent imaginer que la dame qui les avait écrites pouvait être votre parente.

Cette pensée me rendit le manuscrit bien plus précieux, et, quoiqu'il n'y eût point d'apparence que j'eusse jamais l'honneur de vous voir, je résolus de n'en disposer qu'après m'être assurée qu'il n'avait point d'intérêt pour vous.

J'aurai donc l'avantage de vous le remettre, si vous désirez le lire. Mais, pour ne pas vous obliger à cette lecture inutilement, voici quelques mots qui vous en dispenseront peut-être:

L'auteur de ces lettres se nommait Mme la marquise de P…. (le nom est en abrégé dans le cahier), elle habitait Auray, et deux terres dont l'une se nommait Le Lardais, et l'autre Lannouan. Elle avait passé ses premières années à Châteaubriand, et était nièce de M. de La Chalotais.

Si à ces renseignements vous reconnaissez en effet, monsieur le vicomte, une personne dont le souvenir vous soit cher, je serai bien heureuse de pouvoir vous en offrir cet intéressant vestige.

Vous le recevrez comme un gage des sentiments de respect et de reconnaissance que je vous ai voués avec tous les vrais Français. Veuillez bien en agréer suis partie sur-le-champ pour aller la chercher. Pardonnez-moi, Monsieur le vicomte, de ne vous avoir pas écrit pour vous prévenir de mon absence! Cette bonne pensée ne m'est pas venue, je suis partie en toute hâte, et préoccupée d'inquiétude et de regret.

Ce soir, à mon retour, j'ai trouvé votre carte. Je conclus de votre billet et de votre visite que mon manuscrit vous intéresse, en effet, et je me réjouis de tout mon cœur de pouvoir vous en faire l'hommage. Tous les Français vous offrent celui de leur reconnaissance pour les bons sentiments et les douces émotions qu'ils vous doivent. Ceux que vous avez consolés dans leurs peines peuvent vous en vouer une plus spéciale encore.

Votre temps est trop précieux, monsieur le vicomte, pour que j'ose vous demander une seconde visite. Si vous me la destiniez, je voudrais en savoir le moment? Mais je me bornerai à vous envoyer le manuscrit; s'il vous intéresse, vous le garderez tout à fait. S'il vous est étranger, ne vous donnez pas la peine de me le renvoyer, je l'enverrai chercher chez vous avant mon départ.

Agréez…

De M. de Chateaubriand, Paris, mardi 19 mars 1816.

Selon toutes les apparences, madame, le manuscrit n'intéresse personne de ma famille. Mais j'ai à vous remercier de votre politesse. Puisque vous voulez bien me le permettre, madame, et me laisser le choix du jour, j'aurai l'honneur de passer chez vous, samedi 29, à midi.

Agréez, madame, je vous en prie, l'hommage de mon respect.

de CHATEAUBRIAND.

Note de Mme de V.—Me trouvant suffisamment remerciée, je voulus épargner à M. de Chateaubriand l'ennui d'une visite sans but, et me punir moi-même d'avoir risqué d'abuser de sa politesse. Je partis de Paris avant le jour qu'il avait fixé pour notre entrevue.

Correspondance de Chateaubriand avec la marquise de V

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