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Essai de cartographie : diffusion des recueils de Bruscambille et du théâtre imprimé

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La comparaison matérielle entre les recueils du comédien Jean Gracieux et les pièces de théâtre imprimées à la même période en France doit être complétée par la prise en compte de leurs réseaux de diffusion respectifs. Ces réseaux sont repérables, à un premier niveau, à travers les villes d’édition. Les lieux de publication du théâtre imprimé en France entre 1609 et 1615 peuvent être rendus par le graphique suivant1 :


Ce schéma met en valeur la ville de Rouen qui se positionne devant la capitale et apparaît comme une plaque tournante pour l’imprimerie du théâtre en France au début du XVIIᵉ siècle, ce qui corrobore les analyses réalisées par Jean-Dominique Mellot2. Les pièces imprimées s’écoulent dans une région qui constitue une sorte de terroir dramatique, un espace où les pratiques comiques sont intenses et variées puisqu’elles se déploient à la fois dans les collèges et dans la ville. Les recueils de Bruscambille ne sont pas en reste dans cette cité normande puisque l’on compte, dans les années en question, autant d’éditions rouennaises que d’éditions parisiennes. Ainsi, les lieux d’édition du théâtre et des productions du farceur se recouvrent mais ils correspondent aussi aux principaux centres de diffusion de cette période.

L’observation de ces réseaux à l’échelle humaine invite toutefois à nuancer ces convergences éditoriales. Au niveau des marchands libraires qui produisent et commercialisent ces ouvrages, l’échantillon observé ne fait pas apparaître de monopole d’un ou plusieurs éditeurs pour le théâtre imprimé. Ce marché, comme le note Alain Riffaud, ne connaît pas encore la concentration qui sera la sienne à partir de 16353. Nous décomptons ainsi 43 marchands libraires différents pour les titres répertoriés comme du théâtre imprimé pour les années 1609-1615. Malgré cette dispersion, certains marchands rouennais se détachent comme particulièrement actifs dans le domaine de l’édition théâtrale avec à leur tête Raphaël du Petit Val, libraire et imprimeur ordinaire du Roi depuis 1596, chez qui l’on dénombre 16 titres et, derrière lui, Abraham Cousturier avec 6 titres parus aux mêmes dates. Ces noms ne figurent pas parmi les éditeurs de Bruscambille qui sont de leur côté assez peu nombreux entre 1609 et 1615. En effet, plusieurs de ses éditions n’indiquent aucun nom dans les informations éditoriales et les libraires qui sont mentionnés distribuent souvent plusieurs éditions du farceur. Nous identifions ainsi les éditeurs Jean Millot, Jean de Bordeaux et François Huby pour Paris, Jean Petit et Thomas Maillard pour Rouen, et un nom supposé, « Martin La Babille4 », associé à Bergerac. Nous avons tâché de reconstituer les catalogues de ces éditeurs à partir du Répertoire de Roméo Arbour5 pour essayer de cerner les orientations de leurs publications et voir dans quelles proportions le théâtre y figure. La plupart de ces marchands libraires ne sont pas spécialisés dans un genre précis, ce qui se traduit par une accumulation de titres assez disparates : le théâtre imprimé trouve alors sa place aux côtés d’écrits de circonstance, romans, recueils poétiques, récits de voyage, sermons etc. Parmi ces éditeurs de Bruscambille, certains font également paraître du théâtre mais ces titres restent plutôt isolés. C’est le cas de Jean Millot qui publie en 1609 la Lydie, Fable champestre du Sieur Du Mas, ou celui de François Huby qui édite les Tragédies de Claude Billard en 1612 et 1613. Aucun de ces marchands libraires publiant les ouvrages de Bruscambille n’apparaît comme réellement spécialisé dans le théâtre mais ces conclusions tiennent aussi à la disparité des catalogues des libraires de cette période.

Du point de vue de la diffusion comme d’un point de vue matériel, sans emprunter des canaux radicalement dissemblables de ceux du théâtre imprimé, les recueils de prologues de Bruscambille se dissocient tout de même de la littérature dramatique alors même qu’ils prétendent y prendre part en se présentant comme des prologues théâtraux. Pour affiner ces données, il faut spécifier que les ouvrages listés dans cet échantillon ne forment pas un bloc unifié. Deux précisions paraissent essentielles à apporter : d’une part, la diversité de la construction interne de ces ouvrages et, d’autre part, leur hétérogénéité générique.



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