Читать книгу Vaincre l'égoïsme - Guéshé Rabten - Страница 10
ОглавлениеPratiques préliminaires
L’enseignement exposé ici est une méthode bouddhiste d’entraînement de l’esprit (Tib. Lo djong – lo signifie «esprit» et djong «entraîner, exercer»).
Cet entraînement a pour but d’opérer une transformation de l’esprit dirigée dans un sens bien précis. L’esprit peut effectivement être exercé à l’accomplissement d’actions défavorables, mais il peut aussi être formé à l’acquisition de vertus. Par l’étude de ce qui suit, notre propos sera donc d’amener l’esprit à se détourner de tout ce qui est négatif et nuisible afin de l’orienter positivement, c’est-à-dire vers des actes vertueux.
Cet exercice de l’esprit peut être comparé à un entraînement physique. Si celui-ci nous fait défaut, notre corps manque de souplesse et de force. Il nous est difficile de le plier à notre volonté. Mais lorsque nous l’avons bien entraîné, il devient agile et vigoureux de sorte qu’il peut obéir à tout ce que nous lui commandons. Nous constatons alors le développement manifeste de nos capacités physiques et l’amélioration de nos performances ne fait aucun doute.
Nous pouvons transformer notre esprit de la même façon. Dans un premier temps, nous rencontrerons beaucoup de difficultés, mais à terme, si nous fournissons les efforts nécessaires, nous obtiendrons des réalisations sans limite.
Plus concrètement, à quoi allons-nous exercer notre esprit ? Quelle sorte d’entraînement cet enseignement nous propose-t-il ? L’élimination de toute attitude égoïste jusqu’au point où nous serons capables de renoncer à nous-mêmes, de nous sacrifier sans peine au profit de tous les autres êtres vivants.
L’esprit peut être développé de très nombreuses façons. Le texte que nous allons étudier ici est divisé en sept points dont la signification a été enseignée par le Bouddha lui-même puis transmise aux grands sages et pandits (érudits) indiens, et, de là, jusqu’aux lignées de Maîtres tibétains. Leur auteur est un Maître tibétain, un Guéshé de la tradition Kadampa du nom de Tchékawa.
Les sept parties qui le composent sont les suivantes :
– La première traite des pratiques préliminaires ;
– La deuxième inclut les deux aspects de
Bodhicitta, l’esprit d’éveil : l’esprit d’éveil
conventionnel et l’esprit d’éveil ultime ;
– La troisième expose la manière de transfor- mer les conditions adverses en méthode permettant de progresser sur la voie conduisant à l’état de Bouddha ;
– La quatrième consiste à appliquer les «cinq
pouvoirs» à toutes nos actions (nous verrons
ultérieurement ce dont il s’agit précisément) ;
– La cinquième décrit les signes qui se mani-
festent lorsque l’esprit a dûment été exercé ;
– La sixième énonce les préceptes et engagements
qu’il convient d’observer parallèlement à une
pratique d’entraînement de l’esprit ;
– La septième, enfin, donne les instructions né-
cessaires à l’accomplissement de cette pratique.
Avant d’aborder la pratique proprement dite, nous devons méditer sur la rareté et la valeur de notre précieuse existence humaine, puis sur son impermanence et sur la loi de causalité (c’est-à-dire la loi du Karma : les actions et leurs résultats).
Si, n’ayant pas au préalable médité sur ces points, nous n’en avons pas acquis la réalisation, il nous sera très difficile de mener à bien des contemplations sur la souffrance de tous les êtres, de faire naître l’esprit d’éveil… parce que feront défaut les fondations solides sur lesquelles ces développements doivent s’appuyer. De même, si l’on veut enseigner, l’intention, si pure et noble soit-elle, ne suffit pas. Il faut d’abord avoir acquis une base solide en ayant bien étudié soi-même.
Les pratiques préliminaires sont très importantes. A ce propos, le texte dit :
Tout d’abord, appliquez-vous à l’accomplissement des préliminaires.
Nous devons donc y consacrer tous nos efforts.
Méditer sur la difficulté d’obtenir une précieuse existence humaine disponible et qualifiée
Pour ce faire, il nous faudra, en premier lieu, prendre conscience de la valeur de la précieuse vie humaine que nous avons obtenue à présent. Elle est, en effet, dotée de possibilités illimitées, non pas du fait de sa constitution physique, mais parce que l’intelligence qui la caractérise la différencie de toutes les autres espèces vivantes animées. Grâce à cette intelligence, tout devient possible.
Nombreux sont ceux qui ont obtenu un précieux corps humain, mais, pour la plupart, ils n’en font pas bon usage et le gaspillent à des fins mondaines tout à fait futiles. En tout état de cause, la réussite d’une entreprise à l’intérieur du cycle des existences reste de portée très limitée. En revanche, si on utilise cette vie humaine sur la voie du Dharma, elle permet des développements infinis. Il est par conséquent essentiel de réaliser que la précieuse existence humaine dont nous disposons à présent nous offre des perspectives sans limites.
Le propriétaire d’un terrain recelant un précieux trésor doit connaître l’existence de ce trésor pour pouvoir en tirer profit. De même, lorsque nous aurons réalisé combien cette existence humaine est précieuse, nous devrons en exploiter la richesse en l’employant à la pratique du Dharma. Si nous l’utilisons à des fins purement samsariques (profanes et mondaines), elle sera exclusivement source de dégénérescence et de souffrances de plus en plus nombreuses.
Tous les êtres recherchent le bonheur et fuient la souffrance. Or, si nous ne vouons cette existence qu’à des objectifs samsariques, au lieu d’obtenir ce que nous recherchons vraiment, nous ne ferons que sombrer dans des souffrances toujours plus profondes et plus nombreuses.
Méditer sur la mort et l’impermanence
En outre, même si nous sommes décidés à faire bon usage de cette existence, nous devons nous y atteler sans plus attendre et ne pas nous dire que nous verrons cela plus tard, dans quelques années ou dans une prochaine vie. En effet, cette condition fortunée qui est la nôtre aujourd’hui, qui rend possible d’innombrables développements spirituels, nous n’en disposerons pas toujours. Elle prendra fin un jour et nul ne sait quand. Sommes-nous jeunes, en bonne santé ? Pour autant, nous n’avons pas la moindre certitude de demeurer en vie. La jeunesse, la santé… ne sont pas permanentes. C’est donc dès maintenant que nous devons saisir l’occasion et mettre à profit nos facilités et nos facultés en les utilisant à la pratique du Dharma.
Si nous sommes conscients de tout ce qui se passe chaque jour autour de nous, nous verrons que l’impermanence, la mort et l’incertitude du moment où elle survient sont une évidence. Si nous y prêtons attention, nous trouverons les enseignements dans tous les évènements et situations que nous côtoyons quotidiennement.
En effet, notre existence suit le même cours que toutes celles qui nous entourent. Nous ne faisons pas exception. Lorsque des moutons sont envoyés à l’abattoir, que l’un ou l’autre soit tué en premier ne change rien ; ils prennent tous le même chemin.
Pour la plupart d’entre nous, l’impermanence de cette vie est clairement évidente, mais nous n’avons pas pour autant conscience de l’incertitude du moment de notre mort. Or, réaliser que la mort peut frapper à tout moment sera pour nous un véritable enseignement, le plus apte à nous pousser à la pratique du Dharma et à éliminer toute paresse car nous craindrons dès lors de gaspiller cette précieuse existence.
Ainsi, conscients de sa valeur et de sa rareté autant que de l’incertitude du moment de notre mort, nous nous efforcerons de consacrer toute notre vie à la pratique du Dharma, et pas seulement celle dont nous disposons à présent, mais aussi toutes celles à venir jusqu’à ce que nous atteignions le but final de l’état de Bouddha. L’énergie fournie dans cette vie pourra s’ajouter à celle de nos existences suivantes. Ainsi cumulée de vie en vie, elle nous assurera un développement de plus en plus puissant comme la graine semée qui donne tout d’abord une pousse, puis une petite plante, et, plus tard un arbuste et enfin, les années suivantes, un arbre tout entier porteur de nombreux fruits.
Nous devons faire tous les efforts nécessaires pour pouvoir retrouver dans notre prochaine vie les facilités indispensables à la pratique du Dharma. Sinon, nous renaîtrons peut-être comme un animal ou autre, dans une condition bien moins favorable où la pratique du Dharma s’avèrera très difficile, voire impossible.
Méditer sur la loi du Karma (les actions et leurs résultats)
Pour obtenir une précieuse renaissance humaine, il faut en planter les graines. Celles-ci sont constituées par l’abandon des actions non vertueuses et par l’accumulation des actions vertueuses. Si nous agissons en tenant compte de cette loi de causalité, nous récolterons les fruits de nos comportements positifs. Mais si nous n’en faisons aucun cas et nous laissons complètement aller, agissant simplement sous l’impulsion des perturbations mentales, nous aurons beau souhaiter ardemment retrouver une précieuse renaissance humaine, cela nous sera impossible.
Il y aurait beaucoup de choses à dire à propos du Karma. C’est un domaine extrêmement vaste. Mais la base, c’est l’abandon des dix non-vertus et la pratique des dix vertus.
Tous les Karmas (actions), vertueux ou non, sont accomplis par les «trois portes», c’est-à-dire le corps, la parole et l’esprit. C’est par ces «trois portes» que nous pouvons abandonner les Karmas négatifs et c’est par elles que sont accumulés les Karmas positifs, vertueux.
Les Karmas non vertueux sont très nombreux. Ils peuvent néanmoins être résumés dans les dix non-vertus suivantes :
– Tuer un être vivant,
– Voler,
– S’adonner à des inconduites sexuelles,
qui sont les trois actions négatives du corps.
– Mentir,
– Faire usage de propos semant la discorde,
– Prononcer des paroles malveillantes ou violentes,
– Bavarder inutilement sur des sujets futiles,
qui sont les quatre actions négatives de la parole.
– Convoiter le bien d’autrui,
– Vouloir nuire à autrui,
– Entretenir des vues fausses,
qui sont les trois actions négatives de l’esprit.
Telles sont les dix Karmas négatifs de base. Les connaissant, nous les considérerons comme de véritables ennemis particulièrement malfaisants et nous nous efforcerons de les éliminer. Par l’abandon des dix non-vertus, nous accumulerons les dix vertus.
Lorsque nous serons attirés par l’une de ces actions négatives, nous devrons l’appréhender comme un serpent venimeux lové sur nos genoux que nous voudrions chasser au plus vite. Toutefois, même si un tel serpent venait à nous mordre, il pourrait certes nous faire beaucoup de mal et même nous tuer. Mais il ne pourrait pas, comme le font les actions négatives, nous précipiter pour très longtemps dans les pires souffrances des renaissances inférieures. Les Karmas non vertueux sont donc bien plus dangereux que le plus venimeux des serpents.
Nous devrons méditer sur tous ces points pour en acquérir la réalisation. C’est ce qui est signifié par «préliminaires». Dans un sens plus large, ce que l’on appelle «pratiques préliminaires» inclut l’offrande du Mandala, le Gourou Yoga, la prière en sept branches etc.
Le plus important, c’est de méditer sur ce que l’on a étudié. Il ne suffit pas de recevoir des enseignements. L’essentiel, c’est de les intégrer à notre vie quotidienne, d’observer tous les évènements et de les inclure à notre pratique jusqu’à ce que nous parvenions à une véritable réalisation intérieure de ce que nous avons appris. Si nous nous contentons de recevoir des enseignements sans jamais les appliquer, nous serons comme celui qui n’a pas d’argent mais va de magasin en magasin, examine tous les articles et en demande le prix sans pouvoir rien acheter. L’enseignement n’a d’utilité que s’il est mis en pratique. Sinon, il est gaspillé.
Ici, concrètement, pratiquer le Dharma, cela signifie développer l’esprit d’éveil, la Bodhicitta conventionnelle et la Bodhicitta ultime.