Читать книгу Toutes les Poésies de Guy de Maupassant (l'intégralité des 50 poésies) - Guy de Maupassant - Страница 11

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II

Elle était la première au lieu du rendez-vous.

J’accourus auprès d’elle et me mis à genoux,

Et promenant mes mains tout autour de sa taille

Je l’attirais. Mais elle, aussitôt, se leva

Et par les prés baignés de lune se sauva.

Enfin je l’atteignis, car dans une broussaille

Qu’elle ne voyait point son pied fut arrêté.


Alors, fermant mes bras sur sa hanche arrondie,

Auprès d’un arbre, au bord de l’eau, je l’emportai.

Elle, que j’avais vue impudique et hardie,

Était pâle et troublée et pleurait lentement,

Tandis que je sentais comme un enivrement

De force qui montait de sa faiblesse émue.


Quel est donc et d’où vient ce ferment qui remue

Les entrailles de l’homme à l’heure de l’amour?


La lune illuminait les champs comme en plein jour.

Grouillant dans les roseaux, la bruyante peuplade

Des grenouilles faisaient un grand charivari;

Une caille très loin jetait son double cri,

Et, comme préludant à quelque sérénade,

Des oiseaux réveillés commençaient leurs chansons.

Le vent me paraissait chargé d’amours lointaines,

Alourdi de baisers, plein des chaudes haleines

Que l’on entend venir avec de longs frissons,

Et qui passent roulant des ardeurs d’incendies.

Un rut puissant tombait des brises attiédies.

Et je pensai: «Combien, sous le ciel infini,

Par cette douce nuit d’été, combien nous sommes

Qu’une angoisse soulève et que l’instinct unit

Parmi les animaux comme parmi les hommes.»

Et moi j’aurais voulu, seul, être tous ceux-là!


Je pris et je baisai ses doigts; elle trembla.

Ses mains fraîches sentaient une odeur de lavande

Et de thym, dont son linge était tout embaumé.

Sous ma bouche ses seins avaient un goût d’amande

Comme un laurier sauvage ou le lait parfumé

Qu’on boit dans la montagne aux mamelles des chèvres.

Elle se débattait; mais je trouvai ses lèvres!

Ce fut un baiser long comme une éternité

Qui tendit nos deux corps dans l’immobilité.

Elle se renversa, râlant sous ma caresse;

Sa poitrine oppressée et dure de tendresse,

Haletait fortement avec de longs sanglots;

Sa joue était brûlante et ses yeux demi-clos;

Et nos bouches, nos sens, nos soupirs se mêlèrent.

Puis, dans la nuit tranquille où la campagne dort,

Un cri d’amour monta, si terrible et si fort

Que des oiseaux dans l’ombre effarés s’envolèrent.

Les grenouilles, la caille, et les bruits et les voix

Se turent; un silence énorme emplit l’espace.

Soudain, jetant aux vents sa lugubre menace,

Très loin derrière nous un chien hurla trois fois.


Mais quand le jour parut, comme elle était restée,

Elle s’enfuit. J’errai dans les champs au hasard.

La senteur de sa peau me hantait; son regard

M’attachait comme une ancre au fond du coeur jetée.

Ainsi que deux forçats rivés aux mêmes fers,

Un lien nous tenait, l’affinité des chairs.

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