Читать книгу Toutes les Poésies de Guy de Maupassant (l'intégralité des 50 poésies) - Guy de Maupassant - Страница 21

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III

Ils guettèrent, ayant grand’peur d’être aperçus;

Et puis, voûtés, avec le dos rond des bossus,

Humbles d’être si vieux quand tout semblait revivre,

Ainsi que des enfants ils se prirent la main

Et partirent, barrant la largeur du chemin.

Car chacun oscillant un peu, comme un homme ivre,

Heurtait l’autre d’un coup d’épaule quelquefois,

Et des zigzags guidaient leur douteux équilibre.

Leurs bâtons supportant chaque bras resté libre

Trottaient à leurs côtés comme deux pieds de bois.


Mais, d’arrêts en arrêts dans leur course essoufflée,

Ils gagnèrent le parc et puis la grande allée.

Leur passé se levait et marchait devant eux,

Et sur la terre humide ils croyaient voir, par places,

L’empreinte fraîche encor de leurs pieds amoureux;

Comme si les chemins avaient gardé leurs traces,

Attendant chaque jour le couple habituel.

Ils allaient, tout chétifs, près des arbres énormes,

Perdus sous la hauteur des chênes et des ormes

Qui versaient autour d’eux un soir perpétuel.


Et comme un livre ancien dont on tourne la page:

«C’est ici», disait l’un. L’autre disait: «C’est là:

La place où je baisai vos doigts? – Oui, la voilà.

— Vos lèvres? – Oui! C’est elle!» Et leur pèlerinage,

De baisers en baisers sur la bouche ou les doigts,

Continuait ainsi qu’un chemin de la croix.

Ils débordaient tous deux d’allégresses passées,

Élans que prend le coeur vers les bonheurs finis,

En songeant que jadis, les tailles enlacées,

Les yeux parlant au fond des yeux, les doigts unis,

Muets, le sein troublé de fièvres inconnues,

Ils avaient parcouru ces mêmes avenues!

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