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CODAGO

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Table des matières

Le monde, en général, passe pour être endormi à deux heures du matin, et, comme Flatfoot fait partie de notre monde terrestre, on aurait eu le droit de supposer que les habitants de ce village californien suivaient l’exemple universel. Cependant, il y a une vingtaine d’années, bien qu’il n’y eût à Flatfoot ni malade à soigner, ni réunion fashionable qui pût servir de prétexte à des veilles aussi irrégulières, l’unique croisée de Charley Chagres était encore éclairée à cette heure indue. S’il nous eût été permis de pénétrer dans le domicile de Charley Chagres, nous y aurions même trouvé une demi-douzaine de mineurs engagés dans une conversation très animée.

Flatfoot n’avait jamais officiellement élu un conseil municipal; mais les individus que nous trouvons en train de causer acceptaient depuis longtemps les devoirs et les responsabilités qui incombent à des administrateurs civils. J’ajouterai qu’ils dirigeaient les affaires du village d’une façon si judicieuse, que personne ne manifestait le désir de renverser le gouvernement local.

Les six représentants de l’autorité se chauffaient, dans une demi-douzaine de poses différentes, devant le foyer de Charley Chagres. On aurait cru voir des Guèbres cherchant un oracle dans la flamme. Mais les vieux puritains du temps de Cromwell, sans cesser de compter sur la Providence, avaient soin de tenir leur poudre sèche, et, de nos jours, le musulman le plus dévot ne confie son cheval à Mahomet qu’après l’avoir attaché à un poteauu; il est donc assez naturel que les tuteurs de Flatfoot, qu’un problème difficile à résoudre semblait inquiéter, voulussent prendre des précautions avant d’agir.

–Si nous n’avons pas la loi pour nous, nous sommes les plus forts, dit un grand gaillard barbu en lançant un coup de pied amical à un tison qui s’éloignait par trop de la cheminée. Il est clair que ces Mexicains ne font pas honneur au camp.

–Mississipi a raison, répliqua l’hôte. Ils n’ont pas la moindre idée des devoirs d’un citoyen. Ils se montrent quelquefois à la buvette, et je ne me rappelle pas avoir vu un seul d’entre eux mettre une goutte d’eau dans son verre; mais c’est tout ce que l’on peut dire en leur faveur.

–Rien de plus vrai! s’écria Nappy Boney, le seul Français du camp, que l’on désignait par un sobriquet emprunté au nom du héros de Wagram et d’Austerlitz; comprend-on que des gens qui se prétendent civilisés ignorent l’histoire du petit caporal?

–Ça, on pourrait le leur pardonner, dit Texas en allumant sa pipe, car il paraît que les écoles n’abondent pas dans leur pays. Ce que je leur reproche, c’est de manquer aux égards dus à la société et auxquels l’usage du monde apprend à se conformer, sans qu’on ait mis le nez dans un livre. Pourquoi s’arrangent-ils de manière à ne jamais avoir de difficultés avec un gentleman à la buvette ou dans la crique? Ils ne se gênent guère pour donner un joli coup de couteau, je le reconnais. Seulement, la chose se passe toujours en famille. S’ils avaient la moindre notion des convenances, ils ne nous priveraient pas ainsi d’un de nos amusements constitutionnels. Moi qui vous parle, j’ai fait durer une dispute trois heures, rien que pour laisser aux autres le temps d’arriver et de jouir du spectacle final.

–Ils font souvent de meilleures journées que nous, et reviennent de la crique les poches pleines, ajouta Lynn Taps; pourtant, dès que l’on propose de risquer une once d’or sur une carte, ils filent, comme s’ils nous prenaient pour des escrocs.

–Oui, et ça ne les empêche pas de jouer toute la nuit entre eux, s’écria Menottes, un robuste Anglais dont les poignets portaient une marque qui annonçait des démêlés avec la justice, et qui lui avait valu son nom. Donnons-leur congé! Malgré son air endormi, je n’ose perdre de vue les doigts d’un Mexicain, quand ils se rapprochent trop de son couteau.

–Eh bien, que décidons-nous? demanda Lynn Taps. Parler n’avance à rien. Personne ne s’est jamais débarrassé d’un intrus en jouant de la mâchoire, excepté Samson, qui se servait d’une mâchoire à laquelle je ne veux comparer celle d’aucun membre de l’honorable société.

–Moi, je pense qu’il serait injuste de chasser ces pauvres diables sans les avoir prévenus, répondit Charley Chagres. Chaque pays a ses coutumes. Chez nous, il est permis à un citoyen, après avis préalable, de tirer à première vue sur tout gentleman dont il croit avoir à se plaindre; mais nous regardons un coup de couteau donné en traître comme un simple assassinat. Expliquons-leur nos principes, et à la première infraction… Bonté du ciel! qu’est-ce que c’est que cela?

Tous se redressèrent brusquement: un cri lugubre venait de retentir dans le silence de la nuit.

–C’est le coup de couteau demandé, ni plus ni moins, répliqua Mississipi. Il n’y a qu’un Mexicain pour hurler de la sorte; on dirait le dernier cri de désespoir d’une mule à l’agonie. A quoi bon hésiter davantage? Ils ne sont que huit ou neuf, et chacun de nous vaut au moins deux de ces fumeurs de cigarettes.

–Approuvé, dit Menottes. Nous pendrons l’assassin et nous prierons les autres de retourner chez eux.

–Voyons d’abord de quoi il s’agit, s’écria Charley Chagres.

Et il se précipita hors de la cabane, suivi de ses compagnons qui, comme lui, tenaient déjà leur pistolet à la main.

Les Mexicains vivaient tous sous le même toit, ou plutôt sous une espèce de tente formée de peaux non apprêtées, dont l’une représentait la porte d’entrée.

Les amis de l’ordre eurent bientôt atteint la hutte. Texas écarta la peau mobile, et chacun se tint sur le seuil, le doigt sur la détente de son arme. Néanmoins, personne ne tira; au contraire, les justiciers abaissèrent lentement le bras.

On ne voyait aucun cadavre percé d’un coup de couteau; aucun des accusés ne brandissait un poignard ensanglanté; mais sur le sol gisait une jeune Mexicaine au-dessus de laquelle se penchaient sept ou huit de ses compatriotes, plus silencieux, plus impassibles que jamais. Nos conseillers se sentirent fort embarrassés; cependant, Charley Chagres finit par demander:

–Ah çà, d’où sort cette dame? Je ne la connais pas.

–C’est la femme de Codago, répondit un des Mexicains, sans témoigner la moindre surprise à l’aspect des visiteurs armés. Ils ont eu une querelle à Chihuahua: il est parti, elle l’a suivi. Elle vient d’arriver il y a un instant, elle s’est jetée dans les bras de Codago, elle lui a dit quelque chose que nous n’avons pas entendu; il a poussé un grand cri et s’est sauvé en courant.

–Votre Codago me fait l’effet d’une ignoble canaille, d’un sans-cœur, dit Charley Chagres. Si ma femme avait assez bonne opinion de moi pour me suivre jusqu’ici, je ne me sauverais pas. Il mériterait.

–Chut, dit Nappy Boney. La dame revient à elle, et elle a peut-être un cœur, si son mari n’en a pas.

Maria, Madre purissima, murmura la femme, mi nino, mi nino perdido!

–Que dit-elle? demanda Lynn Taps à voix basse.

–Elle parle d’un enfant perdu, répondit un des Mexicains.

–Et son mari la plante là, par-dessus le marché. Pauvre femme! s’écria Charley Chagres du ton le plus sympathique que l’on eût jamais entendu à Flatfoot. Mais un médecin lui serait plus utile en ce moment que cinquante maris comme le sien. Où y a-t-il un médecin, garçons?

–Là-haut à Dutch-Hill, dit Texas, et il sera ici en moins de deux heures.

Sur ce, Texas lâcha la peau qui servait de porte et disparut en courant. Ses compagnons se dirigèrent vers la cabane de Charley Chagres.

–Ces Mexicains n’ont rien de ce qu’il faut, dit tout à coup Mississipi; la malheureuse passera la nuit sur le sol, sans qu’ils songent à l’installer confortablement. Qui a une couverture de trop?

–Moi! répliqua chacun des quatre conseillers. Et Nappy Boney exprima les sentiments de la société entière en s’écriant:

–Le ciel, qu’il soit gris ou bleu, suffit pour couvrir les hommes, quand une femme a besoin de leur sarapé.

Mississipi s’empressa donc de réquisitionner les quatre couvertures, que leurs propriétaires n’auraient certes pas trouvées trop lourdes par un froid pareil, et il y ajouta la sienne. Tandis qu’il regagnait la hutte, il s’arrêta à diverses reprises pour rendre une courte visite à des dormeurs, qu’il dépouilla sans troubler leur sommeil.

–Voilà, tas d’incapables que vous êtes! dit-il en jetant les couvertures sur le sol. Arrangez un lit pour la malade. Le médecin ne tardera pas à se montrer.

Sa brusque entrée effraya tellement les Mexicains, qu’ils firent le signe de la croix. Du reste, il ne leur laissa pas le temps de le remercier. A peine se fut-il éloigné, que l’on gratta discrètement à la porte. Celui qui alla ouvrir aperçut Nappy Boney, qui lui tendait une bouteille.

–C’est de l’eau-de-vie de France, dit-il. On n’en trouve pas .de meilleure au monde et personne ne l’apprécie autant que moi; mais les dames avant tout!

Ce sacrifice accompli, le Français alla rejoindre Lynn Taps, Menottes et Charley Chagres, qui fumaient devant le foyer ranimé.

Les conseillers ne paraissaient songer qu’à la mère si lâchement abandonnée et ne parlaient plus de chasser ceux qui déshonoraient le camp. Cela n’empêcha pas Lynn Taps de déclarer avec conviction que les compatriotes de Codago n’avaient pas d’âme. Tout à coup, la porte s’ouvrit et livra passage à un des Mexicains.

–Elle a retrouvé sa langue, dit-il. Elle a traversé la montagne avec son petit garçon. Elle n’avait pas mangé depuis longtemps, la neige tombait et ses forces s’épuisaient. Alors elle a enveloppé le muchacho dans son manteau et l’a mis à l’abri dans une crevasse des rochers; puis elle a couru jusqu’ici... Il y a des coyotes dans la montagne. Que faire?

–Que faire? répéta Lynn Taps d’une voix indignée. Il n’y a qu’à se mettre en campagne, parbleu! On suivra la piste de la mère et l’on retrouvera le petit; je m’userai les jambes plutôt que de laisser mourir un enfant dans la neige.

En moins de dix minutes, tous les dormeurs du camp étaient debout. Ils avaient commencé par injurier ceux qui les dérangeaient. Ils détestaient cordialement les Mexicains; néanmoins, dès qu’ils surent pourquoi on les réveillait, leurs malédictions ne s’adressèrent plus qu’à ceux qui ne se dépêchaient pas de se lever. Deux ou trois d’entre eux, trop impatients, partirent même sans attendre les ordres de Charley Chagres, qui, en sa qualité de chef, dirigeait l’expédition et qui arriva une lanterne sourde à la main.

–Garçons, dit-il, la lune nous aidera avoir clair, mais tout à l’heure il faudra peut-être aider la lune. Nous allons nous éparpiller et gravir la montagne jusqu’aux neiges. Lorsque je tirerai trois coups de pistolet, tournez à droite et continuez à monter en cherchant la trace des pas de la femme de Codago; la trace découverte, nous n’aurons qu’à la suivre pour arriver à l’enfant. Il n’y aura pas moyen de se tromper: ces senoras ont des pieds qui tiendraient dans ma main. Dès qu’un de nous sera sur la piste, il tirera et nous marcherons vers lui. Je souhaite qu’un de ces imbéciles qui ont pris les devants commencent par rencontrer Codago et lui logent une balle dans la tête! Penser qu’un homme abandonne ainsi sa femme et son enfant! Un homme? bah! il n’y a pas l’étoffe d’un homme dans dix Mexicainss!

–Ils n’ont pas d’âme, dit Lynn Taps. Ça explique tout.

–Assez causé. En route! s’écria Charley Chagres.

Les mineurs s’engagèrent courageusement sur la pente escarpée; des troncs d’arbres renversés, des inégalités de terrain que l’obscurité rendait dangereuses, retardaient çà et là leur marche, mais ne les arrêtaient pas. Un vent âpre, qui devenait de plu en plus vif à mesure qu’ils se rapprochaient des hauteurs couvertes de neige, leur coupait le visage; nul cependant ne se plaignait.

Enfin, le revolver de Charley Chagres donna le signal et l’on tourna à droite. Quelques minutes après, un autre coup de feu retentit et l’on se rallia autour de Nappy Boney, qui venait de tirer et que l’on trouva penché au-dessus d’une empreinte laissée dans la neige.

–Ma foi, s’écria-t-il, elles n’ont pas la grâce des Françaises, ces Mexicaines; mais la marque que voilà aurait pu être laissée par le pied mignon d’une adorable Parisienne.

–C’est possible, dit Mississipp; en tout cas, vous n’avez pas été le premier à la découvrir; car j’aperçois la trace d’un pied beaucoup moins mignon, qui a gravi la montagne avant nous.

Une piste bien indiquée guida les chercheurs, qui continuèrent leur ascension; elle les mena peu à peu sur un sentier où l’on ne s’aventurait pas volontiers à cette époque de l’année. Tandis qu’ils s’arrêtaient pour reprendre haleine, Mississipi, qui marchait en tête, s’écria:

–Nous y sommes!

Et, franchissant d’un bond une étroite crevasse, il courut vers un objet abrité contre la neige sous une saillie formée par un rocher.

–Eh bien non, ajouta-t-il presque aussitôt. Nous n’y sommes pas encore! C’est Codago– Codago mort de froid.

–Il n’a que ce qu’il mérite, le lâche! dit Lynn Taps. Il doit se trouver dans un endroit où l’on n’a pas à se plaindre du froid.

Mississipi déchira le bas de son pantalon, sur lequel il versa du whisky, et y mit le feu à l’aide d’un briquet.

–Que tient-il donc dans ses bras? demanda-t-il alors. Un paquet, qu’il serre comme s’il espérait l’emporter avec lui dans l’endroit dont Lynn Taps vient de parler.

–Tant pis, répliqua ce dernier. Ça prouve qu’il n’est pas en enfer–un homme ayant une âme n’aurait jamais songé à emballer ses effets, après avoir vu le visage de cette pauvre femme.

–Ce n’est pas tout, reprit Mississipi. Il a retiré sa chemise et il a reçu un vilain coup de couteau dans le bras. Je n’y comprends rien.

Les autres avaient sauté à leur tour par-dessus la crevasse; ils eurent beau ouvrir les yeux, ils n’y comprenaient rien non plus.

C’était bien Codago, et il serrait contre sa poitrine un paquet, enroulé dans son sarapé à la mode mexicaine. Tandis qu’ils regardaient, ils virent remuer le paquet. Lynn Taps, non sans un vigoureux effort, l’arracha des bras raidis du défunt. A peine eut-il défait les premiers plis, que l’on aperçut le visage d’un bébé dont la peau brune et les grands yeux noirs annonçaient une origine mexicaine. Le bébé poussa un beuglement tel que les auditeurs n’en avaient jamais entendu de ce côté des montagnes Rocheuses.

–Je commence à deviner, dit un des mineurs; pourtant je ne m’explique pas le coup de couteau.

–Et moi, je m’explique encore moins la chemise absente, ajouta son voisin, car elle n’a pas servi à envelopper le petit.

Charley Chagres, qui était resté en arrière et que l’on s’étonnait de ne pas voir, arriva en ce moment.

–C’est simple comme bonjour, dit-il l; nous l’avons accusé à tort. Il n’a songé qu’à sauver l’enfant. Il s’est fait une entaille au bras afin de tracer deux ou trois flèches rouges sur la piste, et sa chemise flotte, en guise de drapeau, au bout d’une branche d’arbre fichée dans la neige au bas de cette pente: c’était un homme de précaution. Codago, je vous adresse publiquement mes humbles excuses, poursuivit le chef du village en soulevant son chapeau. Messieurs, vous voudrez bien suivre mon exemple, puisqu’il est trop tard pour lui rendre raison.

Ce devoir rempli, Charley Chagres se débarrassa par une secousse de sa couverture et l’étendit sur la neige. Lynn Taps enleva dans ses bras robustes le cadavre de l’infortuné Mexicain, qu’il déposa sur ce brancard improvisé; puis il cacha dans sa propre couverture le bébé soigneusement emmaillotlé et descendit au pas de course la montagne, au risque de se casser le cou.

Une demi-heure plus tard, il s’arrêtait tout essoufflé devant la hutte des Mexicains et grattait à la porte. Ce fut le docteur qui le reçut. Cette fois, il n’y eut pas besoin d’explication, ou plutôt le bébé se chargea de la fournir.

La mère, qui gisait immobile et les yeux fermés, se redressa; son visage s’illumina; elle couvrit de baisers son enfant et se jeta en sanglotant dans les bras du Yankee étonné.

–Eh bien, eh bien! s’écria-t-il après s’être dégagé, je crois vraiment que celle-là a une âme.

–En tout cas, vous lui avez apporté la seule médecine capable de la guérir, dit le médecin, qui donna une petite tape amicale sur la joue du bébé et ramassa sa cravache. Adieu, les amis; votre malade n’a plus besoin de moi.

Lynn Taps profita du départ du docteur pour battre en retraite et gagna la buvette, que le propriétaire avait jugé à propos d’ouvrir plus tôt que de coutume.

Les quatre mineurs qui ramenaient le corps de Codago ne tardèrent pas à se montrer. Ils déposèrent doucement leur fardeau devant la porte et entrèrent.

Lynn Taps s’approcha du comptoir.

–Avancez à l’ordre, garçons, dit-il. Remplissez vos verres jusqu’au bord et chapeau bas! A Codago!

On fit honneur au toast avec un recueillement inusité; sans doute chacun regrettait de ne pouvoir donner au mort la satisfaction à laquelle a droit un gentleman soupçonné bien à tort de lâcheté. Enfin, quelqu’un opina que les Mexicains auraient dû être témoins de cette réhabilitation in extremis. Un messager se rendit donc à la hutte et le toast fut renouvelé.

Le lendemain on enterra Codago dans une tombe creusée sur une hauteur qui dominait la crique. Les compatriotes du défunt, présents à la cérémonie, parurent croire que le mutisme et une consommation incessante de cigarettes sont les seules convenances à observer en pareille circonstance. Lynn Taps, plus poli, crut devoir offrir son bras à la veuve, qui se montra si abattue, que son cavalier déclara qu’elle possédait une âme. Comme, peu de temps après, Mme Codago devint Mme Lynn Taps, j’aime à croire que son second mari ne se trompait pas.

Récits d'un humoriste

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