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IV

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Devant lui était une grande et magnifique ville; les gens du pays l’appelaient Milano. Il y trouva un maître allemand qui lui donna du travail. Le maître était un vieux brave homme, et sa femme une bonne femme bien pieuse. Les deux vieux se prirent d’affection pour le compagnon étranger qui parlait peu, mais n’en travaillait que plus, et qui vivait honnêtement et chrétiennement.

Il semblait à Knoud que Dieu avait délivré son cœur du poids pesant qui l’oppressait. Son plus grand plaisir était de monter au Dôme, dont le marbre était blanc comme la neige de son pays. Il avançait à travers les tourelles pointues, les aiguilles et les arcades. A chaque recoin, à chaque ogive, de blanches statues lui souriaient. Au-dessus de lui il avait le ciel bleu; au-dessous, la ville, puis la plaine immense de la verte Lombardie, et tout au loin les hautes montagnes. Il pensait à l’église de Kjoegé, à ses murs rouges couverts de lierre; il y avait une bien grande différence entre elle et la cathédrale milanaise! Il ne désirait pas la revoir; il ne voulait plus retourner là-bas. C’est ici, derrière les montagnes, qu’il souhaitait d’être enterré.

Il y avait un an qu’il était en cette ville, et trois ans qu’il avait quitté sa patrie. Un jour son maître, pour le distraire, le conduisit, non aux Arènes voir les exercices équestres, mais bien au grand Opéra. La salle valait certes la peine d’être vue. Elle a sept étages de loges garnies toutes de beaux rideaux de soie. Du premier rang jusqu’au plus haut de l’édifice, des dames élégantes, parées comme si elles allaient au bal, étaient assises, avec des bouquets à la main. Les messieurs aussi avaient revêtu leur costume de cérémonie; beaucoup avaient des habits chamarrés d’or et d’argent. Il faisait clair comme en plein soleil; une magnifique musique retentissait. C’était bien plus beau qu’à la comédie de Copenhague. Mais là il y avait Jeanne.

Elle était aussi ici. Oui, on aurait dit un enchantement. La toile se lève, et voilà que Jeanne apparaît, couverte de pierreries et de soie, avec une couronne d’or sur la tête. Elle chanta comme les anges du bon Dieu savent seuls chanter. Elle s’avançait tout à fait sur le devant de la scène, et souriait comme Jeanne seule savait sourire. Elle regardait justement Knoud. Le pauvre garçon saisit la main de son maître, criant tout haut: «Jeanne!» Mais il n’y eut que le vieux qui l’entendit; la musique étouffa sa voix. Et le maître de Knoud, faisant un signe de tête affirmatif: «Oui, oui, dit-il, elle s’appelle bien Jeanne.» En même temps il tira une feuille de papier imprimé et y montra le nom... Le nom de Jeanne y était tout au long.

Non, ce n’était pas un rêve. Tous les assistants étaient transportés d’enthousiasme. Ils jetaient des bouquets, des couronnes. Chaque fois que Jeanne quittait la scène, ils la rappelaient; elle venait, disparaissait, revenait de nouveau.

Après le spectacle, les gens se pressaient autour de sa voiture. On détela les chevaux pour la traîner. Knoud y était au premier rang. Il était joyeux, affolé plus encore que les autres. Lorsque la voiture s’arrêta devant la maison splendidement éclairée où Jeanne était logée, il se plaça près de la portière de la voiture. Jeanne en descendit. La lumière tombait en plein sur son gentil visage. Elle souriait, remerciait tout le monde avec une douce grâce, était profondément émue. Knoud la regarda dans les yeux et elle le regarda aussi, mais ne le reconnut point. Un homme qui avait sur la poitrine une étoile étincelante de diamants lui présenta le bras: «Ils sont fiancés,» disait-on dans la foule.

Knoud rentra au logis et aussitôt il prépara son sac. Il voulait, il lui fallait absolument retourner dans sa patrie, auprès du sureau, auprès du saule. Ah! sous le saule, en une heure un homme peut repasser en esprit sa vie entière.

Les braves gens chez qui il demeurait le prièrent vivement de rester auprès d’eux. Tout ce qu’ils purent dire ne le retint pas. Ils lui firent remarquer que l’hiver était proche, que la neige tombait déjà dans les montagnes. «Il faut bien, répondit-il, que les voitures se frayent un passage; dans l’ornière qu’elles auront faite, je saurai trouver mon chemin. »


Le camarade de voyage

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