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AVANT-PROPOS

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La vie de Berlioz ne nous est guère connue que par les Mémoires qu'il a publiés de son vivant, non pour le vain plaisir d'écrire des confessions, mais pour laisser une notice biographique exacte qui, par le récit de ses luttes et de ses déboires, pût servir d'enseignement aux jeunes compositeurs. Aussi, tout en parlant avec détails de sa carrière d'artiste, a-t-il été sobre de confidences sur sa vie privée. Il en a omis les particularités les plus intéressantes, et, quand il en a rapporté certains épisodes, il l'a fait avec toutes les restrictions possibles, ou les a présentés sous un jour dramatique qui leur enlève leur plus grand charme, la sincérité de l'expression. A bien des égards, il lui était difficile d'agir autrement. S'il est permis à un écrivain de dissimuler des faits personnels sous la fiction du roman, il y a quelque chose de pénible à voir un homme de talent abuser de sa célébrité pour dévoiler au public l'intimité de sa vie et éparpiller devant lui le tiroir aux souvenirs. Berlioz n'a donc raconté que ce qu'il pouvait dire sans nuire à sa dignité. Mais la postérité est tenue à moins de réserve, surtout quand une existence se présente comme celle-là, toute pleine des agitations d'un caractère exceptionnel et des tourments d'un génie incompris et opprimé.

Une partie de la Correspondance de Berlioz, recueillie et publiée récemment avec un grand soin par M. Daniel Bernard, a commencé de mettre au jour nombre de points laissés dans l'ombre par les Mémoires. Mais ces lettres ne nous entretiennent encore que de ses travaux, de ses voyages. Elles ne nous révèlent pas le Berlioz entrevu dans les Mémoires: la nature fougueuse, ardente à la polémique de l'artiste, s'y répand en acerbes revendications; son cœur reste fermé, ne livre aucun des secrets qui l'agitent; son esprit ne nous fait pas assister à l'éclosion et au développement des conceptions qui le hantent.

Berlioz n'a vraiment et sincèrement ouvert son âme qu'à une seule personne, à Humbert Ferrand. Parmi tous les amis qui l'ont entouré de leur sollicitude, il ne semble pas qu'il en ait rencontré de plus dévoué; à coup sûr, c'est celui qu'il a le plus aimé. Depuis leur première rencontre, en 1823, jusqu'à sa mort, en 1869, rien n'a pu altérer la profonde affection qu'il lui portait. Eloignés l'un de l'autre par les tracas d'une carrière à faire ou par les soucis d'intérêts à soigner, ne trouvant l'occasion de se voir qu'à de rares intervalles, Berlioz et Ferrand ont dû recourir à une correspondance active et très détaillée pour se tenir mutuellement au courant des moindres incidents de leur vie. Pour Berlioz surtout, très expansif, prompt à l'enthousiasme, s'exaspérant contre les difficultés de sa position, dominé par une imagination d'une mobilité excessive, c'était là un besoin absolu. Sa correspondance avec Humbert Ferrand, embrassant presque toute sa vie, devient de la sorte une autobiographie d'autant plus intéressante qu'elle a été écrite au jour le jour, en dehors de toute préoccupation du public.

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