Читать книгу L'amour au pays bleu - Hector France - Страница 18
IV
Оглавлениеès qu'il vit cette douce étoile briller sous la tente paternelle, Mansour sentit son cœur s'amollir; et quand pour la première fois elle laissa tomber devant lui le voile de sa face, il crut contempler une des houris que le Prophète promet aux élus.
Il sortit tout agité de la tente et s'en alla, marchant sans savoir où. Il voulait cacher à tous son trouble, car il craignait qu'on ne lût sur son front les pensées qui l'agitaient.
Le lendemain, il dit à Kradidja, sa mère:
—Mère, il faut que je parte d'ici.
—Pourquoi? tu ne peux quitter la tente au moment où vient d'entrer une hôtesse nouvelle. Les noces ne sont pas finies et tu parles de partir? Veux-tu donc irriter ton père, qui supposera que l'étrangère s'est attiré ta malveillance?
—Qui pourrait croire une telle chose! Oh! plut à Dieu, ma mère, que tu me trouves une pareille épouse.
—Je te trouverai mieux, dit-elle.
Mais il secoua la tète.
Alors elle le regarda attentivement. Ce fils, elle l'aimait et l'admirait; c'était sa joie et son orgueil et elle avait pour lui toutes les coupables faiblesses des mères.
Déjà plus d'une fois, elle avait entendu quelques propos des équipées de Mansour, lorsque les femmes vont à la fontaine et se racontent les choses que les maris doivent ignorer; elle écoutait les récits et les plaintes et souriait.
Elle pensait dans son maternel égoïsme:
—Qu'il n'arrive rien de fâcheux à l'enfant; les autres, c'est leur affaire. Dieu veille sur tous; chacun veille sur soi.
Et jamais à son fils elle n'adressa un reproche; jamais elle ne dit au père: «Ton aîné suit une mauvaise voie.»
Mais cette fois, elle eut peur et, prenant la tête du jeune homme dans ses mains, l'attira sous ses lèvres:
—Enfant, oui, je le vois, il faut que tu partes. Tu iras t'asseoir sous la tente de mon frère, le caïd Abdallah; il t'inscrira au nombre des cavaliers de son goum et s'il plaît à Dieu, tu reviendras avec une épouse. Ce jour même, j'en parlerai à Ahmet; en attendant, veille sur toi, veille sur tes actes et sur tes regards. Le Prophète a dit: «Ne prenez pas les femmes qui ont été les épouses de vos frères, c'est une turpitude.» Mais il n'a pas parlé de celui qui volerait l'épouse de son père, tant est grande l'abomination.
Mansour troublé et confus voulut se récrier; alors Kradidja mit un doigt sur ses lèvres et répéta:
—Une abomination!