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Avant-Propos des Editeurs.
Оглавлениеour nos débuts, nous avons la bonne fortune d'offrir au public un livre d'Hector France; ce n'est, il est vrai, qu'une réédition, mais nous sommes fermement convaincus qu'en rééditant l'œuvre saisissante et très originale qu'on va lire, œuvre pour les délicats, comme l'écrivait M. Octave Uzanne, nous ne pouvions entrer dans l'arène sous de meilleurs auspices.
Hector France—et il nous permettra de le lui dire—n'écrit pas d'habitude pour les délicats. Ayant porté pendant dix ans le sabre et le burnous de spahis à travers les smalas d'Afrique, il a introduit dans beaucoup de ses livres la brutale franchise des gens de guerre et les gaillardises des camps. Aussi, considérons-nous comme une curiosité littéraire et comme une haute œuvre artistique l'Amour au Pays Bleu.
Notre plume n'a point autorité pour faire ici la biographie de l'auteur qui s'est taillé une large place dans la littérature française; nous rappellerons seulement Le Roman du Curé et l'Homme qui tue, ces deux ouvrages qui, du premier coup, comme l'a dit Léon Cladel dans une remarquable préface, placèrent Hector France au rang des écrivains de race.
Et, sans insister davantage, nous nous contenterons de donner quelques extraits pris au hasard parmi les critiques littéraires de toutes nuances qui signalèrent à l'attention l'Amour au Pays Bleu.
Le Pays Bleu, écrivait M. Masseras dans la Nouvelle Revue (15 novembre 1880), c'est l'Afrique, où l'on reconnaît sans peine que l'auteur a vécu longtemps et qu'il l'a étudiée dans sa langue, dans ses mœurs, dans sa vie intime. La couleur particulière, sincèrement locale, qui résulte de cette connaissance, est le caractère distinctif du livre; elle lui fait une place à part au milieu des banalités qui se multiplient en librairie, avec une profusion monotone, sous prétexte de romans. L'action porte un cachet qui n'est plus celui de notre vie européenne; les détails font pénétrer dans cette existence algérienne, dont nous avons eu tant d'esquisses superficielles et si peu de vrais tableaux. Il y a là de curieuses scènes et des descriptions d'après nature comme nous en avons rarement rencontrées et que l'auteur a su ne pas gâter par une touche trop française. Nous l'en félicitons, quoiqu'il soit....
Journal du Dimanche (supplément de l'Europe).
(Bruxelles, 16 janvier 1881).
J'ai eu, plus d'une fois déjà, l'occasion de dire tout le bien que je pense du talent d'Hector France. Il est un des rares écrivains d'une réelle valeur qui ne s'embarrassent d'aucune école et suivent droit leur chemin, s'en rapportant uniquement à leurs impressions.
Il possède, en un mot, sa manière, qui se reconnaît parmi les autres, et cette manière est faite de grâce et de force. On se souvient de l'âpreté de son premier roman, de celui qui le révéla conteur et poète, ce terrible Homme qui tue, et combien pourtant l'effroyable récit était tempéré par des qualités d'émotion pénétrante et délicate. C'est qu'avec une entente très particulière des conditions du roman, il avait su peindre l'homicide dans un beau cadre de nature, et les immolations s'y enveloppaient de splendeurs.
Une pente naturelle l'emporte, en effet, vers le drame; dès qu'il touche à l'humanité, il devient effrayant; mais il semble redouter par moments d'y descendre trop avant, et brusquement la grande paix des choses succède aux passions furieuses. Si l'on pouvait étudier un peu longuement ses livres, on y reconnaîtrait la présence d'un esprit à la fois candide et corrompu, demeuré vierge à travers les orages de la pensée, et en qui l'habitude des réalités les plus sombres n'a pas tué le rêve.
L'Amour au Pays Bleu en est une preuve nouvelle; je ne connais pas de récit qui, mieux que celui-là, porte le double caractère de rouerie froide et de jeune poésie inaltérée. Il en sort comme un parfum dangereux qui grise la cervelle, l'image troublante d'un paradis d'amour qui crève inopinément et vous laisse, désenchanté, devant d'horribles bestialités. Ici encore, sous les pleurs et la lumière, la brute humaine se déchaîne; l'ogre apparaît, immolant tout à ses convoitises: et, à longs jets, le sang coule sur les paysages. C'est le Cantique des Cantiques du rapt et du viol.
D'ailleurs, de fond et de forme, l'Amour au Pays Bleu est bien tout ce qu'on peut rêver de plus oriental: nulle part, l'homme des froides contrées septentrionales ne se décèle; la langue, fleurie et ciselée, garde, même dans la description, la netteté étincelante des centons; et l'on admire ce tour de force d'un esprit très littéraire, en regrettant un peu qu'une si rare virtuosité ne s'applique à des sujets plus rapprochés de nous. En outre, les caractères sont fortement tracés, par grands plans, sans surcharge inutile; et Mansour, dans son âpre concupiscence sénile, a même une grandeur tragique qui le met à part parmi ses pareils. Œuvre d'art luxuriant et de chaude imagination, toute semée de descriptions exquises, et qui laisse dans l'imagination la nostalgie vague des tendresses mortelles.
camille lemonnier.
Le Soleil(15 novembre 1880).
L'éditeur Alphonse Lemerre vient d'ajouter à sa collection de romans, peu nombreux, mais choisis, un livre de M. Hector France, l'Amour au Pays Bleu, qui est une sorte de poème en prose d'une intensité de couleurs et de vie remarquable. C'est en même temps, sous une forme très artistique, une histoire amoureuse des plus originales et des plus dramatiques....
Il ne faut pas oublier que nous sommes ici dans le pays de l'Islam, où les mœurs sont faites pour atténuer beaucoup certaines couleurs qui nous paraîtraient trop crues. N'est-il pas curieux qu'un écrivain de cette valeur, un poète pour tout dire, se montre assez peu soucieux de son grand talent pour oser signer quelques-uns de ces feuilletons qui, au rez-de-chaussée de certains journaux, sont des armes de guerre aussi peu sincères que peu loyales, et qui pervertissent l'imagination populaire par l'exposition de tableaux inventés à plaisir pour être mis au service des passions politiques les plus acharnées? Dans la masse de romans dont je ne signale ici que la quintessence, celui-ci tranche par son originalité et par le charme réel de la forme qui revêt la couleur vive et l'ardeur brûlante du pays bleu, c'est-à-dire de l'Algérie, où l'homme a toutes les intempérances du climat imperturbablement beau et où l'on cueille les femmes comme les fleurs, à peine écloses sur leur tige.
Ch. Canivet.
Courrier du Soir (28 novembre 1880).
En Algérie, les passions sont violentes; l'amour est fougueux; si nous ne le savions pas, le livre de M. Hector France nous l'apprendrait. Des mœurs âpres, des caractères impétueux, des scènes poignantes, voilà ce que nous offre ce livre, à chaque page. Certains tableaux ont une couleur brutale, toute primitive, dont la Bible seule nous donne l'équivalent. Telle est la vie au désert, au «pays bleu» où M. Hector France nous conduit. L'amour italien, tel que Stendhal le décrit n'est que froideur à côté de celui que respirent les fils du Souf, les enfants de Djenara, la perle des Ksours. Au reste, comme le dit fort bien le Thaleb Ali-bou-Nahr, les gens du Nord ne peuvent rien comprendre à ces amours redoutables.
La donnée est dramatique; et elle aboutit à une sévère moralité. M. Hector France a développé son sujet en écrivain qui connaît l'Algérie et qui l'aime profondément. Il n'en parle point avec le sang-froid d'un Occidental; son style se revêt d'une riche couleur orientale; et, vraiment, il nous offre certaines descriptions fort remarquables.
Cette histoire touche à la pastorale: par moments, on croit lire les scènes d'une luxuriante et barbare églogue. Si la touche est excessive, il se dégage, de plus d'un tableau, une âpre poésie. Peut-être, pour nous paraître vrai, ce livre ne pouvait-il guère être écrit autrement.
Il est fait pour ne point passer inaperçu; il est entraînant et passionné; par le temps qui court, ces défauts doivent servir à appeler l'attention du public.
Antony Valabreque.
Le Livre (décembre 1880).
Nous devons à Hector France le Roman du Curé, l'Homme qui tue et le Péché de Sœur Cunégonde. Ces œuvres ont obtenu un succès mérité dans la mesure de leur valeur. Le roman que vient de publier la librairie Lemerre surpasse, à notre sens, les précédents ouvrages du même auteur. Sans aucun doute il aura moins de succès, car plus l'art s'élève, moins il est entouré. Les plus grands romanciers modernes ne sont pas plus populaires. L'admirable auteur de la Vieille Maîtresse est connu et apprécié du petit nombre et nous voyons tous les jours des études contemporaines d'une haute supériorité dont l'unique édition s'enlève lentement. Le grand public s'inquiète peu du beau; il veut se distraire et pour son imagination le premier jouet lourdement bâti lui est bon.
L'Amour au Pays Bleu est une œuvre ensoleillée, chaude et vivante. Dans les tableaux que nous trace magistralement M. France, nous retrouvons toute la couleur d'un Fromentin et la poésie d'un Gérome. Ce roman très original nous montre la fatalité orientale d'une façon saisissante.... Canevas superbe, canevas très bien brodé avec des arabesques d'un art infini. Qu'on lise ce volume, ceci est pour les délicats.
Octave Uzanne.
République Française (17 janvier 1881).
Il y a beaucoup d'étrange et de pittoresque, beaucoup de prose, même naturaliste, en même temps que de poésie exubérante, dans cette histoire d'un Don Juan arabe débauché, très voleur de femmes et de filles, à qui l'idée vient tout à coup, comme à l'Arnolphe de Molière, d'élever une Agnès toute petite pour l'épouser plus tard, sûrement vierge de corps et de pensée. L'amour jeune, ici comme toujours, déjoue les plans du vieux séducteur, et la vengeance de ses victimes d'autrefois se lève tout à coup devant lui. La peinture des mœurs privées dans ce beau coin d'Algérie, le pays bleu, a ici un caractère nouveau et original. Le paysage y est à la fois familier et presque lyrique. On ne peut mieux définir la saveur de ce singulier livre qu'en disant qu'il fait penser à la fois au Dernier des Abencerages et à Madame Bovary. On le voit, comme mélange c'est tout à fait neuf. L'unité d'impression et de vérité y est néanmoins.
Fabrice W.
Moniteur Universel (24 novembre 1880).
M. Hector France nous a retracé un épisode terrible de la passion sous le ciel africain, ce ciel perpétuellement azuré sous lequel il a longtemps vécu, et jeté à cheval, au milieu des cavaliers rouges, les premières ébauches du roman qu'il publie aujourd'hui sans aucune de ces préoccupations politiques ou sociales qui se remarquent dans ses autres écrits. Ce sont des tableaux de la vie pastorale, les uns riants, les autres plus sombres, mais tous fortement empreints du souvenir des mœurs arabes et des aspects de cette pittoresque contrée, et auxquels un style coloré et vigoureux donne un puissant relief.
Eug. Asse.
Justice (12 décembre 1880).
Voici un nouveau livre de l'auteur de l'Homme qui tue, qui, lui, ne nous présente pas un Arabe de convention parcourant sur son légendaire coursier un désert brûlant décrit par le romancier, les pieds sur les chenets. C'est en Algérie même, sous la tente, à cheval, que M. France a jeté sur le papier les premières ébauches de son œuvre.
Le lecteur sent, dès les premières lignes, qu'on ne lui offre pas des esquisses faites de chic, mais bien de beaux tableaux que l'auteur a vus et qu'il a reproduits avec une grande puissance d'observation et d'originalité. A la vérité, l'Amour au Pays Bleu est l'œuvre d'un poète plutôt que celle d'un romancier.
A.B.
Le Pays (3 novembre 1880).
Le pays bleu, c'est l'Algérie avec son beau ciel. Rien n'y ressemble à ce que nous voyons dans nos contrées changeantes sous les diverses températures qui les éprouvent. A peindre les mœurs et les amours étranges de ce pays qu'il a habité, M. France a déployé beaucoup d'habileté; s'il cherche à passionner ses lecteurs, suivant son habitude, il se tient pourtant dans une mesure convenable et qui le met à l'abri des reproches que lui ont attirés quelques-uns de ses premiers livres.
Pellerin.
Le Panthéon de l'Industrie (14 novembre 1880).
Voici une œuvre charmante et originale, roman algérien sauvage et poétique, d'un style moitié biblique, moitié moderne, très châtié et très imagé.
C'est l'histoire d'un débauché, Mansour, espèce de Don Juan arabe qui, après avoir séduit la belle Meryem, la jeune femme de son propre père, poursuit jusque dans sa vieillesse l'idéal d'amour, et en vient à adopter une petite fille, Afsia, dont il se réserve la virginité...
Toute cette narration, écrite plutôt à la manière d'un poème que d'un roman, est entremêlée de descriptions ravissantes, quelquefois un peu risquées, mais dont l'audace est voilée d'un mysticisme oriental qui les rend pleines de charme.
En tout cas, on préférera cette littérature tout idéale aux plates et écœurantes élucubrations de l'école naturaliste.
C. George.
Le Républicain de Tarn-et-Garonne
(19 décembre 1880).
...Le Pays Bleu dont nous parle M. Hector France n'est point le pays des rêves, mais bien celui de tragiques réalités. C'est sous le ciel d'airain de l'Afrique, de cette Afrique qui est nôtre et que par cela même, peut-être, nous connaissons si peu, que se passe l'action du livre. Le héros, un type de Don Juan africain, rusé, patient, brutal, brûlé par tous les feux de la concupiscence, ne recule devant rien pour assouvir ses désirs effrénés....
L'homme tragique du festin de pierre n'a rien de plus saisissant et de plus inattendu. Telle est la donnée du livre. Ajoutez à cela un style chaud, des descriptions superbes d'une couleur toute locale, car l'auteur parle de l'Afrique en réalité, en homme qui a vu et non point en romancier d'imagination, et vous aurez une faible idée de ce livre, reflet de l'Orient dans ses amours naïves, ses emportements féroces et ses ardentes voluptés.
A.Z.
La vie Moderne (26 février 1881).
Je ne connais ni le Roman du Curé, ni l'Homme qui tue, ni le Péché de Sœur Cunégonde, et je ne puis que le regretter après la lecture de l'Amour au Pays Bleu. C'est l'œuvre d'un homme qui a déjà un talent robuste et qui en aura bien davantage, quand il se sera défait de quelques brutalités de forme, voulues peut-être, mais inutiles, à mon sens. M. Hector France est, si j'en crois la préface de son livre, un ancien spahis qui a longtemps vécu en Algérie. Je n'ai jamais rien lu de plus coloré que cet ardent poème d'amour qui se déroule au milieu des riches paysages du Tell, parmi ces paisibles habitants aux mœurs pastorales, dont, en qualité de sabre civilisateur, il a jadis été troubler la paix par de sanglantes chevauchées. M. Hector France est un écrivain de race et un conteur très attachant. J'ai lu l'Amour au Pays Bleu tout d'une traite, et je gage que vous en ferez autant, cher lecteur.
d'Artois.
C'est aussi notre avis et nous pensons que ces divers extraits, pris dans la presse parisienne, dans celle de province et de l'étranger, disent assez que nous rééditons l'œuvre d'un maître.
Cette nouvelle édition ne le cède en rien comme exécution typographique à la première et, grâce au concours de M. Godefroy Durand, le célèbre dessinateur du Graphic, nous avons pu l'illustrer d'une magnifique eau-forte.
Nous croyons donc faire à la fois œuvre utile et agréable, persuadés que le succès ne nous fera pas défaut.
Londres, le 25 mai 1885.