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I.

Table des matières

ORIGINES.

L’introduction de l’imprimerie à Niort ne remonte pas au-delà de la fin du XVIe siècle. Tandis que Poitiers possédait des presses dès 1479, Angoulême dès 1491, Tours dès 1485, Bordeaux dès 1519 et la Rochelle dès 1557, Niort, leur voisine, dont les murs n’abritaient ni université, ni évêché, ni parlement et dont les habitants étaient trop exclusivement adonnés au commerce pour aimer à faire «fleurir la graine de poésie», attendit jusqu’en 1594 l’établissement d’un atelier typographique: encore doit-on considérer l’arrivée du premier imprimeur à Niort beaucoup plus comme une conséquence des polémiques religieuses qui passionnaient alors protestants et catholiques que comme une entreprise littéraire, répondant aux besoins intellectuels de la population. Jusqu’à la fin du XVIe siècle, les presses de Poitiers et de la Rochelle suffisaient amplement à l’approvisionnement de nos foires.

Nous aurions voulu retrouver, dans les archives de notre ville ou dans les mémoires du temps, quelques traces de ces imprimeurs nomades qui mettaient leurs presses au service de quiconque voulait bien les employer, et changeaient de résidence dès que le travail venait à leur manquer. Niort dut recevoir leur visite, comme l’ont reçue à cette époque d’autres villes de la même région, mais nos recherches ne nous ont rien appris à ce sujet et nous en restons forcément réduit aux conjectures. Ce qui paraît plus certain, c’est que pendant les fréquents séjours que la reine-mère ou le roi de Navarre firent il Niort durant les guerres de religion, on imprima différents édits ou déclarations, dont nous avons retrouvé un spécimen à la Bibliothèque nationale sous le titre suivant:

Mémoires | qve le roy de | Navarre evst desire | estre considerez par Mes- | sievrs de l’assemblée n’a- | gueres conuoquee a | Bloys, en l’annee | 1588. — A Nyord, M. D. LXXXIX. Petit in-8° de 32 pp.

Bibl. nat., Lb34, 645.

Cette plaquette est-elle réellement sortie des presses d’un imprimeur établi à Niort, ou bien Henri IV l’a-t-il fait imprimer dans une ville voisine, à Poitiers, à Bordeaux ou à la Rochelle, par quelque imprimeur dévoué à sa cause, qui n’aura pas voulu mettre son nom, pour dépayser le lecteur? Les deux hypothèses sont vraisemblables, mais l’orthographe peu usitée du mot Nyord nous déciderait presque à enlever à notre ville l’honneur de ce premier produit typographique.

Dans tous les cas, si nous n’avons pas de certitude absolue sur l’existence d’imprimeurs à Niort avant 1594, nous pouvons affirmer que le commerce de livres s’y faisait avec une grande activité. Les foires de Niort étaient arrivées au XVIe siècle à une prospérité incroyable: on s’y rendait des quatre coins de la France, des Flandres, de l’Espagne et même de l’Angleterre. Les marchands y apportaient à l’envi leurs produits les plus fameux et les imprimeurs avaient leur étalage, tout comme les drapiers, les sergetiers ou les orfèvres. A cette époque, où la publicité était à peu près inconnue, c’était le seul moyen qu’avaient les éditeurs d’écouler leurs livres. Ils voyageaient de ville en ville, eux ou leurs facteurs, prolongeant leur séjour aussi longtemps que la vente restait productive et portant plus loin leurs balles et leurs tréteaux lorsque le public commençait à se fatiguer. Les plus célèbres imprimeurs employaient cette voie d’écoulement pour leurs éditions. Henri Espionne lui-même, voyant ses ressources s’épuiser après la publication de son gigantesque Thesaurus, se mit à voyager et, pour vendre ses livres, parcourut en personne la France et l’Allemagne , tandis que ses facteurs visitaient d’autres contrées. Le Poitou les voyait arriver à certaines époques, porteurs des dernières publications de leur patron ou des produits des presses les plus célèbres d’Allemagne ou de Hollande. Souvent même, au milieu des livres de théologie ou de scholastique approuvés par les docteurs de Sorbonne se glissait, perfidement dissimulé sous la reliure d’un traité mystique très orthodoxe, le dernier livre d’Ulrich de Hutten ou d’Erasme, portant aux lecteurs avides le germe des idées nouvelles qui devaient aboutir un peu plus tard à la grande floraison de la Renaissance et de la Réforme. Benjamin Fillon , avec son rare bonheur de chercheur et de curieux, avait découvert une quittance d’un de ces représentants d’Henri Estienne, O. Ferrare, délivrée à deux moines de Fontenay dont l’un devait bientôt remplir le monde lettré de l’éclat de son nom: Pierre Amy et son inséparable François Rabelais (30 juin 1519). Nous n’avons malheureusement trouvé rien de semblable pour Niort, mais il est évident que notre ville devait être, aussi bien que Fontenay, favorisée de semblables visites.

Voici du reste un document précis attestant la présence de libraires à nos foires à une époque assez reculée.

Le 6 décembre 1571, à l’issue de la foire de la Saint-André, par-devant Me Mullot, notaire, François Cibault, marchand libraire à Poitiers, cède à Marin Villepoux, marchand libraire à la Rochelle, son droit d’étalage aux halles de Niort, avec une paire de grandes armoires, tables et tréteaux lui appartenant et lui venant de son prédécesseur Jacques Bouchet, le tout moyennant la somme de cinquante livres tournois payable en marchandises de librairie à la Sainte-Agathe suivante. Pour en jouyr à perpetuité tout ainsy et par la forme et manyere qu’en ont cy devant jouy le dit Bouchet et autres .

Jacques Bouchet ayant commencé à imprimer dès 1524, on voit que cette boutique de libraire datait déjà de quelques années, et l’on peut remarquer que nous ne tenons pas compte de ces autres imprimeurs, les prédécesseurs de Bouchet, dont l’acte ne nous a pas conservé les noms.

Ajoutons aussi que notre cité hospitalière abritait parfois dans ses murs quelque ouvrier poursuivi pour infraction aux édits, ou impression d’ouvrages défendus, comme ce Symon Fabre, de Poitiers, réfugié et demeurant à Niort en 1593 , dont on a retrouvé le nom sur la garde d’un manuscrit.

Notes pour servir à l'histoire de l'imprimerie à Niort et dans les Deux-Sèvres

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