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LES GORGES DE DALUIS

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Guillaume et son château. - Le Val d’Entraunes.

Le Col de la Cayolle et le Vallon du Bachelard.

Barcelonnette.

L’axe général de la vallée est continué dans la direction de l’Ouest, mais par un caprice géographique, ce n’est plus que le lit d’un affluent. La paroi septentrionale, très escarpée, est brusquement ouverte par une coupure de la roche, et de cette porte étroite jaillit un cours d’eau dans lequel on s’accorde à reconnaître le Var supérieur, tandis que le torrent direct est désigné sous le nom de la Vaire. Dans l’une et l’autre vallée sont tracées des routes, mais la ligne du Sud-France, se dirigeant vers Digne, ne remonte que le vallon de la Vaire: un simple tramway se poursuit dans l’autre direction jusqu’à Guillaumes.

Gorges de Daluis.


Au point inférieur, où elle a été usée par le Var, la Porte est franchie par deux ponts: l’un ancien, en dos d’âne, presque ruiné, qui fut celui de l’ancien chemin, l’autre moderne et à voûte surbaissée qui donne passage à la route: encore ne l’atteint-elle que par un court tunnel.

A la tête du pont sur la rive droite, se présente le carrefour des deux voies. Celle de gauche fut d’abord l’itinéraire de la Route des Alpes par le col d’Allos avant l’ouverture du col de la Cayolle. C’est celle de droite qui est maintenant fréquentée par les auto-cars.

Le Pont de Gueydan franchi, la route tourne au Nord, remontant la rive droite du Var dans un paysage fort élargi mais sévère et déboisé. A l’horizon, quelques grands sommets commencent à se montrer: le fond du val est ravagé par les divagations du fleuve. Un assez court trajet en palier amène au village de Daluis (633 m.), après lequel la chaussée se relève. On avance vers le fond de ce berceau, et on voit les deux rives opposées très rocheuses et escarpées se rapprocher pour ne laisser entre leurs murailles qu’une étroite et sombre ouverture d’où sortent les eaux. La route qui a continué à monter arrive au sommet de cette fissure (840 m.) et alors se déroule un des enchantements majeurs du trajet. Sur un parcours d’environ huit kilomètres on est suspendu à 150 mètres au-dessus du niveau de la gorge. La faille n’est pas rectiligne et ses sinuosités, souvent coupées par des tunnels ou raccordées par des ponts, font à chaque inflexion modifier le décor. Tantôt la paroi opposée s’offre dans toute sa hauteur, laissant apercevoir les eaux vertes du Var qui se brisent au fond du gouffre, rejaillissent en écume blanche, et hurlent comme un géant captif: tantôt on est si rapproché que la vue se borne à quelques strates discordantes. Des couleurs intenses, avivées par la lumière méridionale, ajoutent à l’impression, et un tableau étrange se forme, du rouge des roches, du vert des eaux et du bléu du ciel se heurtant dans la pènombre de l’abîme. Ces gorges du Var, que l’on appelle communément gorges de Daluis du nom du village près duquel elles commencent, et pour les distinguer des gorges inférieures, sont une des plus sensationnelles merveilles des Alpes Maritimes.

Les Gorges de Daluis et le Pont des Roberts.


Troupeau à Guillaumes.


Ancien château de Guillaumes.


Guillaumes.


Comme toujours à ce défilé succède un évasement où la route s’incline pour revenir au niveau du torrent, qu’elle passe au Pont des Roberts (750 mètres d’altitude). Le vallon assez bien cultivé est tout entouré de collines verdoyantes, et bientôt on voit se dessiner sur l’horizon l’imposante silhouette du château de Guillaumes.

Marché de tout le val d’Entraunes, assis au confluent du Var et de la Tuëbi, le bourg de Guillaumes était jadis une place de guerre, fortifiée au XIe siècle par GUILLAUME II, comte de Provence, qui lui donna son nom. Le château qui le domine fut souvent habité par les successeurs de ce prince. Aujourd’hui le donjon est en ruines, il ne reste plus que quelques pans de murs des remparts, et la crainte des inondations préoccupe plus les habitants que celle des pillages. On part de là pour visiter le curieux village de Péone et pour gravir l’Observatoire du Mont Monnier (2818 mètres), mais il est peu probable que ce chef-lieu de canton devienne jamais un centre de villégiature.

La vallée du Var, en amont de Guillaumes.


En quittant Guillaumes, la route continue de remonter la rive gauche du Var qui se tourne vers l’Ouest; la partie supérieure de la vallée prend alors le nom de Val d’Entraunes. L’alternance de berceaux et de gorges que nous avons observée depuis Colomas cesse désormais et fait place à la physionomie ordinaire d’un vallon de montagne plus capricieusement mameloné. Après le détour de la Barlatte on traverse Villeneuve d’Entraunes (940 m.) puis on passe le torrent pour venir en suivre la rive droite. On arrive bientôt à St-Martin d’Entraunes (1055 m.) dont les maisons se perdent au milieu des noyers. Il faut, au passage, donner un coup d’œil à l’église assez ancienne, ornée d’un cadran solaire portant la curieuse inscription: Me sol, vos pastor regit. Sur la porte sont gravées les armes des Templiers. L’intérieur renferme une curieuse chaire rustique, et un tableau sur bois d’un primitif niçois.

Le paysage de cette partie de la vallée est gracieux, et les pentes qui avoisinent St-Martin sont plus boisées que celles de la région inférieure.

La route se poursuit sur la rive droite avec d’agréables aperçus vers les cimes qui commencent à grandir, on découvre le clocher d’Entraunes, et en 7 kilomètres de St-Martin, on atteint ce centre important d’Alpinisme et de villégiature (1280 m.). Admirablement situé au confluent du Var et du torrent de Bourdou, dans un site des plus verdoyants, il fournit à ses visiteurs une ample moisson de promenades, d’excursions et d’ascensions. Il sert de point de départ pour gravir les difficiles Aiguilles de Pélens (2685 m.), la Tête de l’Encombrette (2832 m.), la Roche Grande (2751 m.), la Cime de l’Aspre, etc., on en rayonne par le Col des Champs vers Colmars, par le Col de Pal vers St-Étienne de Tinée, aussi est-il l’objet d’une vogue sans cesse grandissante.

Eglise de Saint-Martin d’Entraunes: Retable par Bréa.


En amont d’Entraunes le profil général de la vallée prend une pente plus accentuée et la route décrit de nombreux contours pour s’élever jusqu’à la terrasse sur laquelle est perché le hameau du Villard: elle était passée sur la rive gauche par le pont de Crouas, elle y longe une belle forêt de mélèzes, puis elle reprend par le pont St-Roch la rive droite où elle décrit un grand lacet pour compenser les rapides et cascades du Var.

On côtoie les chalets de St-Sauveur. ou Esteng-le-Bas: à l’Ouest on admire la belle cascade de l’Eiglière qui se précipited’une notable hauteur, venant de la Grande Tour du lac d’Allos.

La route, en continuant à s’élever, vient toucher au village de l’Esteng (1780 m.) étagé sur le versant méridional d’un mamelon herbeux. C’est l’agglomération pérenne la plus élevée de la région, et elle ne comprend qu’une quinzaine de maisons. Encore une forêt de mélèzes, la dernière de ce versant, puis auprès de la chapelle de la Trinité (1789 m.) on entre dans la région pastorale. La vue devient plus étendue et plus intéressante pour l’alpiniste.

Certains contours dans de belles prairies fournissent un spectacle admirable sur les grandes cimes rocheuses qui encadrent la naissance de la vallée.

De ci, de là, divers plissements, divers vallons supérieurs se sont ramifiés à droite et à gauche apportant chacun son tribut au cours d’eau, mais vers l’altitude de 1800, on arrive à la divergence principale considérée comme formant la source du Var. Dans un replat, au pied de la Tête de Gorgias le ruisseau du Garret se joint à celui du Colombier qui dégringole du Col de Sanguinières (2597 m.) et s’est grossi d’une fontaine abondante auprès des chalets des Sanguinières. Le sentier qui remonte à ce col ouvrirait entre la Tête de la Sanguinière et le Pic (2712 m.) un accès supplémentaire vers Bayasse. Les lacets de la route se prononcent au contraire dans le vallon de Garret: le site devient plus ingrat, plus sauvage, et au 137me kilomètre on se trouve sur le Col de la Cayolle (2352 m.).

Entraunes.


Cette dépression rocailleuse, comprise entre le Sommet du Garret et l’Eschillon (2710 m.) s’ouvre sur l’arête qui sépare le bassin du Var de celui de l’Ubaye, et on en jouit vers le Sud d’une perspective très mouvementée s’étendant jusqu’aux abords de Guillaumes et de Daluis. La vue au Nord est plus sévère et ne porte que sur un berceau pierreux assez pauvre, dominé par les pointes du Chevalier (2889 m.) et de Cairebrun (2828 m.).

Cascade du Var.


La descente se prononce de suite dans ce cirque et quelques lacets pressés y amènent rapidement le voyageur. Au cours de ce trajet, certaines inflexions permettent de voir sur la gauche, comprise entre le Sommet du Garret et le Mont Pelat, l’échancrure du Col de la Petite Cayolle (2643 m.), qui conduirait à Allos par le vallon de Chadoulin.

Les crêtes rocheuses environnantes s’élèvent graduellement, l’empire des rocailles cède la place à la prairie et la route ayant toujours sa direction générale vers le Nord, passe à la cabane de l’Eschillon et arrive aux chalets de Juise (1890 m.). La descente s’est tracée au travers de mamelons herbeux entrecoupés de petits lacs qu’encadrent des pentes d’éboulis et des sommets escarpés dont les crêtes se maintiennent à l’altitude moyenne de 2800 mètres. Ce berceau original du vallon du Bachelard respire une austérité de haute montagne, et quand on se trouve vers le hameau de Bayasse (1797 m.) au point où le ravin descendant du Col de la Moustière se raccorde à celui de la Cayolle, on éprouve à la vue de ses maigres cultures un certain soulagement. Ce cirque supérieur du Bachelard accolé à celui de la Tinée et voisinant avec ceux du Lauzanier, se trouve à l’un des nœuds les plus tourmentés de la dorsale alpestre, non loin de la cime frontière de l’Enchastraye (2956 m.) et des pics les plus élevés de la région des Alpes Maritimes. Aussi le vallon qui en dérive est resserré comme dans un étau entre deux hautes murailles parallèles, celle du Midi courant du Cimet (3022 m.) au Pichs et au Cheval de Bois (2841 m.), celle du Nord passant au Signal de Ventebrun (2853 m. et 2755 m.) à celui de Terres Pleines (2778 m.), au Col de Fours (2319 m.), au Chapeau de Gendarme (2687 m.) et au Pain de Sucre (2563 m.).

Source du Var.


Cascade du Bachelard.


A partir de Bayasse, le vallon, sur la rive droite duquel se dessine la route, commence à s’infléchir vers l’Ouest et l’on rencontre de nombreux hameaux: les Cordiers, les Bellons, les Dauriers, les Ricouds, les Longs, les Girards, les Maurels, jusqu’à ce que l’on parvienne au chef-lieu de la commune, Fours St-Laurent, (1660 m.).

Toujours sur les pentes de la chaîne septentrionale, la route est tracée en dessous du Villard des Amauds, elle passe au Villard d’Abas, puis elle voit cesser la terrasse favorable aux cultures, et elle atteint une région plus étroite où les pentes garnies de forêts plongent jusqu’au lit du torrent. Quand elle a achevé de contourner la base du Pain de Sucre, la gorge s’infléchit à nouveau et reprend la direction du Nord. Sur la rive gauche on aperçoit à une grande hauteur le sillon de la route du col d’Allos, puis on approche du torrent et on retrouve les cultures au village d’Uvernet (1210 m.).

En deux kilomètres on arrive à l’ouverture du vallon, à la jonction avec la route d’Allos et on débouche dans la riante vallée de l’Ubaye. Un virage à l’Est, et deux kilomètres de palier vous amènent à un pont sur l’Ubaye et à la petite ville de Barcelonnette (1133 m. d’altitude — 167 km.).

La dernière des sous-préfectures de France, qui ne soit pas encore desservie par le chemin de fer, ne présente pas l’aspect triste de la plupart des petites villes de montagne. Bien abritée des vents du Nord par les contreforts de la Grande Épervière (2389 m.), largement épanouie au Midi où le recul des montagnes environnantes lui dispense largement l’air et le soleil, elle jouit d’un climat beaucoup plus tempéré que ne le ferait supposer sa hauteur et c’est vraiment une petite Provence. Elle s’orne de nombreuses villas luxueuses, car les enfants du pays s’expatrient volontiers; un beau livre de M. E. Chabrand, les Barcelonnettes au Mexique, nous apprend les efforts méritoires et continus grâce auxquels ont été fondées de prospères maisons de commerce et d’exportation, dont les directeurs enrichis reviennent jouir au berceau natal de fortunes bien acquises.

Troupeau au col de la Cayolle.


La route des Alpes françaises

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