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LE LOUP ET LE CHIEN.
Un loup n’avoit que les os et la peau,
Tant les chiens faisoient bonne garde;
Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli[1], qui s’étoit fourvoyé par mégarde. L’attaquer, le mettre en quartiers, Sire loup l’eût fait volontiers: Mais il falloit livrer bataille, Et le mâtin étoit de taille A se défendre hardiment. Le loup donc l’aborde humblement, Entre en propos, et lui fait compliment Sur son embonpoint, qu’il admire. Il ne tiendra qu’à vous, beau sire, D’être aussi gras que moi, lui repartit le chien. Quittez les bois, vous ferez bien: Vos pareils y sont misérables, Cancres, hères et pauvres diables, Dont la condition est de mourir de faim. Car, quoi? rien d’assuré! point de franche lippée! Tout à la pointe de l’épée! Suivez-moi, vous aurez un bien meilleur destin. Le loup reprit: Que me faudra-t-il faire?— Presque rien, dit le chien: donner la chasse aux gens Portant bâtons et mendiants; Flatter ceux du logis, à son maître complaire: Moyennant quoi votre salaire Sera force reliefs[2] de toutes les façons, Os de poulets, os de pigeons; Sans parler de mainte caresse. Le loup déjà se forge une félicité Qui le fait pleurer de tendresse. Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé. Qu’est-ce là? lui dit-il.—Rien.—Quoi! rien?—Peu de chose.— Mais encor?—Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause.— Attaché! dit le loup: vous ne courez donc pas Où vous voulez?—Pas toujours; mais qu’importe?— Il importe si bien que de tous vos repas Je ne veux en aucune sorte, Et ne voudrois pas même à ce prix un trésor. Cela dit, maître loup s’enfuit, et court encor.