Читать книгу Du Culte de la Sainte Vierge dans l'Église catholique - John Henry Newman - Страница 3
PRÉFACE
ОглавлениеC’est en l’année 1865 que Newman écrivait la lettre dont nous publions une traduction nouvelle. Elle était datée de l’Oratoire de Birmingham, en la fête de saint Ambroise, 7 décembre, et avait pour titre: Lettre adressée au Rev. E. B. Pusey, à l’occasion de son «Eirenicon ». Dans l’Eirenicon, ouvrage publié au mois de septembre de la même année, Pusey, devenu alors le représentant le plus autorisé des ritualistes, s’efforçait de prouver que l’Église anglicane appartient à l’Église universelle, à laquelle elle est unie au moins spirituellement. Il montrait que les XXXIX articles peuvent s’interpréter dans un sens catholique, et indiquait les points sur lesquels portent les difficultés entre Catholiques et Anglicans; il appelait enfin les membres des deux Églises à conclure la paix, d’où le nom d’Eirenicon, ou livre de paix . Parmi ces difficultés, Pusey s’en prend surtout au culte de Marie. «On se ferait difficilement une idée, dit M. Thureau-Dangin, des préventions qui troublaient et obscurcissaient sur ce sujet cette conscience si droite; il y voyait le principal obstacle à la réunion, et il répétait volontiers que cela avait été pour lui une véritable croix. Il se lance donc dans une charge à fond contre la Mariolâtrie, dénonçant pêle-mêle les exagérations d’une dévotion mal entendue et non autorisée, et les confondant avec ce qui était le développement et la manifestation légitimes de la piété chrétienne. A voir la vivacité et l’amertume de plusieurs de ses critiques, qui blessent la dévotion catholique dans ses parties les plus sensibles, on oublie vraiment le dessein d’union que se proposait l’auteur, et l’on peut croire qu’il a voulu surtout flatter et exciter la passion protestante .»
Nous n’avons pas à parler ici de l’accueil fait à ce livre de l’Eirenicon tant parmi les protestants que parmi les catholiques; on en trouvera le récit dans l’auteur que nous venons de citer. C’est surtout l’opinion de Newman qui nous intéresse, et l’on peut dire que c’est celle qu’attendait avec le plus d’anxiété et de curiosité l’auteur même de l’Eirenicon et le public anglais. La première impression de Newman fut pénible; il sentit que les catholiques seraient blessés par ces attaques contre la dévotion catholique, surtout contre le culte de la sainte Vierge, attaques qui du reste ne devaient pas désarmer les protestants. Il écrivit à Pusey: «Il est vrai, trop vrai, que votre livre m’a désappointé. Il me semble qu’il a été improprement nommé un Eirenicon.» Cependant il n’avait pas d’abord l’intention de répondre au manifeste de Pusey. Mais quand il vit l’importance que prenait la controverse, les polémiques que soulevait l’Eirenicon chez les catholiques et chez les protestants, il pensa qu’il ne pouvait garder le silence, et publia sous forme de lettre à Pusey la brochure que nous présentons ici au public. Ce mémoire peut être considéré comme une étude sur le culte de Marie dans l’Église catholique, d’où le titre que lui a donné son premier traducteur: Du Culte de la sainte Vierge dans l’Église catholique, et que nous lui avons conservé . La traduction parue en 1866 est aujourd’hui épuisée, et l’éditeur nous a demandé de la revoir. Le nouveau traducteur, Dom H. Cottineau, tout en s’acquittant avec le plus grand soin de sa tâche, n’a eu qu’assez peu à corriger, car la traduction de M. Georges du Pré de Saint-Maur était très exacte. Un travail plus difficile, et que le premier traducteur avait à peu près négligé, était de reviser et d’identifier les notes, dont Newman n’a pas toujours indiqué la source, et de les compléter par des rapprochements et des renvois à ses autres ouvrages.
Ainsi corrigée et présentée au public, cette édition a quelques chances, pensons-nous, d’être accueillie avec sympathie. Les ouvrages de Newman ont justement acquis dans ces dernières années, en France, une grande célébrité, encore que les bases sur lesquelles est assis le jugement que nos compatriotes portent sur lui soient assez étroites; on n’a guère en effet traduit de Newman en notre langue que le Développement de la doctrine, son roman de Callista, des méditations et quelques œuvres de polémique. Son traité sur le culte de Marie semble rentrer au premier aspect dans cette dernière catégorie; ce n’est qu’une œuvre de circonstance, mais qui a conservé toute son actualité, car la situation n’a pas essentiellement changé. Il existe encore un parti nombreux et puissant en Angleterre qui garde jalousement les positions de Pusey. La démonstration de Newman n’a rien perdu de sa force.
De plus, dans cette étude, comme dans toutes ses autres œuvres, le grand cardinal s’est élevé au-dessus des chicanes d’une polémique mesquine. Ses pages sur la dévotion catholique, sur la distinction entre la foi et la dévotion, sur la condition de la réunion des Églises, sur l’esprit catholique, sur l’interprétation de la Bible, sur le développement du dogme, seront encore lues avec profit par nos contemporains.
Peut-être quelques lecteurs trouveront-ils exagérés les scrupules de Newman au sujet de certaines effusions de la piété catholique envers la sainte Vierge. Mais il ne faut pas oublier que l’auteur s’adresse à des protestants qu’il veut convaincre, et il prend à tâche de leur montrer les limites exactes dans lesquelles se renferme l’enseignement catholique obligatoire, et en deçà desquelles on ne peut pas reculer; il ne nie pas qu’il soit permis à une dévotion ardente de les dépasser sans danger .
Mais dans l’ensemble, on admirera cette exposition éloquente de la dévotion à Marie, cette connaissance des Pères, ce mouvement, cette chaleur, cette solidité d’argumentation qui faisaient de Newman un controversiste si redoutable, et qui affirment, dans l’espèce, sa grande supériorité sur Pusey. N’est-ce pas le cas de rappeler que Pie X, dans sa lettre récente à l’évêque de Limerick, qu’il remerciait d’avoir défendu Newman contre d’injustes attaques, recommandait sa doctrine aux fidèles ? En réalité, et comme dans presque tous ses ouvrages, c’est une page de sa vie et de ses croyances, que nous raconte ici Newman. Toutes les objections de Pusey sur la sainte Vierge avaient été les siennes; elles étaient tombées une à une, à la suite de l’étude plus approfondie de la tradition catholique, et de prières plus ferventes. C’est ce qui donne à son mémoire ce ton de conviction et d’émotion qui gagne la sympathie du lecteur.
D’une force si probante contre ses anciens coreligionnaires, la lettre à Pusey ne sera pas inutile à nos contemporains qui se tiennent au courant des polémiques théologiques. C’est hier encore que sous un nom d’emprunt et sous des apparences d’érudition, s’étalaient des attaques plus ardentes et plus radicales que celles de Pusey, contre la virginité et les autres privilèges de Marie. La grande parole de Newman vient à son heure pour répondre à ces objections.
F. C.
Farnborough, avril 1908.