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III

Table des matières

Doctrine des Catholiques sur la sainte Vierge et leur dévotion envers elle

Je commence par faire une distinction propre à lever bien des difficultés, que rencontrent ordinairement ceux qui se livrent à cette étude: je veux dire, la distinction entre la foi et la dévotion. J’admets pleinement que la dévotion envers la sainte Vierge a grandi chez les catholiques dans le cours des siècles; je n’admets pas que la doctrine qui la concerne ait reçu aucun accroissement; car je crois qu’elle est, en substance, restée une et identique depuis l’origine.

Par la foi, j’entends la règle de la foi et l’adhésion à cette règle; par la dévotion, j’entends le culte religieux qui est dû aux objets de notre foi, et les pratiques de ce culte. La foi et la dévotion sont distinctes, en fait tout autant qu’en théorie. Assurément nous ne pouvons être dévots sans avoir la foi, mais nous pouvons croire sans avoir des sentiments de dévotion. Tout homme a constaté ce phénomène et en lui-même et dans les autres; et nous l’éprouvons toutes les fois que nous parlons de réaliser une idée, ou de ne pas la réaliser.

On peut expliquer ceci, avec plus ou moins d’exactitude, à l’aide de ce que nous voyons dans le monde. Par exemple, qu’un auteur ou un homme public, soit tenu pour grand pendant de longues années; il pourra bien y avoir dans sa popularité un accroissement, une vogue, un flux et un reflux. Et, quand il obtient une place durable dans l’estime de ses concitoyens, il peut n’y monter que lentement, ou bien y être au contraire élevé tout d’un coup. L’idée que Shakespeare était un grand poète a existé de très bonne heure dans l’opinion publique; il y avait au moins alors un certain nombre d’hommes le comprenant aussi bien et l’honorant autant que peut le faire maintenant la nation anglaise. Cependant il est aujourd’hui, je crois, l’objet d’un culte national tel qu’il n’en a jamais existé. Cela vient de ce que, l’éducation se répandant progressivement dans les masses, il se trouve un plus grand nombre d’hommes capables de pénétrer son génie poétique, de l’approfondir et de le juger; cependant dès le principe, il a exercé sur la nation une influence très grande, quoique insensible, comme on peut le constater par le nombre infini de ses pensées et de ses paroles passées presque en proverbes parmi nous. De même, dans la philosophie, dans les arts et les sciences, de grandes vérités, de grands principes ont été souvent connus et admis pendant longtemps; mais, soit faiblesse d’intelligence chez ceux qui les accueillaient, soit circonstances extérieures purement accidentelles, il n’en a pas été tenu compte. C’est ainsi que les Chinois, dit-on, ont, de temps immémorial, connu les propriétés de l’aimant et l’ont utilisé pour leurs expéditions sur terre, sans l’employer sur mer. Les anciens également connaissaient ce principe, que l’eau prend toujours d’elle-même son niveau; mais ils semblent avoir tiré peu de parti de cette connaissance. Le principe de l’induction était familier à Aristote; cependant il était réservé à Bacon de le développer dans une philosophie expérimentale. Des exemples de celte nature, bien que tous ne soient pas complètement justes, servent à faire ressortir la distinction sur laquelle j’insiste, entre la foi et la dévotion. C’est comme la distinction entre la vérité objective et la vérité subjective.

Le soleil du printemps devra briller bien des jours avant de pouvoir fondre la gelée, pénétrer le sol, et faire pousser les feuilles: pourtant il brille dès le principe, quoiqu’il ne fasse sentir son action que peu à peu. C’est un seul et même soleil, bien que son influence grandisse de jour en jour. Ainsi, dans l’Église catholique, il n’y a qu’une Vierge-mère, toujours la même du commencement à la fin, et les catholiques peuvent toujours la reconnaître; mais leur dévotion envers elle peut, en dépit de cette reconnaissance, être faible en tel temps et en tel lieu, puis surabondante en tel autre temps, ou en tel autre pays.

Cette distinction frappe forcément le converti comme une particularité de la religion catholique, dès qu’il adopte son culte. La foi est partout une, partout la même; mais une grande latitude est laissée au jugement et à l’inclination de chacun, en matière de dévotion. Entrez dans une église; vous en trouverez la preuve dans les divers groupes de fidèles qui y sont rassemblés. L’édifice est dédié au Dieu Tout-Puissant, sous l’invocation de la sainte Vierge, ou de quelque saint, ou encore de quelque mystère divin, comme la Trinité ou l’Incarnation, ou de quelque mystère se rapportant à la sainte Vierge. Peut-être il y a dans cette église sept autels du plus, dédiés eux-mêmes à plusieurs saints. En outre il y a des fêtes propres à certains jours; enfin, pendant la célébration de la messe, chacun de ceux qui entourent le prêtre a ses dévotions particulières à l’aide desquelles il suit la cérémonie. Nul ne s’occupe de son voisin; s’accordant en quelque sorte à différer, ils poursuivent isolément un même but; et ils se présentent devant Dieu par des voies distinctes, quoique convergentes. Puis il y a des confréries attachées à l’église, celle du Sacré-Cœur, ou du Précieux-Sang; des associations de prières pour la bonne mort, pour le repos des défunts, pour la conversion des païens; des dévotions attachées au scapulaire brun, bleu, rouge; sans parler des grands rites ordinaires observés pendant les quatre saisons, de la présence perpétuelle du saint Sacrement, de la cérémonie fréquente de la bénédiction, et de l’exposition extraordinaire des Quarante-Heures. Ou bien encore parcourez des manuels de prières, comme la Raccolta, et vous y verrez à la fois le nombre et la variété des dévotions que chaque catholique a la faculté de choisir, selon son goût religieux et son désir d’édification personnelle.

Or ces diverses façons d’adorer Dieu ne nous sont pas venues en un jour, ni des Apôtres seulement; elles sont le produit des siècles; et de même que dans le cours des temps il y en a qui prennent naissance, il y en a d’autres qui déclinent et meurent. Les unes sont locales, en mémoire de quelque saint, qui peut être l’apôtre, le patron, ou la gloire de la nation, ou bien qui est enterré soit dans l’église, soit dans la ville où se trouve l’église; et ces dévotions nécessairement ne peuvent dater que du jour de la mort ou des funérailles de ce saint en cet endroit. Les premières de ces observances sacrées, antérieures de beaucoup à ces souvenirs nationaux, furent les honneurs rendus aux Apôtres, puis aux martyrs. Pourtant il y avait des saints plus rapprochés de Notre-Seigneur que les Apôtres ou les martyrs; mais comme si ceux-là avaient été perdus dans le rayonnement de sa gloire, et parce qu’ils ne s’étaient pas manifestés durant leur vie par des œuvres extérieures en dehors de lui, il en résulta que, pendant longtemps, ils furent l’objet de moins d’attention. Mais, dans la suite des temps, les Apôtres, puis les martyrs, exercèrent moins d’influence que d’abord sur l’esprit populaire; les saints locaux, nouvelles créations du pouvoir de Dieu, leur furent substitués, ou encore des saints de quelque ordre religieux établi çà ou là. Puis, à mesure que succédèrent des temps relativement calmes, les méditations pieuses de quelques saints personnages et leur commerce mystérieux avec le ciel exercèrent peu à peu de l’influence au dehors, et pénétrèrent dans la foule des chrétiens par la prédication et les cérémonies de l’Église. Enfin se levèrent dans le firmament de l’Église ces astres lumineux, plus importants, plus augustes que tout ce qui les avait précédés, et qui se levaient tard, précisément parce qu’ils rayonnaient d’une splendeur particulière. Ces noms, dis-je, qu’au premier abord on aurait pu s’attendre à voir entrer promptement dans la dévotion des fidèles, peuvent avec plus de raison avoir été attendus à une époque plus reculée; et en effet ils viennent tard actuellement. Saint Joseph en est l’exemple le plus frappant; il nous offre l’exemple le plus clair de la distinction qui existe entre la doctrine et la dévotion. Qui, par ses prérogatives et par les témoignages qui nous en font foi, eut jamais plus de droit que lui a recevoir de bonne heure l’hommage des fidèles? Proclamé saint par l’Évangile, père nourricier de Notre-Seigneur, il fut dès le commencement un objet de foi absolue et universelle pour le monde chrétien; et cependant la dévotion envers lui est relativement récente. Quand elle commença, les hommes s’étonnèrent qu’on n’y eût pas songé plus tôt; maintenant, ils placent saint Joseph à côté de la sainte Vierge dans leur vénération et leur pieuse affection.

Pour ce qui est de la sainte Vierge, je laisserai de côté la question de dévotion, et je commencerai par étudier ses prérogatives dans la doctrine de l’Église non divisée, pour me servir de votre langage polémique.

Du Culte de la Sainte Vierge dans l'Église catholique

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