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Introduction

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Quiconque souhaite l’union de la chrétienté, après ses nombreuses et longues divisions, ne peut que se réjouir, mon cher Pusey, en voyant, par votre récent ouvrage, que vous découvrez enfin la possibilité de nous faire des propositions précises pour atteindre ce grand but, et que vous êtes en mesure de dire à quelles conditions, sur quelles bases, vous pouvez y coopérer. Il n’est pas nécessaire que nous soyons d’accord avec vous sur les détails de votre plan, ou sur les principes qu’il implique, pour nous réjouir à la nouvelle qu’avec votre connaissance personnelle de l’Église anglicane et de ses tendances, vous croyez venu le moment où vous et vos amis pouvez sans imprudence vous appliquer à une telle entreprise. Fussiez-vous même isolé de cette Église, une sentinelle sur une tour élevée dans une métropole d’opinion religieuse, nous vous entendrions naturellement avec intérêt annoncer l’état du ciel et la marche de la nuit, les étoiles qui se lèvent, ou les nuages qui s’amoncellent, les chances d’avenir des trois grands partis que l’Anglicanisme renferme dans son sein, et l’action exercée sur chacun d’eux par la science ou les événements politiques du jour. Vous n’abordez pas ces questions: mais le pas que vous faites donne évidemment la mesure et la conclusion de l’opinion à laquelle vous êtes arrivé sur leur ensemble.

Mais vous n’êtes pas simplement un individu: dès votre première jeunesse, vous vous êtes dévoué à l’Église établie: et après quarante à cinquante ans de travail incessant à son service, vos racines et vos branches s’étendent sur tous les points de son vaste territoire. Plus que personne au monde, vous avez été l’agent assidu et infatigable d’une grande œuvre accomplie dans son sein, et, contrairement à ce qui arrive d’ordinaire, vous avez de votre vivant obtenu, comme vous l’aviez mérité, la confiance de vos frères.

Vous ne pouvez parler pour vous seul: vos antécédents, votre influence actuelle, nous sont un gage que la décision que vous pourrez prendre deviendra la décision d’une multitude. D’autres groupes nombreux dont on ne saurait précisément vous appeler l’organe, seront ébranlés par votre autorité ou vos arguments; d’autres encore, d’une école plus récente que la vôtre, et qui à la vérité ne sont pas vos adhérents, mais qui, par celte seule raison qu’ils vous ont dépassé de leurs discours et de leurs démonstrations en notre faveur, vous accepteront en cette occasion pour leur interprète. Il n’existe nulle part, ni parmi nous, ni dans votre propre Église, ni, je suppose. dans l’Église grecque, personne qui puisse agir sur une réunion d’hommes aussi nombreux, aussi vertueux, aussi capables, aussi instruits, aussi zélés, que ceux sur lesquels s’étend plus ou moins votre influence: et je ne puis leur faire un plus grand compliment que de leur dire qu’ils devraient tous être catholiques, ni leur rendre un service plus affectueux que de prier pour qu’ils le deviennent un jour. Je ne saurais non plus, j’en suis certain, m’employer à une tâche plus agréable au divin Maître de l’Église, ni mieux montrer ma fidélité et ma soumission respectueuse envers son Vicaire sur la terre, qu’en m’efforçant de contribuer, si faiblement que ce soit, à l’accomplissement d’une si grande œuvre.

Je sais quelle serait la joie de ces hommes consciencieux, dont je viens de parler, s’ils ne faisaient qu’un avec nous. Je sais de quels transports spontanés leurs cœurs bondissent à la pensée de l’union, et quelle est l’ardeur de leurs aspirations vers ce grand privilège dont ils sont privés: la communion avec le siège de Pierre, avec son présent, son passé, son avenir. Je le conjecture d’après ce que je sentais moi-même, quand j’étais encore dans l’Église anglicane. Je me rappelle à quel point je me sentais hors de la famille, quand je prenais sur les rayons de ma bibliothèque les volumes de saint Athanase ou de saint Basile, et que je me mettais à les étudier; comment, au contraire, quand je fus entré dans la communion catholique, je les baisais avec délices, sentant bien qu’en eux je retrouvais beaucoup plus que tout ce que j’avais perdu; et comment je disais à ces pages inanimées, croyant parler directement aux illustres saints qui les ont léguées à l’Église: «Maintenant vous êtes miens, et je suis maintenant vôtre, sans méprise possible.» Telle serait, j’imagine, la joie de ceux dont je parle, si, en s’éveillant un matin, ils se trouvaient régulièrement en possession des traditions et des espérances catholiques, sans violence à leur propre sentiment du devoir. Et certes je serai le dernier à dire qu’une telle violence puisse être en aucun cas légitime, que les droits de la conscience ne sont pas souverains, ou que personne puisse transgresser ce que sa raison lui fait envisager comme l’ordre de Dieu, pour rendre par là sa marche plus facile ou son cœur plus léger.

Je serai le dernier à accuser cette déférence jalouse à la voix de notre conscience, quelque jugement que les autres puissent par suite porter contre nous; et cela, par cette raison que le cas qui est aujourd’hui le leur a été le mien, vous le savez. Vous n’avez pas oublié les dures paroles qu’on disait contre nous, il y a vingt-cinq ans, et que dans notre cœur nous savions ne pas mériter. Ce souvenir me met aujourd’hui dans la position de la reine fugitive que nous montre un texte bien connu: «Haud ignara mali» ; elle avait appris à sympathiser avec ceux qui étaient les héritiers de sa destinée errante. Il y avait des prêtres, des hommes vénérables, dont le zèle dépassait le savoir et qui, par suite s’exprimaient hardiment, quand ils se fussent montrés plus sages en suspendant un jugement défavorable à ceux qu’ils devaient bientôt accueillir comme des frères dans leur communion. Nous nous trouvions alors dans une situation pire que celle où vos amis se trouvent aujourd’hui, car nos adversaires livraient à la presse leurs jugements les plus sévères contre nous. Un d’eux s’exprimait en ces termes, dans une lettre adressée à l’un des évêques catholiques:

«Croire que cette crise d’Oxford soit un

«pas vers le Catholicisme m’a toujours paru

«une véritable illusion... J’ai vu dans

«M. Newman, le Dr Pusey et leurs associés, «des guides rusés et artificieux, bien qu’in- «habiles... Le baiser de M. Newman serait «pour nous le baiser du traître... Mais le trait «le plus frappant de la méchante rancune de «ces hommes, c’est que leurs calomnies nous «sont prodiguées souvent au moment où «nous aurions lieu de penser que l’objet «même de leurs traités ôte toute occasion à «leurs injures. Les trois dernières publica- «tions (des Tracts for the Times) m’ont «ouvert les yeux sur l’astuce et la duplicité, «ainsi que sur la malice des membres de la «Convention d’Oxford... Si les Puséistes «doivent être les nouveaux apôtres de la «Grande-Bretagne, les espérances que je «nourrissais pour mon pays s’éteignent, et «l’avenir est sombre... Jamais je n’aurais «consenti à entrer en lice contre cette «étrange association,... si je n’avais compris «que mon supérieur à moi était en garde «contre la perfidie et la trahison de ces «hommes... J’accuse le Dr Pusey et ses amis «de haïr mortellement notre religion... Que «penserait le Saint-Siège, Monseigneur, des «œuvres de ces Puséistes?...»

Un autre prêtre, converti lui-même, écrivait:

«A mesure que nous voyons de plus près

«le Catholicisme, notre respect et notre

«amour augmentent, et notre violence s’éva-

«nouit: mais, parmi eux (les Anglicans), la

«majorité devient plus furieuse, à mesure

«qu’ils affectent d’imiter Rome: c’est là une

«preuve manifeste de leurs desseins... Je ne

«les crois pas plus rapprochés du seuil de

«l’Église catholique, que ne le sont les pré-

«dicateurs méthodistes et évangéliques les

«plus remplis de préjugés... Tel est, Mon-

«sieur, l’aperçu de mes opinions sur le

«mouvement d’Oxford.»

Je ne dis pas qu’une telle opinion sur nous ne fût pas naturelle. Et, pour ce qui est de moi, je confesse volontiers que j’avais tenu au sujet de l’Église un langage tel que je n’avais aucun droit à être épargné par les Catholiques. Mais, après tout, et en fait, ils se trompaient dans leurs prévisions, et leurs frères alors ne furent pas d’accord avec eux. Le Dr Wiseman, en particulier (il était alors évêque coadjuteur), conçut de nous une idée plus haute et plus généreuse, et le Saint-Siège n’intervint pas, bien que l’auteur d’un de ces passages fit appel à son jugement. L’événement prouva que la ligne de conduite la plus circonspecte était la plus intelligente; et, à son lit de mort, un évêque, qui avait pris parti contre nous, m’envoya, par excès de charité, l’expression du chagrin qu’il éprouvait de m’avoir méconnu dans le passé. Une conscience qui se trompait, mais à laquelle j’avais fidèlement obéi, m’avait, par la miséricorde de Dieu, amené à la vérité avec le temps.

Je reconnais donc pleinement les droits de la conscience en cette matière. Je ne vous fais aucun reproche d’avoir établi, aussi complètement que possible, les difficultés qui se dressent quand vous pensez à vous joindre à nous. Je ne puis m’étonner que vous commenciez par stipuler les conditions de l’union, bien que je ne puisse y adhérer, et que je pense qu’un jour vous serez vous-même heureux de les abandonner. Des observations telles que les vôtres étaient nécessaires pour engager le débat: elles font connaître l’état du terrain, et servent à le déblayer.

Voilà ce que j’avais à dire en commençant; mais, après vous avoir accordé autant que cela, je me vois, en toute honnêteté, obligé d’ajouter ce qui, je le crains, mon cher Pusey, vous fera de la peine. J’ai cependant la confiance, mon très cher ami, que vous ne serez pas fâché contre moi si je dis ce qu’il me faut dire, à savoir que votre livre contient, dans le fond et dans la forme, beaucoup de choses de nature à blesser ceux qui vous aiment bien, mais qui aiment encore mieux la vérité. Il en est ainsi. Avec les meilleurs motifs et les intentions les plus bienveillantes, cædimur, et totidem plagis consumimus hostem. Nous vous blessons, et vous nous le rendez. Vous vous plaignez que nous soyons «secs, durs, dénués de sympathie» ; et nous vous répondons que vous êtes injuste et irritant. Mais nous du moins, quand nous vous traitions en ennemi, nous ne faisions pas profession de composer un Eirenicon. Il y avait quelqu’un autrefois qui entourait son épée de myrte: vous, pardonnez-moi, vous lancez votre branche d’olivier avec une catapulte.

N’allez pas croire que je ne sois pas sérieux. Si je parlais plus sérieusement, mon langage paraîtrait empreint d’amertume. Qui voudrait affirmer que dans les cent pages de votre livre consacrées à la sainte Vierge, vous offrez, sur notre enseignement en ce qui la touche, autre chose qu’un tableau partial et peu propre à nous gagner? Ce peut être un châtiment salutaire, si quelqu’un de nous l’a justement provoqué ; mais ce n’est pas ainsi qu’on tire le meilleur parti des choses, et qu’on facilite la voie, pour arriver à une entente mutuelle, ou à une transaction. Vous amenez ainsi un écrivain du journal anglican le plus modéré et le plus libéral, le Guardian, à se détourner avec horreur du portrait que vous tracez de nous. «Ce langage, dit l’écrivain de votre revue, nous l’avons déjà souvent entendu, nous ne pouvons encore l’entendre sans horreur. Nous aurions mieux aimé le passer sous silence, ainsi que les commentaires auxquels il a donné lieu.» Qu’est-ce qu’un orateur d’Exeter Hall, ou un commentateur écossais de l’Apocalypse, pourrait trouver dans la controverse de plus favorable à sa cause, que le tableau où vous avez prétendu nous peindre? Vous pouvez être sur que ce qui, d’un côté a fait naître l’horreur, de l’autre soulèvera l’indignation, ce ne sont pas là les dispositions les plus favorables à une conférence pacifique. Je m’étais complu dans cette idée que vous qui, au temps passé, vous montriez toujours moins violent que moi dans la controverse, en étiez venu aujourd’ hui, après les années écoulées et le changement des circonstances, à considérer notre ancienne guerre contre Rome comme cruelle et inopportune. Il n’y a pas plus d’un an, je le sais, l’une des objections capitales des gens qui s’opposaient à la création alors projetée d’une maison de l’Oratoire à Oxford, fut qu’une telle entreprise de ma part serait le signal de la résurrection du style de polémique hautain, aujourd’hui hors d’usage. Je m’étais figuré que vous partagiez cette opinion; mais aujourd’hui, comme pour montrer combien vous jugez urgent de le ressusciter vous-même, voici que vous exhumez un de mes écrits violents de 1841, depuis longtemps endormi dans la tombe, et dans lequel je disais: «L’Église Romaine approche de l’idolâtrie, autant qu’un tel rapprochement est possible, dans une Église héritière de cette promesse divine: «Le Seigneur abolira entièrement «les idoles!»

Du Culte de la Sainte Vierge dans l'Église catholique

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