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IV

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M. Brunetière termine sa conférence en observant que les trois difficultés de croire qu’il a étudiées «s’enchaînent, ou peut-être, et pour mieux dire, ne sont qu’autant de manifestations d’une même «mentalité. » A l’entendre, l’exégèse et la science des religions comparées ne suscitent de difficultés que parce que ceux qui s’y livrent sont inspirés et dominés par le parti pris de rejeter le «surnaturel» ou le miracle. On veut à tout prix expliquer toutes choses naturellement, sans recourir à l’intervention spéciale de Dieu; et, pour y réussir, on supprime, on sollicite les textes et les faits, on se livre à une véritable débauche d’hypothèses sans fondement et de théories fantaisistes. L’essentiel serait donc de «refaire » la mentalité contemporaine et de la guérir de cette peur affolante du miracle.

Oui, il est vrai, et nous l’avons constaté déjà, que de plus en plus, autour de nous, on vise à tout expliquer positivement, scientifiquement, naturellement, — ces mots sont pris comme synonymes. Aussi devrons-nous, si nous voulons avoir accès auprès des esprits, tenir compte de leurs exigences, fussent-elles peu justifiées. Nous le pouvons, du reste, sans renier en rien notre foi.

Il convient, néanmoins, de ne pas exagérer et nous aurions tort d’imaginer que, la peur du «surnaturel» chassée, toutes les difficultés tirées de l’exégèse ou de l’histoire des religions vont s’évanouir comme par enchantement. Pareille illusion est assez commune parmi nous, je le sais; il est si commode de se débarrasser ainsi de recherches minutieuses et des longues études! Mais pareille illusion serait fatale à la cause que nous représentons et que nous avons mission de défendre. Redisons-le, l’exégèse et la science des religions comparées démontreront la divinité du catholicisme; mais ce ne sera qu’au prix d’efforts laborieux, soutenus, méthodiquement conduits.

M. Brunetière, enfin, nous semble avoir été trop exclusivement intellectualiste dans le choix des difficultés de croire qu’il signale. Il n’a voulu, nous dit-il, étudier que «celles de l’heure présente », que celles qui agissent sur la plupart de nos contemporains. N’examinons pas si ces difficultés sont aussi nouvelles qu’elles le paraissent à première vue: cela, en somme, nous importe peu. Demandons-nous plutôt si elles sont les seules, ou même les principales, qui arrêtent nos contemporains sur le chemin de la foi, de la foi catholique.

Au fond, que rêvent-ils, tous ces hommes du xxe siècle parmi lesquels nous vivons? Qu’ils en aient conscience ou non, l’idéal qu’ils poursuivent ou, du moins, qu’il leur paraît désirable d’atteindre, n’est-il pas celui-ci: «Développer TOUT l’homme et en TOUS les hommes» ? Voilà le but; et, selon eux, on n’y parviendra que «par la science», c’est-à-dire par tous les procédés que l’expérience a indiqués comme les seuls efficaces. On prend ici le mot science dans son acception la plus large; la science, dont on parle ici, comprend aussi bien la psychologie et la sociologie que les mathématiques et la chimie ou la biologie.

Dès lors, parlez de la religion catholique à un ouvrier, ou à un paysan, ou encore à un savant, qui ne lui est pas hostile, mais qui a vécu et qui vit loin d’elle; présentez la lui maladroitement, sous l’aspect autoritaire que l’on sait et sans prendre garde de lui en bien faire comprendre le rôle de libération, de préservation et de bienfaisance. Le catholicisme lui apparaîtra comme une forte et terrible machine de compression, capable de broyer, si on n’y veille, individus et sociétés, plus propre à étouffer la vie qu’à la produire et à l’entretenir, à éloigner de l’idéal moderne qu’à ea rapprocher. Le résultat sera que, parce qu’il est foncièrement épris de démocratie et de science, cet homme se défiera du catholicisme. Et quand vous insisterez pour lui exposer le catholicisme sous l’un de ses autres aspects, l’aspect miraculeux, qui pénètre tout son dogme, tout son culte et toute sa vie, cette défiance de son autonomie menacée éveillera en lui, plus profonde et plus vive, la défiance de sa mentalité positive. Ce sera alors une révolte de tout son être contre une religion qui, à ses yeux, est un danger pour la liberté, la démocratie, la science, un obstacle pour l’épanouissement de tout l’homme et le progrès de la société humaine. Tout ce que nos exégètes et nos historiens des religions lui diront, lui sera suspect, et l’indisposera plutôt contre nous qu’il ne le convertira.

Il semble donc que, outre les difficultés de l’ordre intellectuel étudiées par M. Brunetière, il faille signaler, et peut-être placer au tout premier rang, les difficultés de l’ordre moral ou social qu’on vient de dire. Il semble que la première difficulté de croire au catholicisme qu’il soit opportun, urgent, de dissiper, soit celle qu’une exposition incomplète et maladroite fait naître dans la plupart des esprits.

Le catholicisme est une religion d’autorité, il est aussi une religion de liberté ; le catholicisme entend gouverner souverainement ses membres, il les affranchit aussi du despotisme de l’État auquel il soustrait le domaine des choses spirituelles; le catholicisme est une religion de tradition et de conservation, il est aussi une religion de progrès, il est la religion de l’avenir comme la religion du passé ; le catholicisme porte nos regards vers l’au-delà, il ne nous défend pas de nous intéresser à la terre que nous habitons; le catholicisme prêche le renoncement, la mortification, mais il nous prescrit de chercher en même temps le plein épanouissement de tout notre être, il nous ordonne même de nous élever jusqu’à la vie divine, jusqu’à la déification; le catholicisme sanctifie nos souffrances et nos larmes, il sanctifie aussi nos plaisirs et nos joies. Le catholicisme est de nature à plaire tout ensemble aux esprits les plus positifs et aux âmes mystiques; il n’a pas peur «du surnaturel» et du miracle, ni, non plus, des conquêtes des sciences, et la stabilité des lois de la nature, bien comprise, n’a rien qui l’effraye. Bref, le catholicisme n’a rien qui puisse s’opposer, il a tout ce qu’il faut pour aider à l’accomplissement de son universelle mission de salut. Il répond aux exigences de l’homme qui est à la fois sens et esprit, être individuel et être social; il peut satisfaire les pauvres et les riches, les ignorants et les savants, l’Américain ou le Japonais du XXe siècle aussi bien que le Français ou l’Italien du moyen âge. Il est vraiment catholique.

Si nous avions soin, quand nous présentons le catholicisme à nos contemporains, de le leur montrer tel qu’il est, ah! que de difficultés de croire seraient résolues par le fait même! L’Église leur apparaîtrait telle qu’elle est véritablement, non pas comme une geôlière, non pas seulement comme une reine, mais encore, mais surtout comme une mère, comme une mère qui doit nous enfanter et nous élever à une vie plus haute et plus pleine. Quand la défiance qui éloigne tant d’hommes du prêtre catholique aura disparu, les trois difficultés de croire que nous avons examinées en compagnie de M. Brunetière, pourront être attaquées avec succès.

Les difficultés de croire qui naissent de notre mentalité positive, ne sont pas plus profondes ni plus tenaces que les difficultés de croire que suscitent les aspirations libérales et démocratiques de notre temps.

Il ne dépend que de nous de vaincre les unes et les autres.

La Vérité du catholicisme, notes pour les apologistes

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