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Le Maître D'Hôtel Français

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La plus grande force du Maître d'hôtel français, je dis maître d'hôtel français à dessein, car si le cuisinier français a su tirer parti des produits de la nature avec un art infini, pour en faire des aliments aimables, agréables, et bienfaisants, le Maître d'hôtel français seul est susceptible de les faire accepter et désirer. Or voilà pour le Maître d'hôtel le champ qu'il a à explorer. Champ vaste s'il en fût, car déviner avec tact ce qui peut plaire à celui-ci et ne pas plaire à celui-là, est un problème à résoudre selon la nature, le tempérament et la nationalité de celui qu'il doit faire manger. Il doit donc être le conseil, le tentateur, et le metteur en scène. Il faut pour être un maître d'hôtel accompli, mettre de côté, ou du moins ne pas laisser percer le but commercial, tout en étant un commerçant hors ligne (je parle ici du maître d'hôtel public de restaurant, attendu que dans la maison particulière, le commerce n'a rien à voir, ce qui simplifie énormement le rôle du maître d'hôtel. Pour cela il faut être un peu diplomate, et un peu artiste dans l'art de dire, afin de colorer le projet de repas que l'on doit soumettre à son dîneur). Il faut donc agir sur l'imagination pour fair oublier la machine que l'on va alimenter, en un mot masquer le côté matériel de manger. J'ai acquis la certitude qu'un plat savamment préparé par un cuisinier hors ligne peut passer inaperçu, ou inapprecié si le maître d'hôtel, qui devient alors metteur en scène, ne sait pas présenter l'œuvre, de façon à le faire désirer, de sorte que si ce mets est servi par un maître d'hôtel qui n'en comprend pas le caractère, il lui sera impossible de lui donner tout son relief, et alors l'œuvre du cuisinier sera anéanti et passera inaperçu.

Ce maître d'hôtel doit être aussi un observateur et un juge et doit transmettre son appréciation au chef de cuisine, mais pour apprécier il faut savoir, pour savoir il faut aimer son art, le maître d'hôtel doit être un apôtre.

Il doit transmettre les observations qu'il a pu entendre pendant le cours d'un dîner de la part des convives, observations favorables ou défavorables, il doit les transmettre au chef et aviser avec lui. Il doit aussi être en observation, car il arrive le plus souvent que les convives ne disent rien à cause de leur amphitryon mais ne mangent pas avec plaisir et entrain le mets présenté: là encore le maître d'hôtel doit chercher le pourquoi. Il y a aussi dans un déjeuner ou un dîner un rôle très important réservé au maître d'hôtel. La variété agréable des hors-d'œuvre, la salade qui accompagne le rôti, le façon de découper ce rôti avec élégance, de bien disposer ce rôti sur son plat une fois découpé, découper bien et vite, afin d'éviter le réchaud qui sèche. Savoir mettre à point une selle de mouton, avec juste ce qu'il faut de sel sur la partie grasse, qui lui donnera un goût agréable.

Pour découper le maître d'hôtel doit se placer ni trop près ni trop loin des convives, afin que ceux-ci soient intéressés, et voient que tous les détails sont observés avec goût et élégance, de façon à tenter encore les appétits qui n'en peuvent presque plus mais qui renaissent encore un peu aiguillonnés par le désir qu'a su faire naître l'artiste préposé au repas, et qui a su donner encore envie à l'imagination, quand l'estomac commençait à capituler.

Le maître d'hôtel a de plus cette partie de la fin du dîner, le choix d'un bon fromage, les fruits, les soins de température à donner aux vins, la façon de décanter ceux-ci pour leur donner le maximum de bouquet; le maître d'hôtel ne peut-il encore être un tentateur avec la fraise frappée (à la Marivaux)? La pêche à la cardinal, qu'accompagne si bien le doux parfum de la framboise, légèrement acidulé d'un de jus de groseille, notre grand carême qualifiait.

Certains plats de "manger des Dieux," combien l'expression est heureuse.

Depuis que je suis à Londres j'ai trouvé un nombre incalculable "d'inventeurs de ma pêche à la cardinal." Il me faudra leur donner la recette un jour que j'en aurai l'occasion.

N'est-ce pas de l'art chez le maître d'hôtel qui tente et charme les convives par ces raffinements, et qui comme un cavalier sur une moture essoufflée sait encore relever son courage et lui faire faire la dernière foulée qui décide de la victoire? Après un bon repas le maître d'hôtel a la grande satisfaction d'avoir donné un peu de bonheur à de pauvres gens riches, qui ne sont pas toujours des heureux.

Et comme l'a dit Brillat Savarin "Le plaisir de la table ne nuit pas aux autres plaisirs." Au contraire, qui sait si indirectement je ne suis pas le papa de bien des Bébés rieurs, ou la cause au moins de certaines aventures que mes jolies clientes n'évoquent qu'en souriant derrière leur éventail?

JOSEPH

Directeur du Savoy Restaurant, Londres,

et du Restaurant de Marivaux, Paris.

Dinners and Diners: Where and How to Dine in London

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