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IV

Table des matières

Ferrand adorait la campagne.

La présence de Lambert, sa bonne volonté et ses progrès rapides la lui firent aimer encore davantage.

La docilité et la foi complète que possédait le jeune Bonnichon dans les conseils du vieux peintre, encouragèrent ce dernier dans la tâche qu’il avait entreprise.

Il lui sembla qu’en consacrant tous ses soins à son élève, il rendait un véritable hommage au maître qui jadis avait fait aussi se développer son propre talent; et ce qui d’abord lui avait semblé, malgré tout, une charge assez désagréable, fut bientôt considéré par lui comme un véritable devoir et comme un reconnaissant hommage.

Le caractère gai de Lambert, dont la belle humeur égayait fort l’artiste, ne fut point étranger, du reste, à l’engagement de Ferrand en faveur de son élève.

Sous un aspect très-égal, Angèle cachait un fond de caractère très-poétique, très-enthousiaste et qui, facile à la sympathie et à l’amitié, devait se montrer très-difficile en amour.

A ce point de vue, la présence de Lambert n’offrait aucun danger pour elle.

Bonnichon la faisait trop rire pour qu’elle pût jamais, même au cas où il se fût épris de ses charmes, éprouver pour lui autre chose que de l’amitié.

Et cela se trouvait à merveille, car Lambert ne songeait pas plus à Angèle qu’Angèle ne songeait à Lambert.

Bonnichon vénérait son maître, et se fut trouvé bien coupable s’il avait osé jeter les yeux sur sa fille.

En tout cela, du reste, le père d’Angèle n’avait point agi aussi légèrement qu’on pourrait le croire.

Avant d’admettre Bonnichon dans son entière intimité, il l’avait étudié avec soin, questionné adroitement, et cet examen avait été si favorable au jeune artiste, qu’il ne restait aucun doute à son sujet dans l’esprit de son maître.

La gaîté de Lambert et l’animation que sa présence avait donnée au chalet, avaient fait recouvrer à Angèle toute sa sérénité.

Ferrand, dont le Léonidas avait obtenu un véritable succès d’enthousiasme, travaillait avec plus d’ardeur que jamais, stimulé également par la présence de son élève; et l’absence de Marguerite n’était plus qu’un doux regret pour le père et la fille, lorsque l’arrivée de Renaud et de sa femme vint de nouveau changer l’état des choses.

Il y eut fête ce jour-là au chalet.

Angèle avait ordonné un déjeuner digne du retour tant désiré d’Henri et de Marguerite, et Ursule, qui n’avait quitté Chatou que quelques jours, afin d’aller tout disposer pour l’arrivée de ses maîtres, dans l’appartement que Renaud occupait à Paris rue du Hâvre, déploya toute son activité afin que mademoiselle Ferrand pût aussi les bien accueillir.

Cinq couverts avaient été mis.

Le cinquième était destiné à Lambert.

–As-tu pensé à Bonnichon? avait demandé le peintre à sa fille.

–Etourdie! je l’ai oublié.

–Cela n’est pas bien. Mets son couvert, mon enfant. Lambert plaira à Renaud, j’en suis sûr.

La discrétion de Bonnichon l’empêcha de profiter de l’invitation.

Et malgré les instances de Ferrand et d’Angèle, il quitta le chalet à dix heures, en promettant d’y revenir dans la journée.

–Décidément, c’est un brave garçon que mon élève, fit le peintre, dès que Lambert se fut éloigné. Il a toutes les délicatesses, excepté celle des tons; mais je la lui donnerai, celle-là.

Quelques instants après, Henri et Marguerite arrivèrent.

Ce furent d’abord des embrassades dont seule l’effusion égalait la sincérité, puis on se regarda.

Renaud rayonnait de bonheur.

Jamais Ferrand ne lui avait vu si radieuse mine.

–Nous sommes donc heureux, jeune homme? lui dit-il en riant.

–Ah! mon ami, c’est un ange, reprit Henri en montrant sa femme.

–Que tu es devenue jolie, disait en cet instant Angèle à madame Renaud.

Sous l’impression de ces compliments, une vive rougeur colora le visage de la jeune femme.

–Flatteuse, dit-elle néanmoins à Angèle.

–Non pas, ma chère; et j’en fais juge mon père.

–Oh! la belle personne, fit Ferrand. Viens, que je t’embrasse encore, ma chère Marguerite.

Le compliment d’Angèle n’était nullement exagéré, car Marguerite était devenue délicieusement jolie.

Aux chastes ardeurs de sa félicité complète, les charmes de Marguerite s’étaient développés, comme s’ouvrent et grandissent les fleurs au premier soleil du printemps.

On passa dans la salle à manger.

Le couvert de Bonnichon était resté sur la table.

–Attendez-vous quelqu’un encore, mon oncle? demanda Renaud.

–Non, mon ami; ce couvert était destiné à mon élève, mais il ne déjeunera pas avec nous.

–Ah! vous avez un élève?

–Oui, un fervent de l’art. C’est un garçon qui vous plaira.

En effet, lorsque Lambert parut, la connaissance fut bientôt faite entre lui et Renaud, qui fut entièrement captivé par les allures franches et simples de l’élève de l’oncle de sa femme.

Le roman d'un père

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