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Guillaume 11. — (1261-1268).

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Le jour de la fête de St-Clément 1261, Rodulphe Clair, bourgeois de St-Maurice de Chablays, Jacquemette, sa femme, et ses enfants, vendaient, au prix de 25 livres de Genève, à l’abbé Guillaume et à son couvent de Filly, tous les droits de pêche qu’ils pouvaient avoir dans le lac Léman, tant de jour que de nuit, des Cosses de Concise aux fossés de la Ravorée près d’Yvoire. Ces droits de pêche, vulgairement appelés la queste de Fillie , leur venaient de l’albergement de feu Girold Tivant de Thonon qui les tenait du propre alleu de Vullierme son père... Ce n’était pas seulement une vente, car le prix parut infime aux contractants, mais bien encore une donation faite aux religieux pro remedio animarum nostrarum. L’influence des chanoines de St-Maurice ne paraît pas étrangère à cet acte, ainsi qu’il a été dit, car l’un d’eux, Rd Messire Bono, y assiste en compagnie de Pierre sacristain de Filly, de Martin Dardet, d’Hugues de Saxo... .

Le nom de l’abbé Guillaume figure dans un document important cité par Guichenon et d’autres auteurs : c’est le testament d’Agnès de Faucigny, femme de Pierre de Savoie, par lequel elle institue héritiers son époux et Béatrix sa fille (17 octobre 1262).

Une circonstance positive établit le rang distingué qu’il occupait dans le clergé du diocèse. Il se trouve nommé parmi les témoins, après l’évêque de Genève et l’abbé de Bonmont, mais avant l’official de Genève et les trois doyens d’Annecy, de Sallanches et d’Annemasse.

Le 4 décembre suivant, il mit son sceau à un acte par lequel Vullierme de Ravorée déclarait avoir relâché à l’abbaye d’Aulps les dîmes et terrages que possédait à Reyvroz Jean de Ravorée . Il est encore mentionné, en 1266, comme suivant la règle de St-Augustin, dans les Mémoires de la Société d’histoire de la Suisse romande .

Notre monastère avait déjà, au XIIIe siècle, de puissants feudataires chargés de le protéger et de le défendre. Ainsi, au mois de février 1264 ou 1265, Richard de Ballaison, damoiseau, fils de feu Messire Richard de Ballaison, chevalier, recevait, à titre de fief, de l’abbé Guillaume, toutes les terres, prés, forêts, pâturages... qu’il possédait entre Pombon et le Foron, le sommet du mont de Chavanex, la rive du lac et l’eau du Vion, à l’exception d’un pré... Et cela du consentement de ses frères Pierre, Humbert, Rodolphe, de son neveu Aymon, fils d’Humbert, et de Béatrix son épouse . Il promit, la main sur les saints évangiles, de prêter, aux religieux, conseil, aide et secours, comme tout feudataire fidèle, en présence de Rodolphe, dit du Four, de Massongy, d’Anselme Tapouz et de plusieurs autres témoins réunis dans le cloître de l’abbaye. Viffred, abbé d’Abondance, apposa son sceau à cette charte si importante pour le couvent et pour Richard .

Au mois d’avril 1267, Pierre de Perrignier vendait à Pierre Ebrard de Thonon une rente de sept deniers de cense annuelle et de deux sols de plaid, de placito seu mutagio, et, l’un et l’autre priaient l’abbé Guillaume de sceller l’acte de son sceau; ce qu’il fit à Thonon à la date précitée .

L’abbé Guillaume jouissait aussi de la haute considération et de la bienveillance des religieux, des nobles et du peuple de la rive vaudoise. Ils lui remettaient la décision de leurs litiges. C’est ainsi qu’il prononça, le 4 février 1267, une sentence arbitrale, de concert avec les prieurs de Pomier et du Reposoir, pour terminer un différend qui existait entre la chartreuse d’Oujon et Etienne, Jean et Reymond de Begnin, et d’autres habitants de la même localité. Il s’agissait de droits de pâturage concédés à la dite chartreuse par Jean, ancien seigneur de Prangins. La contestation fut terminée à la grande satisfaction de tous les intéressés .

Un autre seigneur de Prangins, du nom de Guillaume, avait eu des difficultés avec l’église de Sciez et l’abbaye de Filly. Dans son testament du 25 mai 1256, il chargea son frère Jean, évêque de Lausanne, de les terminer . Mais, il paraît qu’il laissa un codicille, car, le 16 mars 1268, en exécution de ses dispositions testamentaires, sa veuve Alix, et Jean son fils aîné, mirent l’abbé Guillaume en possession de la terre appelée Combe, au territoire de Ver ; et cela en réparation des dommages que lui ou ses ancêtres avaient pu causer à sa maison dé Filly.

L’acte est passé en présence de maître Jean d’Anty, l’un des chanoines de l’abbaye, de Jean Vidon de Filly, d’Humbert de Maxilly, clerc, d’Anselme de Bursinel, damoiseau ...

L’un des parents de ce dernier, Guy de Bursinel, était vassal de Jean de Prangins si fidèle à remplir les volontés paternelles. Un clerc, Jean dit le Saiz, mourut, et ses biens devinrent un sujet de discorde entre Guy et Filly. Jean de Prangins s’interposa probablement pour amener une transaction qu’il scella et notifia le 31 mai 1271. Guy et sa femme Willelma, sœur du défunt, renoncèrent à ces biens moyennant certaines compensations pécuniaires .

Avant de passer au chapitre suivant, il est indispensable de dire quelles étaient les principales ressources de l’abbaye. La réputation dont jouissaient les monastères du moyen-âge leur attirait les largesses des princes et des grands du siècle. D’ailleurs, après les dévastations des Sarrazins et des Hongrois, et les malheurs de l’an mille, l’arrivée des religieux dans le Bas-Chablais répondit à un besoin urgent et général. Il fallait rendre à notre pays ses habitudes séculaires, et faire germer le froment et fleurir la vigne sur le mont de Ballaison et dans les plaines des bords du Léman, devenues des landes incultes, recouvertes d’arbres parasites. Aussi leur arrivée dut-elle être saluée par le cri d’espérance du pauvre et du riche.

Il est fort difficile de se faire une idée exacte des possessions du monastère, deux siècles après son établissement. Cependant, on peut en juger par divers documents, tirés des archives royales de Turin; nous allons résumer les plus anciens, réservant les autres à leur date respective de chaque prélature abbatiale.

Sans revenir à la donation de la mense de Filly, faite au diacre Tibold et à ses trois fils, relevons les principaux biens du couvent, groupés dans les paroisses qu’Innocent IV venait de lui soumettre (1250), c’est-à-dire, dans les paroisses de Sciez, Filly, Chavanex, Excenevex, Yvoire, Nernier, Perrignier, Burdignin. Déjà, en 1220, les religieux de Filly déléguaient des employés chargés de recevoir, vérifier et consigner les reconnaissances des impôts divers qui leur étaient dûs sur les terres situées au-delà du Vion, ultra aquam dou Vion. Ce courant d’eau qui descend du coteau de Ballaison, comme nous l’avons dit, et traverse la riche commune de Massongy, venait alors battre, pour ainsi dire, les murs de clôture de l’abbaye, en divisant ses biens du voisinage en deux parties bien distinctes: ceux d’en de çà du Vion, c’est-à-dire de Filly, Sciez, Prailles, Mariniens,... et ceux d’outre Vion, soit d’Excenevex, Chevilly, Yvoire, Messery, Nernier. Les archives d’Etat de Turin possèdent un rôle, du XIIIe siècle, des gens du monastère sujets aux tailles et redevances de toute sorte; c’est un rouleau de parchemin intitulé : Veilles extentes de la mayson de Filliez d’oultre l’eau du Vion, 1220 . La plupart des anciennes familles de Filly, Excenevex et Yvoire, y figurent. Nous aurons l’occasion de citer leurs noms dans le cours de ce travail. Les revenus, qui étaient dus, se composaient de servis en argent et en nature. Ces redevances, dont il serait difficile de fixer la valeur totale, à cause de leur diversité et de la variété multiple des monnaies spécifiées pour leur paiement, étaient à prendre sur des terres, vignes, prés, bâtiments, situés à Filly, Yvoire, Douvaine, etc... Dans ce rayon, Pierre d’Yvoire, chevalier, du consentement de Pierrette, son épouse, avait donné au couvent, le 25 mai 1264, tous ses droits sur le bois de Fescley, du Vernay, et sur la dîme des novales d’Yvoire; le tout du fief d’Anselme de Compey .

On peut croire que les moines de Filly s’adonnèrent avec ardeur à la viticulture; car, en 1274, Pierre, abbé du monastère, apposa son sceau à la vente d’une vigne, située à Ballaison, faite à Agnès, veuve de Guillaume de la Porte et à son fils Boson, par Aymon, doyen de la paroisse de Ballaison . Les représentants de l’une des familles nobles de ce lieu, Anselme, Guillaume, Girod Pinard, et leur mère Anfélisie, passèrent, le 15 avril 1289, une obligation en faveur de l’abbaye pour un emprunt de neuf livres genevoises qu’ils avaient fait . L’année suivante, le samedi après la fête de St-Luc, les trois frères Pinard, accompagnés d’un quatrième du nom d’Aymon, donnèrent au couvent trois muids de froment de revenu annuel . Au mois de février de la même année 1290, Pierre Posey de Bons, damoiseau reconnaissait tenir de l’abbaye divers biens, sis à Bons et dans les environs, ainsi qu’il sera dit plus tard , et, le 24 avril 1302, divers particuliers en consignaient d’autres au village d’Arculinge . Le 20 janvier 1324 et le 19 juin 1346, c’est Etienne Pinard qui se déclare feudataire des religieux dont il tient des terres à Chavanex et à Filly . Diverses familles avaient aussi reçu emphytéose des biens situés au hameau de Jussy (21 juin 1348), et sur lesquels les seigneurs d’Allinges exercèrent de basses vengeances . Dans le voisinage, les terres de Brécorens et Perrignier relevaient aussi en grande partie du couvent de Filly. Malgré la proximité de l’abbaye des religieuses cisterciennes du Lieu, fondée dans un village de Brécorens vers 1150, les nobles de Brécorens figurent parmi les bienfaiteurs du monastère d’Aulps en 1261 et 1289 , et ils eurent des rapports assez fréquents avec les moines de Filly. Le 10 mars 1272, les enfants de Girod de Brescuyrens, Guillaume, Pierre, Rodolphe et Reymond.., leur vendirent une cense et leur disputèrent, plus tard, la propriété d’une terre à Perrignier (1277) .

En 1316, Vautier Flamel reconnut tenir du monastère les terres de la Tine se mouvant de son domaine direct . Plusieurs habitants de Brécorens figurent parmi les emphytéotes et albergataires du couvent, parmi lesquels, les époux Jacquet et Aymonette Furmilly (1320) et Hugon dit Goural (1338) .

Une paroisse voisine, Draillens, possédait alors un château et un ancien prieuré qui dépendait, au XIIIe siècle, de St-Victor de Genève . Ses prieurs et ses nobles seigneurs ont laissé des traces dans l’histoire de notre abbaye. Des différends s’étaient élevés entre elle et Ne Rifier de Draillens au sujet de la propriété de la montagne de Chatillonet. Il y eut sentence arbitrale rendue, en faveur du monastère, le 5 avril 1274. Néanmoins, son fils Aymon rouvrit les débats près de quarante ans plus tard. Un nouvel arbitrage le condamna à prêter hommage à l’abbé .

Il y eut encore échange de terres avec Pierre et Nicod, dits de la Perouse, de Draillens, le 28 avril 1346 , transaction avec le prieur de la même localité le 5 janvier 1347 , et convention avec Richard de Compey et Peronete, fille d’Alisie de Draillens, sa sœur, le 21 avril 1350 , ainsi que nous le verrons plus au long à ces diverses époques des annales de notre monastère.

De Draillens on arrive dans la vallée de Boëge par le col des Moises où les fiefs des abbayes d’Aulps et de Filly s’enchevêtraient dans les profondeurs de la forêt.

Les chanoines de Filly seraient venus, d’après Grobel, cultiver cette vallée, vers le XIe ou XIIe siècle, et en auraient pris possession, au nom de la Reine du Ciel, en dédiant à Notre-Dame leur prieuré de Burdignin . Ce prieuré conventuel, aussi de l’ordre de St-Augustin, se trouvait à une demi-lieue au nord de Boëge, comme la paroisse du même nom qui était du décanat d’Allinges, quoique située en Faucigny.

Quoiqu’il en soit, le jeudi avant l’ascension 1298, Jean dit Bouchey, Maura et son fils, Béatrice, Aurise, Jacquette et Clémence, dites Moneses, reconnurent tenir en emphytéose, de l’abbaye de Filly, divers biens sis sur le territoire de la paroisse de Burdignin . De qui le monastère les tenait-il? Probablement de la libéralité de quelques seigneurs des environs. Cinq ans auparavant, le 16 février 1293, Aymon et Etienne de Troches, damoiseaux, avaient vendu, à Richard, prieur de Chamonix, Berthold, leur homme-lige, ainsi que sa postérité en présence de Jacob, curé de Burdignin, et de Rodolphe son frère . Les nobles époux Nicod et Isabelle de Troches, dont le manoir s’élève encore à Douvaine à une lieue de Filly , vendirent aussi à notre abbaye, le 12 juillet 1332, quinze muids de froment de revenu annuel affectés sur des biens situés à Monclar, Chilly, Carruet, Bachelar, Charmontey et autres lieux . Sept ans plus tard, Rd Jacques de Chessez, curé de Burdignin, reconnut la validité d’une donation de douze deniers annuels faite aux religieux de Filly par son père Rodolphe. Il leur vendit, en outre, trois sols de cense annuelle et leur donna une rente de douze deniers (8 janvier 1339) . Déjà, en janvier 1313, Guillaume Ravinelle avait reconnu tenir des moines, sous l’hommage taillable, des biens de Burdigny .

En résumé, l’abbaye de Filly, grâce à de généreux donateurs dont les noms sont oubliés, se trouve bientôt posséder, outre le droit de dîmes plus ou moins abondantes sur les églises de son patronage, le droit de pêche dans le lac, de Concise à la Ravorée; 200 journaux de bois et broussailles sur Excenevex; des terres et cens dans les communes d’Allinges, Anthy, Armoy, Lyaud, Ballaison, Brenthonne, Douvaine, Fessy, Margencel, Massongy, Orcier, Thonon, etc.; des terres et moulins à Lully sous le château de la Rochette; à Draillans, le domaine de Chatillonnet qui contenait 50 seytorées de prés, bois ou paquiers; à Vacheresse, une partie de la montagne de Darbon; à Lancy près de Genève, le prieuré de St-Georges dont les dépendances comprenaient 160 poses de bois, 80 poses de terres arables, une de vigne et 15 seytorées de pré. D’après une évaluation officielle du milieu du XIVe siècle, le revenu total de l’abbaye et du prieuré réunis étaient de 200 livres, soit de 6,500 fr. environ de notre monnaie .

Mais ces avantages n’étaient pas sans charges. Il fallait entretenir de vastes bâtiments, les chanoines, les domestiques, pourvoir aux frais du culte des églises de son patronage, acquitter des messes, célébrer de coûteux anniversaires pour le repos de l’âme des bienfaiteurs., faire des aumônes fixes aux pauvres de Messery, Massongy, Nernier, Yvoire, Excenevex, Sciez, Chavanex et Filly, auxquels elle distribuait annuellement 300 coupes de blé, comme il sera dit plus tard.

De plus, le monastère devait souvent fournir au Comte de Savoie d’importants subsides, payer à l’Evêque de Genève une taxe annuelle de 400 francs environ de notre monnaie, et à la chambre apostolique la vingtième partie de son revenu total. Vers 1310, la somme due à l’Evêque était de 200 sols, dont la moitié due pour l’abbaye et l’autre moitié pour les paroisses annexées. La Chambre apostolique percevait une redevance à peu près égale .

Ajoutons à ces charges déjà lourdes les pertes inévitables provenant: de la guerre qui dévasta le Bas-Chablais pendant les XIIIe et XIVe siècles, de l’intempérie des saisons, de la gelée, de la grêle et surtout des procès sans cesse renaissants avec les seigneurs d’Allinges et autres hobereaux du voisinage.

L' Abbaye de Filly et quelques seigneurs du voisinage

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