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Changemens éprouvés par la Savoie après la décadence de l’Empire romain. — Origine de la maison royale de Savoie. — Alliances.
Оглавление1. L’Empire romain, maître de la plus grande partie de l’univers, périt moins par les efforts de ses ennemis extérieurs que par l’effet des passions dépravées et des vices infâmes qui le minaient à l’intérieur. Les barbares qui s’en emparèrent l’emportaient sur les Romains non-seulement par la valeur militaire, mais encore par la prudence, la justice, la tempérance, et par l’assemblage des vertus civiles. Cette masse immense, qui s’était formée avec lenteur, mit aussi du temps à se dissoudre; ce fut sous Augustule que se dispersèrent les derniers débris de la domination impériale.
2. Cette vaste portion de la Gaule orientale, qui s’étend depuis l’Helvétie jusqu’à la mer de Provence, après avoir long-temps formé une province importante de l’empire romain, fut, au commencement du Ve siècle de l’ère vulgaire, subjuguée par les Bourguignons, peuples d’origine Vandale, sortis, comme tant d’autres, des forêts de la Germanie, et que l’espoir d’occuper des contrées plus fertiles, avait déterminés à combattre contre les aigles romaines. La monarchie qu’ils fondèrent dura un peu plus d’un siècle; car nous voyons que Clothaire, roi de France, ayant, dans une bataille rangée, pris et mis à mort Gondemard, leur dernier roi, accrut de ces vastes contrées le brillant héritage de son père, et en transmit la possession à ses descendans.
3. Le royaume de Bourgogne demeura soumis aux rois de France de la première race, et à ceux, de la seconde jusqu’en 879, année dans laquelle la lâcheté des descendans de Charlemagne, et les débats excités par la succession de Louis-le-Bègue ayant réveillé l’ambition de Boson, duc de Provence, lui fournirent l’occasion de s’en faire déclarer le souverain. Son exemple fut suivi neuf ans après par Raoul ou Rodolphe, prince d’une origine illustre, et qui avait encore rehaussé la splendeur de sa maison par son mariage avec Adélaïde, fille de l’empereur Louis-le-Pieux. Il fut couronné en 888 roi de la Bourgogne supérieure ou transjurane, à la différence des rois de Provence dont les états prenaient tantôt le nom de ce royaume, tantôt celui de Bourgogne cisjurane ou inférieure. Ces deux états comprenaient les Grisons, le Valais, la Suisse, la Savoie, une partie de la Bourgogne proprement dite, le Lyonnais, le Dauphiné et la Provence; et tous deux passèrent définitivement en 933 sous la domination de Rodolphe II, au moyen de l’abandon que lui fit de ses propres domaines Hugues, qui occupe le troisième ordre parmi les souverains de Provence.
4. Cette seconde monarchie des Bourguignons commença à décliner sous le règne de Conrad, fils et successeur de Rodolphe, et s’éteignit insensiblement sous Rodolphe III. Prince de peu de courage et sans aucune qualité royale, il souffrit que les barons les plus puissans s’arrogeassent une autorité presque indépendante dans leurs provinces et leurs districts, où ils ne devaient exercer qu’un pouvoir emprunté du sien. Ce prince étant mort sans enfans en 1032, après avoir légué son royaume à l’empereur Conrad II, dit le Salique, on ne saurait s’étonner que ces seigneurs qui se soumettaient à grand’peine à ses volontés, de son vivant, aient eu peu d’égard à ses dernières dispositions. L’empereur se rendit à deux reprises en Bourgogne avec une armée d’élite pour dompter ces rebelles; mais les soins de son empire ne lui ayant pas permis d’y faire un long séjour, il dut à la fin se résoudre à leur accorder, comme par un effet de sa pure libéralité, cette indépendance dont ils jouissaient déjà par le fait; et réciproquement ils reconnurent la suprême domination de l’empire et se bornèrent à attribuer à Conrad ces prérogatives d’honneur et de suprématie qui lui appartenaient comme chef de cet empire et comme véritable seigneur du royaume de Bourgogne. C’est ainsi que cette contrée fut divisée en une multitude de petits états, tous fiefs de l’empire, dont les possesseurs, sous la dénomination d’évêques, d’abbés, de marquis, de comtes, de barons ou simplement de seigneurs (Domini), étaient en réalité les princes souverains.
5. C’est à cette époque que se rapporte l’origine connue de l’auguste maison de Savoie. Parmi les barons de la cour de Bourgogne, nos regards se fixent sur un seigneur des plus marquans, le comte Humbert, dont le nom figure dans les titres de donation, à la suite de ceux du roi et de la reine . Après la mort de Rodolphe, nous le retrouvons conseiller de la reine veuve Ermengarde, et son protecteur auprès de Conrad. Dans la guerre de Bourgogne, il ne s’allie point aux barons rebelles, mais il se met à la tête de l’armée impériale, comme s’il avait intérêt au maintien des dispositions dernières du monarque défunt . Peu après il figure en quelques actes, revêtu du titre de comte dans le territoire savoisien, dénomination qui semble indiquer une charge de lieutenant - général au nom de l’empereur, si l’on réfléchit que l’office des comtes, office qui conférait une grande autorité et une juridiction civile et militaire très-étendue, n’exprimait originairement rien autre que la qualité de gouverneur ou lieutenant, bien qu’il ait été reçu depuis pour signifier le titre d’une dignité héréditaire et princière . Ces documens qui nous restent au sujet d’Humbert dénotent: 1° une haute naissance; 2.° une affinité probable avec les rois de Bourgogne; 3° l’hérédité vraisemblable de la dignité de comte dans sa famille; 4° la possession dûe à la reconnaissance de l’empereur de la charge de son lieutenant dans une vaste étendue de pays: car il est certain que le territoire savoyard s’étendait alors très-avant dans le Dauphiné, et, dans toutes les directions, fort au delà des limites actuelles de la Savoie .
6. Nous pensons, mais sans pouvoir l’affirmer avec certitude, que, même avant la mort de Rodolphe, le comte Humbert était déjà maître absolu et presque indépendant d’un petit état de Savoie, peut-être de la Maurienne. Les libéralités abondantes qu’il répandit sur plusieurs églises et monastères annoncent assez d’ailleurs qu’il était possesseur d’immenses richesses. Avant l’an 1011, il concéda à Théobald, évêque de St-Jean-de-Maurienne, l’usufruit des terres de Cuynes, d’Ascalon, de Grivetette et du mont Révérier dont plus tard il lui fit donation entière . En 1026, il prit part dans la ville d’Aoste à un contrat passé par l’évêque Burcardo avec un particulier; cet acte établissait une peine en cas de contravention aux dispositions qui y étaient consignées . Dans un autre acte qu’on rapporte à l’an 1030, il fit don au monastère de Cluny, de cinq fermes (Mansi), et d’autres possessions; et s’expliquant sur une libéralité aussi considérable, il démontre comment, à raison de l’étendue de ses états, elle ne lui paraît pas excessive, puis il écrit: Ego Humbertus comes et filii mei donamus aliquid de nostrâ hereditate . (Moi comte Humbert et mon fils nous donnons quelque chose de notre héritage.) En 1040, dans la ville d’Aoste, il concéda aux chanoines de Saint-Jean et de Saint-Ours, tout ce qu’il avait In Avisiaco et in valle Digna, hoc est in Delbia et in Tuillia, avec tout le mobilier qu’au jour de sa mort il posséderait dans le comté d’Aoste, excepté les personnes des hommes . Les traces de l’existence du comte Humbert s’arrêtent en 1042.
7. Ce prince est désigné dans quelques écrits sous le nom de Blanchemain, (Albimanus): son origine, sa naissance sont pleins de cette obscurite qui enveloppe les commencemens de toutes les histoires modernes. Le Xe siècle est à notre égard ce qu’étaient à celui des Grecs les temps de Deucalion et de Pyrrha. Cependant les savans, dont le courage s’accroît en raison même des difficultés, se sont appliqués avec constance à dissiper ces ténèbres; et, partant d’un point établi pour marcher de conjecture en conjecture, ils ont bâti différens systèmes presque tous plus ingénieux que solides. De ces différens systèmes, qui ont été mis au jour à diverses époques, deux seulement méritent qu’on en fasse mention à raison du degré supérieur de probabilité qu’ils paraissent offrir. L’un, accompagné d’un grand nombre de fables, est présenté par les anciens chroniqueurs de Savoie, qui font descendre Humbert Blanchemain de Bérolde, prince de Saxe. Un écrivain moderne (Vignet), a établi qu’en corrigeant les dates, et en dégageant ce système des circonstances fabuleuses qui l’obscurcissent, il n’a rien qui répugne à l’histoire, et il est également probable qu’un comte Hugues, saxon, vint dans le royaume de Bourgogne après la mort de Rodolphe II, en 937, lorsque Othon-le-Grand s’en empara et le tint sous sa domination pendant quelques années; que d’Hugues naquit Bérold et de celui-ci Humbert Blanchemain, dont la naissance doit certainement se rapporter avant 980, puisqu’il figure en un rang élevé sur une carte de 1003 publié par Salvaing. Ce système serait en grande partie conforme à celui de Guichenon . L’autre opinion appartenait à Louis de la Chiesa, et a été modifiée et récemment soutenue par Napion . Elle donne pour père à Humbert Blanchemain, Odon Guillaume, fils d’Adalbert, marquis d’Ivrée et roi d’Italie. Gerberge, sa mère, à la mort d’Adalbert, épousa Henri-le-Grand, duc de Bourgogne, qui, par amour pour cette princesse, adopta son fils, lequel lui succéda ensuite, non sans de graves contestations. Un autre système mérite encore d’être rappelé, quoique moins vraisemblable que les précédens, et fondé en partie sur une pièce dont aucune subtilité de raisonnement ne saurait établir la sincérité (la sauve-garde de Talloires de 1020). Ce système est celui du chevalier Melchior Rangon. Il consiste à faire descendre les princes de Savoie non plus en ligne directe de Witikind, mais bien des comtes de Walbeck, seigneurs de la Thuringe septentrionale. Mais cette théorie, je le répète, ne peut être admise que comme une savante conjecture; elle ne repose sur aucune preuve et n’a satisfait ni le gouvernement, ni les savans.
8. L’incertitude qui dérive d’une antiquité reculée, ajoute à sa splendeur; on ne doit donc pas trop se plaindre de ne pouvoir dissiper les ténèbres qui environnent le berceau de l’auguste famille qui fait l’objet de nos récits. Les documens les plus certains qui ont été découverts jusqu’à ce jour sur l’époque à laquelle vivait Humbert Blanchemain, sont ceux que nous venons de rapporter; et dès lors on peut obtenir quelque lumière sur la noblesse, sur la puissance du chef des princes de Savoie; mais on puise des argumens plus concluans en faveur de sa royale extraction dans les hautes alliances formées par ses enfans et ses descendans, alliances à la faveur desquelles ils étendirent leur puissance avec tant de promptitude et de bonheur, que la Savoie fut le premier des états formés lors de la dissolution de la monarchie bourguignonne, qui s’éleva à la hauteur et à la puissance d’un royaume proprement dit.
9. Une famille de princes issus du sang français le plus pur, régnait en-deçà des Alpes, et gardait, en vertu d’une charge héréditaire, les portes de l’Italie. Comme comtes de Turin, leurs domaines étaient, à l’orient, bornés par le Pô ; au midi, par le comté d’Auretite qui comprenait une grande partie du Saluçois et de la moderne province de Coni (sur laquelle néanmoins, de même que quelquefois sur le comté d’Asti, ils retenaient une juridiction comitale (de comte ); mais, en leur qualité de marquis, leur empire s’étendait depuis le Canavèse jusqu’aux eaux de Nice et de la rivière occidentale de Gênes, et embrassait une portion considérable des pays d’Asti et de Quiers. Tels étaient les confins de cette contrée, la plus importante sans contredit de toutes celles dont se composait l’Italie, puisque c’est par elle qu’on gardait les passages du Varo, du mont Genèvre et du mont-Cenis; les premiers, antique échelle, le dernier, route nouvelle des Barbares lorsqu’ils descendaient en Italie.
Depuis l’an 1000, le gouvernement de ce pays était entre les mains d’Oldéric Mainfroi II, dont le mariage avec Berthe mit au jour la célèbre comtesse Adélaïde. Nous ne possédons aucune preuve de l’autorité qu’Oldéric Mainfroi doit indubitablement avoir exercée sur le territoire de Quiers; la seule trace qu’il en existe est dans un acte de juridiction pratiqué en 1016 dans ce bourg par le marquis Odon son frère .
Oldéric Mainfroi étant mort en 1035 ou au commencement de 1036, Hermann, duc de Souabe, époux de sa fille Adélaïde, reçut l’investiture de l’Italie. Ce prince étant décédé peu de temps après sans postérité, un marquis Henri, dont on n’a pu connaître la famille, entra en possession de la main et des états d’Adélaïde. Mais celle-ci ayant, vers 1045, perdu ce second mari, elle passa à de troisièmes noces avec Odon, fils de Humbert Blanchemain, générateur des princes de Savoie, et ne tarda pas à donner le jour à deux enfans mâles qui furent Pierre et Amédée. Ainsi se transmit à la maison de Savoie le magnifique héritage de ces vastes états, et de là dérivèrent les premiers droits de cette maison sur le territoire de Quiers qui dépendait des états d’Italie. Humbert Blanchemain, père d’Odon, maître d’une principauté fort inférieure à celle de la comtesse Adélaïde, l’emportait sur elle par l’illustration de ses ancêtres et par l’éclat de ses alliances. Il est probable que c’est à la haute extraction de la famille du mari d’Adélaïde que le cardinal Saint-Pierre Damien fait allusion, lorsque, dans la fameuse lettre adressée par lui à cette princesse, il la loue de soutenir le fardeau du royaume sans l’appui du roi; et que, plus bas, donnant un souvenir à ses fils, il les appelle des enfans d’un naturel royal .
10. La meilleure preuve de la haute illustration de l’origine des princes de Savoie résulte, je le répète, des alliances formées par les premiers d’entre eux qui régnèrent sur cette contrée et sur le Piémont. Odon, fils de Humbert Blanchemain, s’unit en mariage, comme je l’ai dit, à la comtesse Adélaïde. Deux enfans mâles et deux filles, Berthe et Adélaïde, naquirent de cette union. Adélaïde épousa Rodolphe, duc de Souabe; Berthe fut fiancée en 1055 au fils aîné de l’empereur Henri III, et, douze ans plus tard, c’est-à-dire onze ans après que son fiancé fut monté sur le trône impérial, le mariage fut célébré avec beaucoup de pompe à Triburia en Allemagne . D’aussi honorables alliances, contractées par les princes de Savoie dans l’enfance de la monarchie qu’ils avaient fondée, alors que leur puissance, divisée en tant de fractions de souveraineté, était encore faible et mal affermie, quand aucune guerre éclatante n’avait pu leur procurer ce haut degré d’illustration, ces considérations seules tiennent lieu de toute autre preuve. Leurs successeurs héritèrent d’une telle fortune. Humbert II, neveu de la comtesse Adélaïde, mort en 1103, eut une fille appelée Alix ou Adélaïde, qui épousa Louis VI, dit le Gros, roi de France. Mathilde, fille d’Amédée III, qui mourut en 1148, épousa Alphonse I, fondateur de la monarchie de Portugal. Agnès, fille de Humbert III, dit le Saint, qui vivait sur la fin du même siècle, avait été fiancée à Jean, fils de Henri II, roi d’Angleterre, et la mort prématurée de cette princesse fut l’unique cause qui empêcha la célébration de ce mariage. Le comte Thomas I, qui régna au commencement du siècle suivant, et qui obtint de Dieu le bienfait d’une belle et nombreuse postérité, eut aussi une fille appelée Béatrix, mariée à Raymond Bérenger, comte de Provence, laquelle fut renommée tant pour les grâces de sa personne que pour l’élévation de son esprit, mais plus encore à cause de la rare prospérité de ses descendans, car elle fut mère de quatre filles dont trois furent reines et une impératrice d’Occident, et aïeule de trois autres dont deux furent reines, et la troisième impératrice d’Orient: exemple unique parmi les familles souveraines de tous les temps. Une autre Béatrix, fille d’Amédée IV, successeur de Thomas, épousa Don Emmanuel, fils de Ferdinand, roi de Castille et de Léon. Enfin Anne, fille d’Amédée V, par son mariage avec Andronic Paléologue, devint en 1327, impératrice de Constantinople, et Béatrix, sa sœur, s’unit en mariage, l’année suivante, à Henri d’Autriche, roi de Bohême et de Pologne.
11. Ce fut au XIVe siècle que les princesses du sang royal de France commencèrent à honorer la couche des comtes de Savoie. Le plus fameux guerrier de son temps, le soutien de l’empire chancelant des Grecs, Amédée VI, dit le comte vert, épousa Bone de Bourbon; Amédée VII, son fils et son successeur, imitant son exemple, s’unit à Bone de Berry; Amédée IX, qui, par la sainteté de ses mœurs, mérita les honneurs de la canonisation, épousa Yolande, sœur de Louis XI; Philippe II, Marguerite de Bourbon; exemple suivi avec un grand bonheur dans leurs choix, par Emmanuel-Philibert, Victor-Amédée I, Charles-Emmanuel II, Victor-Amédée II et Charles-Emmanuel IV, successeurs de ce prince. J’ai dit que leurs alliances avaient été heureuses; en effet le sang des Bourbons brilla toujours d’une rare splendeur sur le trône de Savoie. Bone de Bourbon, aïeule et gouvernante d’Amédée VIII, régit avec une prudence remarquable les états de son petit-fils. Yolande, veuve d’Amédéé IX, eut à déployer beaucoup d’efforts pour défendre dans des temps orageux sa dignité de régente contre l’ambition de ses proches, et le duché de Savoie contre le roi son frère; le courage et la haute persévérance dont elle fit preuve, ne furent pas toujours couronnés de succès. Marguerite, sœur d’Henri II, et femme de l’invincible Emmanuel-Philibert, importa le génie des lettres et des arts sur les rives de la Doire, et servit de lien de réconciliation entre les esprits profondément divisés des deux nations. Marie-Christine, fille d’Henri IV, épouse de Victor-Amédée I, unit aux grâces peu communes de sa personne, une âme élevée, et, dans le cours des longues et malheureuses guerres qui occupèrent la première moitié du XVIIe siècle, elle déploya plusieurs fois un cou rage viril, et réussit enfin à tirer ses états sains et saufs de l’abîme de calamités dans lequel ils étaient plongés.
12. La première duchesse de Savoie de la maison impériale d’Autriche fut Marguerite, mariée en 1501 à Philibert II. Cette alliance, produit de sages combinaisons politiques, et destinée à arracher cet état à l’influence devenue excessive de la domination française, n’amena pas les résultats qu’on s’en promettait, à raison de la mort prématurée du duc. Marguerite devint célèbre dans l’histoire politique et diplomatique de cette époque, soit comme gouvernante des Pays-Bas, soit comme médiatrice de différens traités.
13. La pureté originaire du sang de Savoie est établie par l’élévation des alliances. Ce sang coule dans les veines de la plupart des souverains de l’Europe, de même que celui des familles royales les plus illustres circule dans les veines des princes de Savoie. Parmi les races antiques aujourd’hui éteintes qui plus d’une fois s’allièrent à la nôtre, nous citerons celle des Paléologues, empereurs des Grecs; celle de Souabe qui donna à la Germanie plusieurs Césars, et celles des Lusignans, rois de Chypre, dont les derniers transmirent de droit sinon de fait l’héritage de leurs états à la maison de Savoie. Parmi les dynasties qui fleurissent aujourd’hui, nous rappellerons celle des Bourbons divisée entre les trois monarchies de France, d’Espagne et de Naples, la maison impériale de Lorraine, celle de Bavière, de Saxe et de Portugal. Dans des occasions rares, et par des considérations purement politiques, les princesses de Savoie s’allièrent aux familles également illustres, mais moins antiques, des Farnèse et des Médicis. Mais, si l’on en excepte une seule princesse de Sforce, le trône de Savoie n’en reçut aucune qui n’appartînt à une famille où l’illustration se joignit à l’ancienneté.
14. La haute extraction du comte Humbert Blanchemain, auteur des princes de Savoie, est encore démontrée:
1° Par la faveur dont il jouissait à la cour de Bourgogne; par l’assistance qu’il prêta à la reine veuve; par le parti qu’il prit presque seul entre les barons de maintenir les volontés du monarque défunt, en combattant pour l’empereur contre les usurpateurs de son autorité, circonstance qui donne à penser qu’il était uni par les liens du sang à l’un ou à l’autre de ces princes;
2° Par la multitude des seigneuries dont il était possesseur dans le Viennois, dans la Savoie proprement dite, dans la Maurienne, la Tarentaise, le Chablais, le Bas-Valais, et dans d’autres contrées sur les rives du lac Léman, et par l’infliction d’une peine qu’on trouve consignée dans un contrat d’échange stipulé par Burcard, évêque d’Aoste, avec un certain Fracio;
3° Par le titre de comte du territoire savoyard qui lui est attribué dans différens écrits; titre qui exprime une juridiction absolue et fort étendue;
4° Par le mariage d’Odon son fils avec la comtesse veuve Adélaïde, héritière d’états immenses; par celui de ses deux petites-filles Adélaïde et Berthe avec Rodolphe, duc de Savoie, et avec l’empereur Henri IV: alliances dont la splendeur n’a subi aucune interruption jusqu’à ce jour; 5° Par les expressions employées par le cardinal Saint-Pierre Damien, auteur contemporain, qui donne à Odon la dénomination de roi, celle de royaume à ses états, et attribue à ses fils des inclinations royales. A ces considérations nous n’ajouterons qu’un témoignage, mais il est d’un grand poids. L’empereur Rodolphe de Habsbourg, auteur de la maison impériale d’Autriche, dans l’acte par lequel il concède à Louis de Savoie, baron de Vaud, frère d’Amédée V, le privilége de battre monnaie, déclara que ce privilége lui avait été dû de tout temps, à raison de la noblesse et de l’illustration de sa famille. En réalité, les princes de Savoie exercèrent dès le premier siècle de leur domination le droit royal de battre monnaie; et dès-lors ils parurent constamment investis de toutes les prérogatives d’une libre et véritable souveraineté. Le diplôme de cette concession fut expédié à Fribourg, et porte la date du onze mai 1284 .