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V

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Quand Pierre Lambriquet prit de l’ouvrage à la carrière, il mit le petit en nourrice, le pauvre petit qui ne comptait encore que trois mois.

Thérèse resta à la maison.

— Ecoute, Thérèse, dit le père, en baisant tendrement l’enfant au front, écoute, il faut maintenant que tu sois raisonnable et sage. Je sais bien qu’à huit ans beaucoup n’ont encore que le jeu en tête; mais, quand il faut, il faut... et il faut, ma pauvre enfant. Si ton père pouvait acheter ton bonheur au prix de tout son sang, il le ferait, ma fille; mais le Seigneur n’écoute point de tels vœux. Thérèse, il faut donc... Tu seras la ménagère; je ne suis pas riche, mon enfant, et cela coûterait si je prenais une gouvernante, même quand ce ne serait que la vieille Madelon.

Les yeux de la petite brillèrent de joie. Pour le premier instant depuis le grand mois qu’elle était orpheline, la pauvrette! elle ne pleura point sa mère: c’était un tel bonheur, un bonheur si grand, si grand, que la pensée de gouverner le petit ménage!

— Et j’aurai de l’argent, père? demanda Thérèse en levant de grands yeux inquiets sur le sombre visage de Pierre.

— Oui, fille, tout comme ma pauvre Geneviève.

— Et j’irai aux provisions?

— Et je ferai la soupe, père?

— La soupe que je voudrai, père?

Le père répondit par un sourire à chaque nouvelle question.

— La soupe que j’aimerai?

— Ou plutôt la soupe que vous aimerez, père, reprit la petite en rougissant, car je me souviens bien que mère ne faisait jamais ce qu’elle aimait, mais bien ce que vous aimiez. Et quelquefois je lui disais: Mère, ne mettez pas de persil dans la soupe, puisque vous ne l’aimez pas; et mère répondait: Fille, le père l’aime; et elle mettait du persil, beaucoup de persil...

Les habitants de la Jolinette étaient à table. (P. 18.)


Pierre soupira douloureusement, et murmura tout bas:

— Geneviève! pauvre Geneviève! elle méritait plus de bonheur, mais le bon Dieu sait bien que j’ai fait tout ce que j’ai pu

— Et, n’est-ce pas, père, dit encore la gentille Thérèse, que je serai la maîtresse, tout-à-fait la maîtresse, puisque vous m’avez dit que vous feriez toujours comme hier, et que vous iriez travailler chez le carrier Grésenleux, de cinq heures du matin à sept heures du soir,

— Et tu es contente, Thérèse?

L’enfant garda un instant le silence; il était évident qu’elle cherchait une réponse qui n’affligeât pas son père, et qui pourtant ne blessât point la vérité.

— Et tu es contente, Thérèse? répéta Pierre.

— Oh! père, je suis contente d’être la maîtresse à la Jolinette, parce que cela montre que vous avez confiance en moi, et qu’une fille est toujours bien contente d’avoir la confiance de son père; mais je suis fâchée, bien fâchée de vous voir tant travailler; car, c’est pour nous, père, je le sais bien que c’est pour nous; pauvre chère maman me l’a tant de fois répété : Thérèse, qu’elle me disait, sois bien reconnaissante de tout ce que fait ton père, car tout ce que fait ton père, c’est pour toi. Aussi, père, je sais bien que si vous allez maintenant travailler avec les carriers, c’est pour moi et pour le frère.

— Pauvre Geneviève! répéta encore Pierre; bonne Geneviève!

Et il soupira bien des fois.

Il se fit un silence qui pesa bientôt à la petite fille.

— Oh! je saurai bien tenir le ménage, allez, père, reprit-elle avec son gentil sourire. J’apprendrai à tout faire, à tout faire bien comme maman; car maman faisait bien toutes choses.

— Oui, Thérèse, oui; fais comme faisait ta mère.

Ce fut tout ce que put dire le brave homme.

Il ajouta cependant, après une longue pause:

— Quel guide plus sûr que la main d’une mère!... Hélas! pauvre enfant, il te faudra, toi, marcher seule dans la vie; mais la Providence du bon Dieu est si bonne et si grande, qu’elle permettra que l’âme de ma Geneviève inspire ma Thérèse...

Un bon baiser de l’enfant répondit à cette prière; et Pierre Lambriquet laissa tomber une larme de joie sur le front de l’orpheline, car le baiser semblait dire de la part de Dieu: Aie confiance... je reçois ta prière...

L'héritage de Thérèse

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