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III

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Cependant on veillait dans le vieux presbytère. Après le départ du pasteur, Mme Malprat et sa mère avaient distribué les jouets aux enfants, éteint l'arbre. Puis on avait dîné tristement; et, vite, la dernière bouchée avalée, les petits s'étaient groupés autour de leur mère, réclamant les histoires promises. Mais elle était trop anxieuse pour s'en tirer de façon à contenter son auditoire.

—Paul fut fouetté parce qu'il avait été méchant..., disait-elle.

—Mais c'était Louis qui était méchant et Paul qui était gentil! s'écriait une voix indignée.

Alors, y renonçant, elle avait pris les évangiles et avait lu simplement le récit de Noël.

—Maman, dit Odet quand ce fut fini, sais-tu ce qu'il faut faire? Il faut demander à Dieu d'envoyer un de ses anges pour garder mon papa. Puisqu'il en a une multitude et qu'une multitude ça veut dire beaucoup, beaucoup, cela lui sera bien facile, et puis, Papa est parti pour obéir à ce qu'il a dit.

—Eh bien! demande-le lui toi-même.

—Mon Dieu du ciel, dit Odet, joignant ses petites mains et prenant un air céleste, envoie un de tes anges pour garder mon papa qui est parti à cause de la bonne volonté... Amen!

Les petits couchés et endormis, les mères étaient restées seules dans la vaste pièce. Elles avaient pris leurs ouvrages, de gros tricots de laine pour les orphelins de la paroisse: pauvres enfants des grandes villes qu'on envoyait en nourrice dans ce coin isolé des montagnes et que personne ne réclamait jamais. Elles ne parlaient pas, ne voulant pas se tromper mutuellement et n'osant pas se communiquer leurs pensées. Elle priaient à voix basse et attendaient. Les heures se traînaient, mornes, aigrement sonnées par le coucou suspendu au mur. Tout était silencieux au dehors et dans la maison. Elles n'entendaient que le tic-tac du balancier marquant les secondes, le cliquetis des aiguilles agiles et les battements de leurs coeurs rythmant leur angoisse. Le grand arbre assombri, dépouillé, semblait attendre aussi, inquiet et grave.

De temps en temps l'une des femmes se levait et allait à la fenêtre.

—Eh bien? disait l'autre.

—La neige tombe toujours, répondait-elle.

Lorsque minuit sonna, elles se levèrent et s'embrassèrent.

—C'est Noël, malgré tout, mon enfant, dit grand'-mère. Bon Noël à tous ceux qui souffrent, à ceux qui sont loin, comme à ceux qui sont près! Fred doit être arrivé maintenant comme il l'avait dit: si tu allais te coucher?

—Vas-y, mère, pour moi je ne pourrais pas fermer l'oeil.

—Non, mais tu te reposerais.

—J'aime mieux rester levée. Si, par hasard, Fred rentrait, n'ayant pu trouver son chemin? Je doute qu'il ait pu aller jusqu'au bout avec ce temps.

—Fred connaît trop bien le pays pour s'égarer. A cette heure-ci il est arrivé, et il se repose; va en faire autant.

—Iras-tu, toi?

—Non, moi je suis vieille, cela ne compte pas.

—Eh bien! moi je suis jeune, cela ne compte pas non plus.

A ce moment, la porte s'ouvrit et Mariette entra portant un plateau.

—Bon Noël à mes maîtres, dit-elle.

—Bon Noël à vous et à tous les vôtres, lui répondit-on. Comment, vous n'êtes pas couchée?

—Ah! non, par exemple! Monsieur n'aurait qu'à rentrer et à réclamer son dîner: c'est pas Madame qui m'avertirait, n'est-ce pas? J'ai pensé qu'un peu de tilleul ne ferait pas de mal à ces dames; elles le boiront, puis elles iront se coucher...

—Allez-y vous-même, ma fille, dit grand'mère. Madame et moi sommes décidées à attendre encore.

—Eh bien, avec leur permission, je ferai comme ces dames.

—Alors, venez auprès de nous, vous aurez plus chaud qu'à la cuisine.

Et la triste veillée continua, à trois maintenant.

Vers le matin, la jeune femme tressaillit. Elle se leva, toute pâle.

—Mère, dit-elle, n'as-tu pas entendu? Il m'a semblé qu'on appelait. N'a-t-on pas frappé à la porte?

—Non, mon enfant. Je n'ai rien entendu. C'est ton imagination surexcitée qui t'a fait croire cela.

—Non, non, je t'assure, il s'est passé quelque chose d'extraordinaire. Mon coeur a été serré comme par un étau.

—Tu sommeillais, sans doute, et tu as rêvé. Viens voir, le jour va paraître, la neige ne tombe plus. Secoue tes idées noires, ma chérie, et va dormir un instant pour que Fred, à son retour, ne te voie pas cette mine défaite.


Contes de Noël

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