Читать книгу Mémorial du bienheureux Pierre Lefèvre, premier compagnon de S. Ignace de Loyola - Marcel Bouix - Страница 5

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Dans ce Mémorial, le Bienheureux raconte en détail les principales grâces et les principales lumières qu’il a reçues de Dieu, depuis le mois de juin de l’année 1542 jusqu’au mois de juillet de l’année 1543.

Dans l’octave de la fête du très-saint Sacrement, je désirais d’avoir une conversation avec le doyen du chapitre de Spire, afin de l’engager, dans l’intérêt du bien de son âme, à faire les Exercices spirituels; mais, n’ayant pu obtenir ce que je voulais, je dus me réfugier dans la prière. Le Seigneur m’inspira alors une dévotion que je n’avais point eue jusque-là, pour arriver à mon but et gagner cet homme. C’était de prier d’abord son Père céleste, comme étant son protecteur; secondement, sa Mère et Souveraine, la Mère de Dieu; troisièmement, son maître et comme son pédagogue, l’ange gardien; quatrièmement, les saints et les saintes qui tenaient à lui par des liens particuliers et qui, à ce titre, étaient pour lui comme des frères et des sœurs. Cette sorte d’ambition me paraissait très-légitime pour parvenir à gagner l’amitié de qui que ce fût. Il me venait, en même temps, à la pensée que je devais réciter, en l’honneur de la première personne, le Pater noster; en l’honneur de la seconde, l’Ave Maria; en l’honneur de la troisième, Deus qui miro ordine Angelorum, etc.; et en l’honneur des autres, Omnes Sancti lui, quæsumus, Domine, etc. Il se présentait encore à mon esprit que, pour gagner la bienveillance d’une personne, quelle qu’elle soit, il était très-nécessaire, indépendamment de ce que l’on peut faire par œuvres, d’avoir de la dévotion à tous les anges gardiens, qui, de bien des manières, peuvent nous préparer les personnes et réprimer la violence et les tentations des ennemis.

Remarque ici, ô mon âme, et rappelle-toi que, dans le temps passé, il plut au Seigneur de te donner de grandes lumières sur les tentations et les attaques diverses des démons. C’est pourquoi tu faisais alors des prières et des considérations sur les saints, ou sur les mystères de Jésus-Christ, ou sur la doctrine chrétienne, ou sur les membres de ton corps, etc.; demandant grâce contre l’ennemi, et spécialement contre l’esprit de fornication, afin que sa puissance ne fût plus dans tes reins, mais qu’il fût chassé de tout endroit de ton corps où il y aurait des esprits vitaux et animaux; qu’il fût également chassé de ton entendement, de ta mémoire, de ta volonté, et enfin de tous les endroits où tu serais. Tu demandais cela avec une grande ferveur d’esprit et avec une vive espérance que cette grâce te serait accordée avant ta mort. Et le Saint-Esprit te suggérait de prier instamment sa divine bonté et pureté, afin qu’il habitât dans ton corps comme dans son temple, comme aussi dans ton esprit, et afin que les anges pussent trouver une demeure corporelle dans les esprits vitaux de ton corps, en en chassant les esprits ennemis. Relativement à cette pureté, tu trouvais une grande espérance de l’obtenir, dans la résolution que tu prenais alors et que tu avais déjà prise depuis longtemps d’observer une grande tempérance dans la nourriture et la boisson, ainsi qu’une grande modestie dans les actes extérieurs; comprenant qu’il est très-nécessaire, pour que les mauvais esprits n’aient pas tant de puissance, soit pour habiter, soit pour mouvoir la chair ou l’esprit, qu’ils ne trouvent pas le cœur appesanti par la nourriture ou par la boisson.

Bénis donc le Seigneur, mon âme, de t’avoir donné un désir si ardent de la chasteté du corps et de la pureté de l’esprit, et en même temps une volonté si forte; de plus, de ce qu’il t’a fait si longtemps la grâce de sentir les aiguillons nécessaires pour arriver à la chasteté du corps et de l’esprit, avec l’espérance de l’obtenir. Comme j’étais aussi spécialement dévot à mon ange gardien, je reçus bien des secours de sa part: je le priais de me défendre de mon mauvais esprit et spécialement de l’esprit de fornication.

Le jour de saint Jean-Baptiste, j’eus et j’éprouvai dans mon esprit un notable sentiment de la grandeur de ce saint; je sentis en même temps une vive douleur de ce qu’il n’était pas assez estimé en Allemagne, et de ce que sa fête n’y était pas célébrée avec autant de solennité que dans les autres pays. C’est pourquoi je conçus un ardent désir de travailler de tout mon cœur auprès des dépositaires de l’autorité et des prélats spirituels, afin que cette fête fût célébrée avec plus de solennité.

Le jour de saint Jean et de saint Paul, j’eus une certaine lumière et un secours pour mieux réciter l’office divin. Il fallait pour cela se circonscrire dans quatre limites ou termes, hors desquels on ne devait pas sortir durant le temps de l’office: 1° le lieu où on le réciterait; 2° les personnes ou les saints mentionnés dans une telle prière; 3° les paroles, et 4° les actions qui interviennent dans un tel office. Cela est fort utile aux commençants, pour mieux résister à la mémoire, à l’imagination, aux sens ou aux désirs, dispersés sur d’autres lieux, d’autres personnes, d’autres entretiens ou œuvres qui se présentent; et il en est de même du temps.

Je notai aussi un autre secours, dont j’avais souvent déjà éprouvé l’efficacité, pour bien réciter l’office. Voici en quoi il consistait: Avant de commencer, il fallait prévoir de loin chaque partie principale de tel office ou de telle heure, avec un grand désir d’y concentrer son attention, comme quelqu’un qui se dirait à lui-même: «Tu dois réciter: 1° ce psaume, 2° cet autre psaume, 3° cet autre; et, avec cette considération, entrer en prière et commencer l’office. De même, l’office terminé, tu dois faire des efforts pour que l’esprit ne sorte point de là, ou au moins le désir de persévérer autant que tu pourrais dans la réflexion, de telle manière que l’homme ne sorte pas tout entier dehors. Il est également utile, au milieu des occupations qui précèdent ou doivent suivre l’office, de faire de fréquents efforts pour te distraire autant que tu pourras de ces affaires, en considérant et en désirant les choses qui ont rapport à l’office déjà récité ou à réciter, et qui nous aident à le bien dire. Car celui qui ne désire prier que quand arrive le temps destiné à la prière, celui-là ne peut certainement avoir alors une pareille dévotion, à moins d’un miracle. C’est pourquoi il est nécessaire qu’il y ait des temps déterminés et assignés pour prier, et que ces temps soient très-souvent rappelés à la mémoire, avec désir, avec persévérance et avec crainte de commettre quelque faute dans la récitation de l’office; et l’office fini, on doit garder une douleur persévérante des fautes qui auront échappé et de ce qu’on ne l’aura pas bien dit, de telle sorte que cette tristesse, cette douleur dure sans interruption jusqu’au futur exercice. Et ce ne doit pas être une douleur qui provienne seulement des distractions qui te déplaisent, mais une douleur qui procède de l’amour et de l’affection des paroles de Dieu et des matières de l’oraison. Car il en est plusieurs qui sont peines de n’avoir pas de dévotion dans l’oraison, non pas tant par l’effet de leur amour pour l’oraison elle-même, c’est-à-dire pour Dieu et ses saints, et pour les paroles de l’oraison, que par l’effet de leur haine et de leur crainte des distractions, des pensées ou d’autres désirs relatifs, soit aux choses temporelles nécessaires, soit à des choses mauvaises, ou encore à des choses légitimes en soi, mais qui ne viennent pas alors à notre propos. Cette voie est néanmoins bonne pour conduire à l’amour; et, cet amour une fois acquis, chacun désire l’attention aux choses elles-mêmes, et non-seulement l’attention de l’esprit, mais encore l’attention du cœur pour l’amour de Dieu lui-même et de ses paroles, et pour l’amour des actions racontées dans tel office; et cela, quand bien même il ne sentirait aucune distraction causée par des choses étrangères.»

A cette même époque, pendant l’octave de saint Jean-Baptiste, je notai un point qui est très-nécessaire à celui qui sert Dieu, pour régler ses actions, ses désirs, ses sollicitudes, en un mot tout l’ordre de sa vie, et pour obtenir le repos dans les occupations de l’esprit et du corps. Ce point, si important dans la vie chrétienne, est ce que Jésus-Christ lui-même nous enseigne par ces paroles: Ne vous inquiétez pas du lendemain; c’est-à-dire que, dans les désirs et les sollicitudes spirituelles, il convient, autant qu’on le peut, de ne pas s’inquiéter du lendemain; et que l’homme doit tellement régler ses heures et le temps du jour présent, qu’il ne se permette pas à lui-même de donner carrière à son imagination, ni d’occuper sa pensée, par la sollicitude, avec joie ou tristesse, de ce qui peut arriver dans la suite. Car l’œuvre actuelle ne peut être bien faite quand la sollicitude est divisée par les pensées d’objets si nombreux et si éloignés; on ne peut non plus y apporter une attention aussi parfaite qu’on pourrait y apporter si l’esprit n’était pas dispersé.

Il se présenta aussi à mon esprit une demande que je devais adresser à la très-sainte Trinité ; c’était celle-ci: quand il m’arriverait d’avoir quelque bon désir, de faire quelque bonne œuvre, ou de vaquer à la contemplation, etc., alors elle me fît la grâce que toutes mes puissances concourussent de telle sorte que je n’éprouvasse aucun empêchement dans ces diverses occupations de mon âme; et qu’au contraire, s’il arrivait que quelqu’ une de mes puissances dominât, les autres ne concourussent jamais, mais lui fussent plutôt un empêchement et un obstacle.

Mémorial du bienheureux Pierre Lefèvre, premier compagnon de S. Ignace de Loyola

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