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PRÉFACE
ОглавлениеM. Maurice Hébert publie son premier recueil d’articles de critique littéraire. L’entreprise est heureuse. La critique littéraire a pour effet certain d’attirer sur l’œuvre de nos écrivains canadiens l’attention du public, et nous sommes à un moment de l’histoire de notre littérature où il est nécessaire de tenir toujours en éveil cette attention trop distraite. Il faut continuer de créer autour du livre de chez nous la sympathie qu’on lui accorde assurément davantage aujourd’hui qu’hier, mais qu’il importe de multiplier encore. Rien ne peut mieux servir cette cause que la publication des études critiques déjà parues dans des journaux ou des revues, mais qui y sont trop dispersées ou perdues.
Lorsque ces études valent la peine qu’on les consulte, ou qu’on les discute, elles aident à former l’opinion, à classer les auteurs, à soutenir ou à entretenir la vie des œuvres qu’on allait peut-être oublier.
Les articles de Maurice Hébert valaient la peine qu’on les groupât en volume. Voici bien près de quatre ans que M. Hébert fait, dans la revue de l’Université Laval, le Canada Français, la recension des ouvrages littéraires qui paraissent. Il a mis à ce travail un soin et une conscience dont il faut bien le louer. Et il y a mis encore un esprit très préparé à comprendre la beauté de l’art aussi bien que la valeur des pensées.
Nous avons connu Maurice Hébert alors qu’il apportait, au pied de notre chaire de Rhétorique du Séminaire de Québec, l’intelligence vive, l’âme sensible et délicate de ses dix-huit ans. Déjà il allait tout droit à la beauté classique qui éclatait sous son regard, à l’art subtil que n’aperçoivent pas les distraits. Et peut-être, dès ce moment de sa jeunesse, conçut-il le rêve de tenir un jour une plume, et d’essayer lui-même d’exprimer en des formes heureuses les pensées ou les images qui déjà voltigeaient impatientes dans sa tête.
Ce qui est certain c’est que l’élève n’avait pas encore fini son cours classique que déjà il remplissait d’une prose hâtive, et parfois de strophes laborieuses, des cahiers qui restent le trésor caché de ses vingt ans.
Appelé, bien des années après, à faire de la critique littéraire au Canada Français, Maurice Hébert pouvait appliquer à ce travail un esprit qui n’avait pas cessé de se cultiver, de s’enrichir, de se corriger, de s’entraîner lui-même à la production artistique de la pensée. Il connaissait, pour l’avoir éprouvé, comme il est difficile d’achever dans une forme d’art l’idée qui bout au cerveau, et il savait mieux par quels procédés, qui se joignent aux dons naturels, l’écrivain peut réussir.
Et il se mit à la tâche. Et l’on vit paraître successivement dans la revue les études qui sont ici groupées.
Le critique s’y est occupé de tous les genres, et d’un très grand nombre d’auteurs qui sont aujourd’hui les ouvriers actifs de notre littérature. Peut-être que bien des œuvres dont il dut sonder la valeur ne survivront pas, ou seront emportées dans le cours rapide où s’engouffrent les médiocrités; mais les articles de Maurice Hébert restent, dans ce recueil, comme des témoins, ou plutôt des témoignages qui les jugent, et qui attestent l’effort multiple, parfois malheureux, rarement inutile, par lequel finit par se constituer une littérature.
Il est difficile assurément de juger la production littéraire qui se fait au jour le jour. Il faut pour cela, plus que l’intelligence qui comprend et qui mesure, il faut une sorte d’intuition qui permet de deviner tout ce qu’il y a de richesse d’avenir dans une œuvre présente. Il faut une aptitude à s’adapter à tous les progrès possibles de l’art ou de la pensée, à l’évolution même qui ne cesse de changer quelques-unes des conditions de l’art ou du progrès.
D’autre part, les auteurs se font parfois d’étranges illusions sur leurs livres. Ils sont tous impatients de devenir immortels. Le critique doit souvent heurter de sa plume rigide, ou de son jugement défavorable, des ambitions ardentes. Et cela est plus pénible dans une société comme la nôtre où les âmes se touchent, et où souvent l’amitié prochaine s’interpose entre l’œuvre et le critique.
Maurice Hébert, qui joint à une doctrine littéraire sûre, un sens très large de l’esthétique, a essayé de démêler les éléments variables dont se compose la valeur d’un livre. Il a jugé avec bon goût, avec prudence, et aussi avec la bienveillance qui convient encore chez nous, les auteurs étudiés. On verra dans ce recueil comme un tableau authentique de quelques-unes des principales activités littéraires de ces dernières années. Il y aura tout profit à le consulter. Et le succès qui attend cette première série d’études encouragera monsieur Hébert à continuer son œuvre délicate et consciencieuse.
Camille Roy, ptre.
Québec, 13 janvier 1929.