Читать книгу Paris bienfaisant - Maxime du Camp - Страница 3

AVANT-PROPOS

Оглавление

Table des matières

Un vieux proverbe a dit: Qui a bu boira; j’en reconnais la justesse aujourd’hui. Je m’étais promis de ne plus m’occuper des œuvres de la charité privée croyant avoir dit tout ce que j’avais à en dire. Serment d’ivrogne, auquel je vais manquer sans scrupule. Certaines questions sont inépuisables: on peut en parler pendant de longs jours, sans parvenir à formuler la solution définitive; il est presque imprudent d’y toucher, car elles vous sollicitent, vous rappellent, vous saisissent; on a beau les vouloir repousser, elles vous étreignent, car elles possèdent un charme auquel on ne peut s’arracher. Elles sont toutes-puissantes, elles effacent bien des tristesses; volontiers l’on s’y réfugie pour échapper au découragement; elles consolent de certains spectacles et gardent l’espérance vivace au fond du cœur.

Lorsque les nuages de la vieillesse ont envahi l’horizon de notre existence, lorsque, dans le recueillement de la solitude, on revit par le souvenir les jours écoulés, on s’aperçoit que, semblable au voyageur assis au milieu des ruines, on n’est plus entouré que de débris. La famille a disparu, emportée vers les destinées futures, les amis sont morts, les amours sont éteintes, les vanités ne pèsent plus rien dans la main, les gouvernements sous lesquels on a vécu se sont écroulés les uns après les autres avec une sorte de régularité fatidique. L’avenir est sans promesse et le passé n’a plus que des lamentations. Tout ce qui a fait l’attrait de la vie s’est étiolé ; une seule chose reste inébranlable, grandissant à mesure qu’on la contemple de plus près, belle, vigoureuse, digne d’émulation: c’est la bonté.

Dans un précédent volume, j’ai essayé de raconter les actes de la bonté guidée par la foi catholique. Le sujet était limité, je ne le pouvais dépasser sans sortir d’un cadre déterminé ; il a suffi cependant pour mettre en lumière des actions bienfaisantes dont l’ampleur et la continuité sont admirables; mais en dehors de ces œuvres il en est d’autres qui émanent de conceptions philosophiques et de communions religieuses dont le catholicisme repousse les dogmes. Elles ne sont point à dédaigner et les services qu’elles rendent auront du poids dans la balance de l’éternelle justice.

Ce sont quelques-unes de ces œuvres que je me propose d’étudier, ne serait-ce que pour démontrer qu’en notre pays, parfois si calomnié, il n’est pas une secte, pas une théorie spéculative, pas un groupe si exclusif qu’il paraisse, qui ne soit animé par l’amour du bien, ne cherche à en faire et ne contribue de la sorte à la grandeur nationale. On dirait qu’alors toute dissension cesse, toute rancune s’apaise, toute division s’efface, et que, sans arrière-pensée ni intérêt personnel, chacun s’empresse au dévouement et à la charité.

La France est femme, il y a longtemps qu’on l’a dit pour la première fois; la tête est légère, mais le cœur est riche, ouvert aux aspirations supérieures et avide de sacrifices. Cette bonté, que j’admire entre toutes les vertus, je la retrouve en elle, active, ingénieuse, sachant que bien souvent on en abuse et qu’on la trompe, mais n’en continuant pas moins la route qu’elle s’est tracée, sans souci des déboires qu’on ne lui épargne pas, ni des déceptions dont sa moisson est faite. C’est là, en effet, le grand principe de la bienfaisance: si, parmi les grains qu’elle sème, un seul germe sur une terre fertile, le labeur n’aura pas été vain. Cette bonté, je la retrouve à tous les degrés des conditions sociales, aussi bien dans l’hôtel armorié que dans la mansarde, au château comme dans la chaumière. J’ai été très frappé de cela, lorsque, par fonction, j’ai dû étudier les dossiers relatifs aux actes de vertu proposés aux récompenses que l’Académie française a mission de décerner .

Partout, de chaque coin de la France, s’élève l’hymne de la vertu, hymne très doux que modulent des milliers de voix, que rien n’interrompt, et qui monte incessamment sous le ciel comme une protestation contre les dénigrements systématiques, comme une affirmation de vitalité. Gesta Dei per Francos, disait-on jadis. Si la vertu est l’œuvre même de Dieu, la France est toujours son meilleur ouvrier.

A chacun et à chaque jour suffit sa tâche. Que d’autres racontent les débauches de Paris, sa sottise, sa légèreté et ses incohérences: c’est leur droit et je n’y contredis pas; je les préviens seulement, — et ils peuvent en croire un vieux voyageur, — que les scandales qu’ils mettront au jour, afin d’émoustiller la curiosité des lecteurs, se reproduisent quotidiennement sur les bords de la Tamise, du Tibre, de la Sprée et de la Néva. Le mal a le don d’ubiquité, il ne se mire pas seulement dans les eaux de la Seine. Si la part que j’ai choisie n’est pas exclusive à Paris, elle y est du moins plus imposante qu’ailleurs, et elle prouve que toutes les croyances, toutes les conditions y rivalisent pour l’action du bien.

Janvier 1888.

Paris bienfaisant

Подняться наверх