Читать книгу L'Anneau des Dragons - Морган Райс, Morgan Rice - Страница 14
CHAPITRE HUIT
ОглавлениеLe courant malmenait Renard, le bousculait tel un mari rentré plus tôt que prévu, de sorte qu'il semblait comme jailli de l'eau. Cet homme robuste se retrouvait ballotté comme un vulgaire jouet, son poids devenu presque plume par la force de l’eau.
L’eau s’engouffra dans le manteau de Renard, l’habit se fit plus pesant qu’une chape de plomb sur ses épaules. Renard déchira et arracha son pardessus mais la boucle se prit dans sa tignasse rousse, l’immobilisait alors qu'il s'accrochait à un rocher. Renard arracha une épaisse mèche de cheveux et parvint ainsi à se dégager, projeté en avant par le courant.
Renard se débattait pour rester à la surface, essayant de se rappeler pourquoi se jeter à l’eau lui avait semblé à la base une si bonne idée. Il émergea, réussit à prendre une goulée d’air et se souvint avoir aperçu au loin la grosse masse rouge du dragon. Un petit séjour dans l’eau valait mieux qu'être brûlé vif, n’est-ce pas ?
La rivière apporta la réponse à sa question en l'entraînant à nouveau sous les flots, le propulsant à une vitesse comparable à celle d’un cheval au galop. Renard se heurta aux rochers qui écrasèrent ses côtes et dut user de ses bras et jambes pour repousser les pires écueils avant de les percuter à nouveau.
La situation ne pouvait pas être pire.
Il remonta à la surface et le regretta aussitôt. Devant lui, l'eau céda la place à l’écume et aux embruns, tandis que la rivière semblait tout bonnement disparaître par-delà les rochers déchiquetés. Une chute ou un barrage attendaient Renard, il tomberait bientôt de Charybde en Scylla.
Il nagea vers le rivage, ne voulant pas combattre la rivière de front mais l’affronter de biais. Renard comprit dès ses premières brasses que son idée ne fonctionnerait pas. La rivière était trop puissante, le courant l’entraînait trop vite. Renard devrait choisir entre passer en force ou s'écraser contre les rochers en vue – sa vie se résumait à des choix draconiens depuis ces derniers temps.
Renard supposa que la plupart des gens auraient choisi les rochers, auraient essayé de s'y cramponner pour éviter de terminer dans la cascade. Ils se seraient probablement fracassés contre et Renard n'était pas du genre à choisir la facilité. Il nagea jusqu’à un espace libre entre eux, eut le temps de contempler le vide trente mètres plus bas, si ce n’est plus, dans la rivière en contrebas puis, ce fut la chute.
Renard fit en sorte que sa chute se mue en plongeon et quand bien même, l'élégance n'était pas de mise vue la façon dont il fit son entrée dans l'eau. Une vasque attendait Renard, il n’avait plus qu’à espérer qu'elle soit assez profonde, faute de quoi cette chute sonnerait son trépas.
Il tendit les mains droit devant lui, fendant et battant l'eau avec une force qui l’ébranlait jusqu’aux os. Renard s’arcbouta afin de pénétrer moins profondément dans l’eau mais il heurta le fond de la vasque suffisamment violemment pour perdre le peu de souffle qui lui restait.
Renard apercevait la surface au-dessus, tel un cercle de lumière bien trop éloigné pour qu'il soit en mesure de l'atteindre et le toucher. Mais déjà ses poumons le brûlaient, il dut lutter pour retenir sa respiration alors qu'il remontait vers la lumière.
La remontée lui parut une éternité. La vue de Renard s’obscurcissait peu à peu, la pression allait crescendo sous son crâne qui lui semblait à deux doigts d’exploser. Il respirerait bientôt, qu'il le veuille ou non, l'eau s’engouffrerait dans ses poumons, il mourrait noyé…
Renard surgit à la surface, en manque d’air. Il leva les yeux, vit la chute d'eau qui se fracassait au-dessus, elle paraissait encore plus haute vue de là que lors de sa descente. L'eau martelait tout autour de lui, Renard trouva la chose rafraîchissante au possible à cet instant précis, il était vivant.
"Je suis vivant !" cria-t-il à la cantonade, attitude assurément des plus stupide. Il était déjà convaincu, à sa grande joie, que les dieux prenaient visiblement un malin plaisir à le tourmenter. Renard se mit à nager jusqu’au bord de la vasque.
Arrivé à bon port, il se hissa hors de l'eau sur une berge rocailleuse, épuisé et trempé jusqu'aux os. Il resta allongé pendant ce qui lui sembla une éternité, le soleil était désormais suffisamment chaud pour qu’il crut percevoir de la vapeur s'élever de tout son être.
Renard vérifia ses biens, essaya de définir ce qui restait suite à son plongeon dans la cascade. Il n'avait pas d'épée, mais toujours un long couteau sanglé à sa hanche. Sa bourse contenant son argent avait survécu, il possédait par conséquent encore une forte somme, grâce à l'amulette revendue à Geertstown.
Renard savait sans même avoir besoin de vérifier que l'amulette était toujours là. Il la sentait qui s’amusait à le pousser à bout, le vidait petit à petit de son énergie vitale. Renard était brisé et meurtri, épuisé et à peine capable de reprendre son souffle. Il sentait malgré tout quelque chose de bien plus insidieux sous-jacent, alors que l'amulette menaçait de l’achever.
Pourquoi cette amulette ne l’avait-elle pas déjà tué ? Renard n'était pas du genre à poser ce genre de question en temps normal, cela ne pouvait qu’attirer du négatif mais il ne pouvait s'empêcher de se poser des questions en pareil moment. Il ne pouvait rien faire hormis s’en poser justement, trop épuisé pour agir, même avec la perspective d'un dragon dans les parages qui le traquerait sans doute.
Le receleur auquel il avait vendu l'amulette était mort moins d'une heure après, pompé jusqu’à la moelle et n’ayant plus rien d’humain. L'homme était certes âgé mais quand bien même, Renard ne pouvait croire que l'amulette ait pu causer pareils dégâts. Il se tramait quelque chose, quelque chose qui le dépassait.
Renard finit par se redresser, s’asseoir et se lever. Il savait ce qu'il devait faire sans qu’on ait besoin de le lui souffler, il le savait depuis le moment où il avait volé l'amulette à Geertstown : il avait besoin d'un sorcier.
Le problème était toujours le même. Les sorciers étaient tout sauf du vulgus pecum, trouver quelqu'un qui en savait suffisamment long en matière de magie pour s'occuper d'une amulette redoutée par les Forces Obscures en personne, en dépit de leur terrible pouvoir… comment espérer trouver un homme qui en soit capable ?
Renard se mit en marche, ses vêtements dégoulinaient à chacun de ses pas. Il avait déjà fait une douzaine de pas avant de réfléchir quelle direction prendre. La position du soleil lui fournit la réponse. Il allait vers l'est, vers Royalsport.
Il savait son idée stupide, les rumeurs qui couraient sur Geertstown disaient que la guerre venait de l'est. Une cité pleine de voleurs et de contrebandiers était considérée comme un havre de paix eu égard au reste du royaume.
Evidemment, la majeure partie de Geertstown était actuellement en feu, grâce au dragon venu chercher l'amulette.
Renard la prit et l’admira. Un petit morceau d'écaille de dragon au centre d’un octogone, chaque face affichait une pierre précieuse de couleur différente qui brillait au soleil.
"J'aurais dû te laisser à ta place," dit Renard à l'amulette. "Pourquoi faut-il toujours que je n’en fasse qu’à ma tête ?"
Et pourtant. Il l'avait reprise pour éviter des problèmes ultérieurs, la seule solution aurait été de laisser une chose aussi puissante entre les mains des Forces Obscures. Cette seule motivation s'était avérée suffisante pour que Renard prenne de court des individus capables de le réduire en pièces à l'aide de leurs pouvoirs magiques.
Devoir se rendre à Royalsport pour trouver un sorcier n'était rien en comparaison. Il savait de qui il avait besoin, il n’existait qu'un seul homme capable de l'aider en pareille situation. Renard devait faire appel à Maître Grey, le sorcier du roi. Il devait aller voir l’enchanteur, même si cela impliquait affronter la violence qui sévissait à l'est, et demander son aide.
Ou bien, conserver simplement l'amulette dans sa main et s’enfuir, en espérant que cela suffise à rompre leur lien, le sorcier saurait quoi faire.
Quoi qu'il en soit, Renard continua à cheminer parmi la rocaille, continua d’avancer dans l'espoir de trouver un chemin. Il tomba sur une piste qu’il suivit et le mena à une piste plus grande, il poursuivit son périple.
Il était presque déjà rendu au prochain village lorsqu’il se hasarda à jeter un regard en arrière, il avait gardé les yeux rivés devant lui jusque-là, penser à ce qui l’attendait éventuellement l’avait empêché de se retourner. Mais Renard n’y tenait plus. Il regarda par-dessus une épaule, scruta ciel et terre.
Il n'en fallut pas plus pour qu'il trouve ce qu'il cherchait. Ce n'était qu'un point maintenant, mais bel et bien là, de sorte que Renard savait qu'il ne ferait pas halte dans ce village, ou dans n’importe quel autre, bien longtemps, à peine le temps de voler un cheval.
Le dragon volait à l’horizon, le suivait lentement mais sûrement, Renard savait qu’il rôtirait à nouveau dans ses flammes s’il ne rejoignait pas le sorcier au plus vite, guerre ou pas.