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CHAPITRE DEUX

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Le grand salon du château bourdonnait comme une ruche, les tapis carrés étaient envahis par des gens qui se pressaient d’accomplir tout et n'importe quoi, les hauts murs de pierre résonnaient de leurs conversations alors qu'ils essayaient de voir comment se rendre utiles pour la suite des évènements.

Cela rappelait en quelque sorte à Lenore l'activité débordante des semaines précédant son mariage, lorsque tout le château résonnait de festivités, mais la situation n’avait plus rien de léger ni joyeux. Certaines bannières jadis suspendues aux murs avaient été décrochées, les nobles se disputaient pour savoir s'il fallait les couper pour en faire des bandages de fortune, tandis que le trône demeurait vacant, sans aucun signe de Vars pour y prendre place, l'homme qui aurait dû s'y asseoir étant mort.

Cette pensée emplit Lenore de chagrin, mais elle devait faire semblant de garder son calme, demeurer le noyau immobile autour duquel les autres gravitaient. Ils avaient besoin de quelqu'un qui se maîtrisait, qui gardait son sang-froid, qui réfléchissait quand eux se contentaient simplement d’agir ; ils avaient besoin d'une princesse, ce qui signifiait que Lenore jouait le rôle auquel elle s'était préparée toute sa vie durant.

"Non, ne vous contentez pas de barricader la porte du grand salon donnant sur l’extérieur ; clouez-la."

"Mais où trouver des clous ?" demanda un noble. Lenore ne retira aucun plaisir du fait qu'il lui demande des instructions alors qu’il la percevait voilà encore un jour ou deux comme un bel objet inutile.

"Je ne sais pas. Cherchez dans les réserves du château s'il le faut," répondit Lenore. "Exécution."

L'homme s’éloigna sans poser de questions. Beaucoup de ceux présents agissaient sans remettre ses instructions en doute. Lenore soupçonnait que c’était lié au fait qu’elle soit la sœur du nouveau roi et la femme du fils du Duc Viris. A moins que les gens veuillent simplement que quelqu'un leur dise quoi faire en période de crise.

Lenore aurait tellement souhaité qu'il y ait quelqu'un qui puisse lui dire quoi faire.

Elle n'avait jamais eu aussi peur de toute sa vie. Une armée composée d’hommes semblables à ceux qui l'avaient kidnappée avait envahi la cité. Les Chevaliers d’Argent étaient partis, ainsi que la plupart des soldats. Comment pourraient-ils résister ? Et si le château tombait entre leurs mains ? Ils périraient donc tous ?

Ce n'était pas le pire que puisse imaginer Lenore, au vu des horreurs subies par certaines de ses servantes pendant l'enlèvement. Elle n'avait été impliquée que dans une seule et unique bataille terrifiante, mais que se passerait-il si toute une horde de soldats incontrôlables faisait irruption dans le château ?

Sans parler du Roi Ravin, le commanditaire de son enlèvement, le responsable de la mort de son frère et son père. Lenore avait entendu parler de sa cruauté, des histoires toutes plus écœurantes les unes que les autres. La peur s’emparait d’elle rien qu'en y pensant.

"Votre Altesse," demanda un serviteur. "Désirez-vous que l’on apporte les armes de l'armurerie ?"

Lenore réfléchit à ses troupes potentielles. Des serviteurs qui n'avaient probablement jamais tenu une épée de leur vie. Une nuée de nobles, dont beaucoup âgés, pour la plupart aussi effrayés que Lenore. Mieux valait peut-être essayer de se battre malgré tout. Une mort rapide serait la meilleure option.

"Allez chercher un maximum de gens." Elle désigna un autre serviteur. "Accompagnez-le."

"Oui, Votre Altesse."

Lenore continua d’organiser la défense du château, s’adressant tour à tour aux serviteurs et aux nobles. "Vous, prenez qui vous voulez et allez me chercher le plus d’huile possible en cuisine. Apportez-la à la maison du garde et commencez à la chauffer, afin qu’elle soit prête à être versée. Vous, fermez les portes et baissez la herse."

"Et ceux encore dans la cité ?" demanda l'homme.

Le cœur de Lenore se brisa face à sa question, et la réponse qu'elle ne voulait pas lui donner. "Ils… ils n'ont aucune chance de s’en sortir à marée haute. Si nous les voyons revenir, nous pouvons… nous lancerons des cordes."

Elle ne lui dit pas que les chances de les voir revenir étaient infimes ; elle n'y songea pas, parce qu'Erin et son étrange moine étaient toujours là, à combattre l'ennemi. Ils étaient peut-être même plus en sécurité à l’extérieur qu'au sein du château, cela signifiait qu'ils auraient une chance de se cacher et s'enfuir le moment venu. Non pas qu'Erin s'enfuirait de gaieté de cœur, mais peut-être que Odd l'y obligerait.

Lenore regarda autour d'elle, sachant qu'elle et les autres n'auraient aucune chance de s'échapper. Leur seul espoir consistait à essayer de protéger le château, mais ils étaient bien trop peu nombreux en vérité. Elle pourrait donner une lance à chaque serviteur, insister pour que chaque noble prenne place sur la muraille pour tenter de repousser la marée montante que ce ne serait toujours pas suffisant. Les tâches qu'elle leur assignait étaient davantage dues au fait qu'elle savait qu'ils devaient se sentir utiles en pareil moment, et non parce qu'elle imaginait que ce soit vraiment efficace lorsque l'armée du Roi Ravin surgirait.

Avoir quelques notions de stratégie se serait peut-être avéré plus efficace. A vrai dire, ses ordres n’étaient que les réminiscences de ses jeux avec Erin, qui insistait à jouer à défendre le château contre des ennemis imaginaires lorsqu’elles étaient enfants, ou parce que Rodry ou leur père racontaient des histoires sur la façon dont ils avaient combattu tel ou tel ennemi. Certaines de ces histoires lui avaient semblé vraies, nombre d'entre elles inventées.

Elle souhaitait, pour la centième fois, qu’un autre prenne les choses en main. Vars était censé être roi maintenant, mais il n'était pas là pour donner ses ordres. Rodry et son père étaient tous les deux morts, morts au moment où leurs compétences en l’art de la guerre auraient été les plus utiles. Erin était dans la cité et faisait de son mieux là où elle pouvait apporter son aide. Lenore comprenait mais savait qu'avec si peu de troupes, lutter et combattre dans la cité valait mieux qu'attendre au château, elle aurait tant voulu que sa sœur soit à ses côtés.

Lenore se trouva même à souhaiter la présence Finnal, même si elle ne savait que penser de son mari. Était-il l'homme bon qu'il incarnait parfois, ou un individu cruel ? Dans les contes, ce serait le moment où il accourrait prendre la situation en main et prouverait à Lenore combien il l'aimait. Mais aucun signe de lui. Œuvrait-il à la défense de la cité ?

Mais plus encore que Finnal, Lenore se trouva à souhaiter la présence de Devin. Il était intelligent et gentil, elle se sentait… en sécurité dès qu'elle pensait à lui. S'il avait été présent, il aurait peut-être pu lancer un sortilège appris de Maître Grey, un sort de protection. Lenore se languissait de sa présence plus encore que celle de son mari. Mieux valait peut-être qu’il ne soit pas là. Mieux valait peut-être qu'il soit parti de par le vaste monde, chargé d’une étrange mission confiée par le sorcier. Il y serait peut-être plus en sécurité. Certainement plus en sécurité que ne l'était Lenore.

Lenore était perdue dans ses pensées lorsque sa mère entra dans la pièce. Sa démarche assurée attira d'abord son attention ; la Reine Aethe avait arpenté le château durant de nombreux jours tel un être brisé, anéanti. Aujourd'hui, et bien que toujours vêtue de noir en signe de deuil, elle fit irruption au centre de la pièce tel un général, avec un air de commandement.

"Qui s'en occupe ?" demanda-t-elle. Tous les regards se tournèrent vers Lenore.

"Je crois … je crois bien que c'est moi, Mère," répondit Lenore.

Sa mère posa sa main sur son épaule. "Tu ne devrais pas t’en occuper seule. Vous," dit-elle, en désignant un noble. "Pourquoi rester les bras croisés ? Rendez-vous utile, ne serait-ce que découper ces bannières pour en faire des bandages."

Elle avait évidemment remarqué ce que Lenore avait imaginé, bien qu'elle n'ait pas été là au moment voulu.

"Mais les bannières sont frappées du sceau royal."

"Pensez-vous que mon mari se souciait plus des bannières, ou des gens qui les portaient ?" La Reine Aethe rétorqua "Je suis l’épouse d'un roi et la belle-mère d'un autre. Si un homme se vidait de son sang parce que nous n'avons pas suffisamment de bandages, je vous en tiendrai responsable."

Le noble se dépêcha de s'atteler à la tâche. Lenore ne pouvait s’empêcher de dévisager sa mère.

"J'essaie de faire en sorte qu’ils se bougent, mais en vain," dit-elle.

"Oui, ils sont habitués à ma sévérité," dit La Reine Aethe. Elle regarda Lenore dans les yeux. "J'ai été dure avec toi à propos de Finnal. Une mère doit être là pour sa fille, et pas seulement quand elle fait ce qu'elle pense devoir faire."

La dernière fois qu'elles s’étaient parlées, sa mère n'avait pas écouté, déversant son chagrin sur Lenore comme si ses propres difficultés ne comptaient pas face aux siennes, Lenore ne s'y attendait pas le moins du monde.

"Merci," dit Lenore en posant sa main sur celle de sa mère.

"Tu ne devrais pas avoir à me remercier de me comporter en tant que mère. Tu avais raison l’autre fois, quand tu m'as dit qu'il y avait plus grave au monde que mon chagrin."

"Je suis désolée," déclara Lenore. "Je me suis montrée dure. Père me manque aussi."

"Je sais mais tu avais raison. Il y a des choses plus importantes. Son royaume, notre royaume est en danger, et je ne resterai pas les bras croisés. Je ferai le nécessaire pour le protéger, et vous aussi. Tout, quoi qu’il arrive."

L'Anneau des Dragons

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