Читать книгу Les enfants des Tuileries - Olga de Pitray - Страница 13
«Vive notre bon Monsieur...» (Page 22.)
ОглавлениеMère Yvonne obéit en grommelant: «Petits services! Bons saints du Paradis, ils ne m'empêcheront pas de dire ce que je pense, ah! mais non, da! et je le leur dirai, en face; je me gênerais peut-être pour aimer et vénérer ces bons coeurs-là....»
Le reste se perdit dans l'éloignement, et peu à peu la foule se dispersa, après avoir pris affectueusement congé des châtelains de Kermadio. On sentait de part et d'autre un vrai, un sérieux attachement, et les bons Bretons exprimaient avec effusion leurs regrets du départ, leurs espérances d'un prompt retour.
La famille fit en silence sa promenade accoutumée: chacun regrettait cette belle et paisible campagne où l'on vivait si heureux, si aimé. La mer, qui baignait la plage de Kermadio, faisait entendre son doux et incessant murmure: les grands chênes laissaient pendre leurs branches énormes jusque dans les flots et l'on respirait avec délices la brise du soir.
«Retrouverons-nous cela à Paris? dit Armand à demi-voix.
--Non, dit sa mère en l'embrassant, mais nous y verrons bientôt toute notre chère famille réunie, et ici, nous ne pouvons l'avoir, tu le sais!
--C'est cela qui me console, dit Élisabeth! Cette chère grand'mère! quelle joie de la revoir!
--Oh! oui, dit Armand, à cause de cela je suis enchanté. Jacques et Paul sont comme nous, du reste; ils aiment bien la campagne, mais ils veulent avant tout rejoindre grand'mère!
--Je crois bien! reprit Élisabeth vivement: qui est-ce qui ne l'aimerait pas cette bonne grand'mère, si bonne, si gaie, si spirituelle, si complaisante, si indulgente, si....»
Tout le monde riait en entendant Élisabeth parler avec son animation ordinaire, animation tellement augmentée par son émotion que la respiration lui manqua tout à coup.
«Il faut avouer, dit gaiement Mlle Heiger, que si votre grand'mère ne vous aimait pas, Élisabeth, elle vous ferait un vif chagrin.
--Je crois bien! dit Armand; aussi elle aime joliment Élisabeth, allez, mademoiselle!
--Et toi aussi, s'empressa de dire sa soeur.
--Oui, mais moins, répliqua Armand; et elle a raison; tu vaux mieux que moi.
--Oh! non, Armand! s'écria Élisabeth.
--Si, si! je le sais bien, va! mais je ferai des efforts pour me corriger, sois tranquille. Tiens, je fais rire papa! C'est vrai pourtant ce que je dis là, papa; je deviendrai meilleur.
--Tu prends là une excellente résolution, cher enfant,» répliqua M. de Kermadio, en serrant la main de son fils.
La promenade achevée, chacun alla faire ses préparatifs de départ. Les deux dernières soirées s'écoulèrent calmes et heureuses: Mme de Kermadio, Mlle Heiger et Élisabeth finissaient des vêtements pour les pauvres, tandis qu'on causait gaiement; une partie des veillées se passèrent à écouter une lecture amusante et instructive faite par M. de Kermadio, qui avait un rare talent de lecteur. Armand, lui, faisait des filets à poisson ou dessinait.
Enfin, le jour du départ arriva et tous, le coeur gros, quittèrent Kermadio et prirent le chemin de fer, ne pensant guère qu'ils allaient retrouver en route leurs brillants et vaniteux amis.