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Je ne crois pas que, dans aucun temps, dans aucun pays, le pouvoir se soit mis aussi directement en cause qu’il vient de le faire pour l’élection du 27 avril. On comprend que, dans des élections générales, alors que le pays tout entier est appelé à renouveler une Assemblée, les membres d’un ministère se présentant au suffrage des électeurs, le gouvernement considère la nomination de ses ministres comme une sanction apportée aux actes du cabinet.

Mais, — et les journaux étrangers l’ont bien fait remarquer, — qu’à propos d’une élection partielle survenant à la fin d’une législature, aux yeux de tout le monde depuis longtemps épuisée, le chef du pouvoir présente son ministre favori et fasse pour ainsi dire de son élection une affaire personnelle, voilà qui est souverainement impolitique. Disons-le tout de suite, M. Thiers a fini par comprendre que cette manière de se faire décerner par une ville un vote de confiance dépassait la limite imposée aux prétentions du pouvoir.

A cette heure, après l’échec, M. Thiers a renoncé de lui-même à sa première idée. Il a eu le bon esprit de ne pas se formaliser de la leçon qu’il venait de recevoir, et il semble en avoir pris son parti.

C’est cette façon dont la lutte électorale a été posée à Paris qui la rend curieuse et intéressante.

Tout d’abord, nous voyons des maires nommés par le pouvoir, fonctionnaires complétement en dehors du corps électoral, offrir la candidature à M. de Rémusat. Immédiatement, les journaux officieux commencent la campagne.

Le Temps, le Journal des Débats, comme le Bien public, comme le Soir, comme le XIXe Siècle, acceptent l’idée et mettent un acharnement véritable à la défendre.

Le moment cependant n’était pas encore arrivé de se lancer à fond. L’Assemblée de Versailles était occupée par des discussions graves et du plus haut intérêt pour le pays. On délibérait sur les conclusions de la Commission des Trente; la loi contre la municipalité de Lyon allait être mise à l’ordre du Jour; enfin, le décret de convocation des colléges électoraux n’était pas signé.

Cette discussion anticipée de la candidature de M. de Rémusat s’arrêta donc subitement. Mais la polémique du premier moment avait eu ce résultat de dessiner nettement les partis. On pouvait être certain que la candidature du ministre des affaires étrangères serait combattue avec énergie par les organes de la démocratie; il était évident aussi qu’elle le serait par ceux de la légitimité et du bonapartisme: les journaux de la présidence et les feuilles orléanistes allaient seules tenir la campagne.

Le 3 avril parut au Journal officiel le décret convoquant les électeurs des Bouches-du-Rhône, de la Corrèze, de la Gironde, du Jura, de la Marne, du Morbihan, de la Nièvre et de la Seine .

Le gouvernement venait de commettre une grande faute en ne convoquant pas les autres colléges vacants, et surtout en laissant de côté le département du Rhône. C’était une faute, parce que, sous prétexte d’empêcher Lyon de protester contre la mutilation de ses franchises municipales, on allait donner à la lutte qui s’engageait un caractère beaucoup plus sérieux. Une question de principe allait être mise en jeu. M. Thiers, pour satisfaire les rancunes de la droite, compromettait gravement ce qu’on est convenu d’appeler sa politique.

Il put bientôt s’en apercevoir. En face de la candidature de son ministre, le parti démocratique tout entier posa celle de l’ex-maire de Lyon.

Le parti démocratique, en cette circonstance, fit preuve d’une discipline vraiment admirable. Le nom de M. Barodet ne fut mis en avant qu’au moment précis où cela devint nécessaire.

On ne compromit pas cette candidature par un zèle prématuré , comme celle de M. de Rémusat; mais aussitôt elle rallia autour d’elle tous les sincères amis du peuple. Les citoyens dont les noms avaient été mis en avant: MM. Lockroy, Nadaud, Ranc, Dupont de Bussac, se retirèrent spontanément.

Un Comité d’études, composé de quelques citoyens connus pour les services rendus à la cause républicaine, se forma. Un plan d’organisation fut discuté et adopté. Huit délégués, pour chacun des arrondissements de Paris, et douze pour chacun des arrondissements de Sceaux et Saint-Denis, devaient former un Congrès républicain radical. Tous ces délégués furent nommés dans des réunions publiques, ou des réunions privées formées par un grand nombre d’électeurs.

La crainte d’éloigner certains républicains modérés, ralliés à la candidature Barodet, fit proposer un changement dans le titre. La dénomination de Congrès républicain démocratique fut adoptée, mais seulement à une faible majorité.

Après avoir nommé son bureau, le premier soin du Congrès fut de choisir son candidat. Chaque délégué avait reçu le mandat de soutenir la candidature de l’ex-maire de Lyon, et le nom de M. Barodet fut acclamé à l’unanimité.

Les journaux qui s’étaient tant hâtés de mettre eh avant le nom de M. de Rémusat, ne reprenaient pas vite la campagne. Il y avait à ce retard une raison péremptoire: M. de Rémusat ne se prononçait pas encore. Des démarches avaient été faites auprès de lui pour le prier d’accepter, mais n’avaient point encore abouti. Quelques membres de la gauche: MM. Arago, H. Martin, Langlois, Tirard, Leblond, se réunissaient chez M. Carnot père, et demandaient une réponse définitive.

On résolut de faire une dernière tentative. En cas de refus, on avait choisi, pour présenter aux électeurs de Paris, M. Valentin, ancien préfet du Rhône.

Il semble que ce qui arrêtait M. de Rémusat, c’était la façon au moins singulière dont il avait été mis en avant. Il lui répugnait de prêter son nom pour une candidature aussi ouvertement officielle. Cependant, prié à la fois par M. Thiers et par le groupe Carnot, il accepta. On peut croire, toutefois, qu’il n’accepta qu’à la condition que le décret convoquant les électeurs du Rhône fût signé. Ces deux actes, en effet, furent simultanés. Le journal officieux le Soir annonça les deux nouvelles de telle sorte qu’il n’y eut pas à s’y tromper. On verra plus loin cette pièce, que nous avons reproduite en lui conservant sa physionomie .

C’était donc bien une candidature officielle qui était posée à Paris, tellement officielle qu’on offrait presque ouvertement à M. Barodet la candidature à Lyon.

Les murs de Paris en avril 1873

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