Читать книгу Les murs de Paris en avril 1873 - Onésime Monprofit - Страница 7
IV
ОглавлениеAprès les élections de 1863, Proudhon écrivit, en tête de son livre De la capacité politique des classes ouvrières: «Il s’agit de montrer à la démocratie ouvrière, qui, faute d’une suffisante conscience d’elle-même et de son idée, a porté l’appoint de ses suffrages sur des noms qui ne la représentent pas, à quelles conditions un parti entre dans la vie politique; comment, dans une nation, la classe supérieure ayant perdu le sens et la direction du mouvement, c’est à l’inférieure de s’en emparer, et comment un peuple, incapable de se régénérer par cette succession régulière, est condamné à périr. Il s’agit, le dirai-je? de faire comprendre à la plèbe française que si, en 1869, elle s’avise de gagner pour le compte de ses patrons encore une bataille comme celle qu’elle leur a gagnée en 1863-64, son émancipation peut être ajournée d’un demi-siècle.»
L’avertissement de Proudhon n’a pas porté fruit. En 1869, le peuple a encore fourni à ses «patrons » l’appoint de ses suffrages. Qu’en est-il résulté ? Au lieu de la Révolution, on eut le 4 septembre, et à l’heure actuelle la Révolution est encore à faire et elle sera plus difficile.
L’élection de Barodet contient plus d’un enseignement. Nous sommes trop peu éloignés des événements pour, juger de leurs conséquences; mais on peut dès aujourd’hui reconnaître ce qui est contenu dans le scrutin du 27 avril.
Lorsqu’il s’agit de revendication, le peuple marche en avant et va droit au but. Malheureusement, jusqu’ici on a surtout voulu faire des élections de politique. On a détourné le peuple de la voie où il s’engageait au nom des principes, et on l’a fait voter pour des gens qui ne méritaient même pas son estime, encore moins sa confiance.
Paris semble avoir compris qu’il doit désormais marcher non plus au nom de la politique, mais au nom des principes sans lesquels la démocratie ne peut exister. Le peuple s’est dit qu’il lui faut désormais, pour le représenter, non plus des hommes d’opposition légale, habitués aux manœuvres parlementaires, faisant un simulacre d’opposition au pouvoir, mais bien des hommes dont le nom ait une signification simple, claire et parfaitement déterminée. Il veut que le nom qui sort de l’urne soit l’expression exacte et incontestable de sa pensée. Il tient à montrer qu’en votant il sait ce qu’il fait, qu’il n’adhère pas aux déclarations sonores d’une profession de foi, mais à un petit nombre de principes exprimés, sans périphrases, dans un mandat impératif.
Voilà ce qui donne une portée si grande au scrutin du 27 avril. Le peuple de Paris, depuis le 8 février 1871, n’avait pas encore eu l’occasion d’exprimer librement sa pensée. Aux élections de juillet 1871, un mois à peine après la fin de la Commune, on comprend qu’il n’ait point parlé. En janvier 1872, on sait combien d’électeurs se tinrent encore à l’écart. Le 27 avril, le peuple a pensé qu’il était enfin temps de prendre la parole, et il l’a fait avec cette netteté et cette fermeté qui font peur aux puissants.
En mettant dans l’urne le nom de Barodet, le peuple de Paris n’a point fait de politique, il a affirmé trois principes: le Suffrage universel, l’Amnistie, la Liberté communale.
Il a dit aussi qu’il voulait la dissolution; mais ceci n’est qu’une question relative à la situation actuelle.
De ces trois principes, le plus important est, à coup sûr, le principe de la liberté communale. Le nom de M. Barodet, comme ex-maire de Lyon, ville fédéraliste par excellence, signifie Franchises municipales.
Le résultat du scrutin doit nous faire espérer dans l’avenir. Le Congrès républicain démocratique, en réorganisant le parti républicain, a prouvé qu’on pouvait arriver au but sans employer de grands moyens matériels. Viennent les élections générales, la victoire est assurée à la démocratie.