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Dans une histoire de France, si je me proposais de constater la naissance, la vie et la mort d’un prince ordinaire, resté ignoré comme tant d’autres, je me contenterais d’écrire: «Napoléon-François-Charles-Joseph est né de Napoléon Ier, empereur des Français, et de Marie-Louise, archiduchesse d’Autriche. En naissant il fut salué du nom de roi de Rome: son berceau, le seul trône de sa royauté, fut entouré d’une foule de courtisans, parmi lesquels on comptait des princes et des rois. Fils du plus grand souverain de son siècle, peut-être aussi des temps anciens et modernes, destiné à gouverner le plus puissant empire, il est mort dans l’exil à l’âge de vingt et un ans, avec le titre insignifiant de duc de Reichstadt.» Tout serait là.

Mais l’existence de cet enfant de France, proscrit par la politique, a trop subi les différentes phases de nos prospérités et de nos malheurs pour que tout Français ne tente pas d’en pénétrer les plus secrets mystères. A l’aide de précieux renseignements, qui nous sont parvenus depuis que le fils dort comme son père sous la pierre du tombeau, nous pouvons dès aujourd’hui assister à l’un des plus horribles drames de notre époque.

Quelle solidarité n’existe-t-il pas entre la patrie et ce prince infortuné !... C’est aux beaux jours de notre puissance et de notre gloire que tous les peuples le saluent roi dès sa naissance!... Il est banni du sol français quand la fortune publique se retire indignée des lâches perfidies... Il gémit dans la captivité quand nous murmurons sous un gouvernement perfidement oppresseur de nos franchises constitutionnelles... Il se réjouit avec nous quand nous secouons nos chaînes, et quand le présent promet, à lui comme à nous, un avenir de liberté !... Il s’éteint dans les souffrances du désespoir au moment où l’insurrection et l’émeute ensanglantent les rues et les places publiques de nos grandes cités, au moment où les vrais patriotes désespérèrent de la gloire, du salut même de la patrie...

En écrivant l’histoire de Napoléon II, mort duc de Reichstadt, j’ai donc pour but de démontrer comment cette vie torturée s’identifie avec la cause nationale. Il y a là de grands enseignements pour chacun; s’ils échappent quelquefois au lecteur, la faute en retombera sur le seul historien. Tout ce qui se rattache à la glorieuse époque de l’empire remue fortement l’âme à notre insu: les plus jeunes ne peuvent sans émotion jeter les yeux sur une seule page de cette immortelle histoire. Ainsi, par une sympathie irrésistible, nul ne peut sans verser des larmes penser au fils du héros, mort, comme son père, victime de l’infernale politique humaine, qui veut, mais en vain, lutter contre la providence des événements. Puissent les peuples ne pas oublier, comme les rois, qu’une force invisible pousse l’Europe, le monde entier, à jouir, bientôt peut-être, des bienfaits de la civilisation et de la liberté !...

La liberté ! Napoléon Ier fut son héros; rois et potentats, vous le saviez. Pour la tuer d’une main plus sûre, vous avez enchaîné le bras du conquérant sur un rocher du vaste océan, et vous avez flétri, usé par degrés sa vie si pleine encore d’espérance. Ainsi vos efforts l’ont empêché de continuer la grande œuvre de civilisation commencée par la gloire, mais interrompue par la perfidie et la lâcheté, qui vinrent à votre secours au moment où vous trembliez encore aux abois. Vous avez longtemps représenté le soutien de la démocratie comme le plus farouche des tyrans: à l’aide de la trahison, d’abord impuissante, vous avez appelé la calomnie; mais vous recueillerez un jour les fruits de vos nobles exploits. Napoléon Ier est tombé : son fils, son héritier n’est plus... La liberté est-elle morte?..... Quels sont ceux qui pleurent les martyrs de Sainte-Hélène et de Schœnbrunn? Ceux-là mêmes que vous vouliez tromper par vos mensonges diplomatiques. La France ne reporte pas seule de tristes regards vers un glorieux passé ; l’Europe, naguère sillonnée par nos armées impériales, le monde entier redemande la main puissante du vainqueur, pour reconstruire son oeuvre de civilisation. Pourquoi ces regrets? Parce que les peuples sont désormais en défiance contre la politique des rois; parce que les peuples ont reconnu dans le grand empereur le chef généreux et sublime de la démocratie; parce qu’ils ont enfin compris que la vieille royauté les avait traînés sur vingt champs de bataille, pour y détruire de leurs propres mains l’espérance de l’avenir.

... Les desseins de Dieu nous seront toujours cachés; l’humanité doit en attendre l’accomplissement avec confiance. L’absolutisme ne peut sans regret céder le trône du monde à la puissance des lois civilisatrices. Le sang coulera-t-il encore à flots? Et pourtant, sans un retour de la colère céleste, l’Europe avait définitivement conquis la civilisation: une ère de gloire et de bonheur pouvait dater de Moscow. Le Tout-Puissant, le seul maître et le seul roi, en avait décidé autrement! Le duel de la liberté et de la tyrannie devait recommencer, pour être sans doute plus long, plus opiniâtre, surtout plus sanglant.

Mais j’oublie trop que j’ai à parler d’une époque glorieuse pour la France. Avant nos malheurs, nos prospérités; avant notre honte, notre gloire et nos triomphes. La patrie avait cru trouver un gage de sécurité dans le mariage de Napoléon Ier avec Marie-Louise, fille de l’empereur d’Autriche. Avec quelle joie, avec quel bonheur ne fut-il pas célébré ! Cependant la Providence nous cachait sous les roses de cet hymen, elle nous réservait, dans un avenir rapproché, les plus terribles malheurs..... Mais qui pouvait alors les prévoir? Lui-même, avec quel orgueil ne courait-il pas à cette union! Il a choisi le château impérial de Compiègne pour être le lieu de sa première entrevue avec la nouvelle impératrice: il en a réglé d’avance le cérémonial; mais il n’aura pas la patience de suivre son programme. Il sort furtivement du palais avec le seul roi de Naples, dans une simple calèche, couvert de sa redingote de Wagram, et court ainsi à la rencontre de sa royale fiancée jusqu’au petit village de Courcelles, au delà de Soissons. La pluie survient: il va s’abriter sous le porche de l’église. Dès que l’archiduchesse paraît, il se précipite dans sa voiture. L’entrevue eut lieu de cette manière, et fut appelée surprise de Courcelles....

Français, entendez-vous encore le canon des Invalides? Le 20 mars 1811, à neuf heures du matin, un enfant venait de naître au grand empereur..... Quelle anxiété aux premiers coups!.... Toute la nuit qui avait précédé cette naissance, les églises de la capitale avaient été visitées par un peuple immense, dont les vœux s’élevaient au ciel pour l’heureuse délivrance de Marie-Louise. Dès que les salves s’étaient fait entendre, on avait vu de toutes parts les habitants de Paris se mettre à leurs fenêtres, descendre à leurs portes, remplir les rues, et compter les coups de canon avec inquiétude. Ils se communiquaient leurs affections. Cette foule, toujours si tumultueuse, s’était arrêtée comme un seul homme... —Elle écoute..... Elle craint de respirer..... Quel enthousiasme quand elle comprend que le ciel accorde un fils, un héritier aux vœux de Napoléon Ier!... Dans la grande cité, tout un peuple semblait ne plus former qu’une famille. On se presse: on s’embrasse sans se connaître: l’amour du prince confondait tous les cœurs dans un seul sentiment d’amour.

Ici je me rappelle l’acharnement que les ennemis de l’empereur ont souvent mis à le déchirer. Combien de fois ne l’ont-ils pas accusé de cruauté, d’égoïsme surtout! Cependant suivons-le dans les différentes phases de l’accouchement de Marie-Louise. Le 19 mars 1811, vers le soir, l’impératrice ressent les premières douleurs qui annoncent l’enfantement. Dubois se trouve seul aux Tuileries: il craint des couches difficiles: il demande la présence de Corvisart; mais il est impossible de trouver ce dernier. Il se trouble. Napoléon, effrayé lui-même, essaye de le rassurer, et veut lui donner un courage, une confiance qui lui manquent. «Faites, lui dit-il, comme pour la femme d’un simple soldat.» Dubois tremble que l’opération ne devienne périlleuse; qu’on ne soit obligé d’avoir recours aux moyens extrêmes. Il demande ce qu’il doit faire dans le cas où il serait réduit à sacrifier la mère ou l’enfant. Qui doit-il sauver? Le choix de Napoléon n’est pas douteux: «La mère!... Sauvez la mère!...» S’il était bien l’homme dans lequel l’ambition étouffait tout autre sentiment, se serait-il hâté de renoncer à l’enfant que le ciel lui donnait? Aurait-il consenti à voir s’éteindre, pour toujours peut-être, la plus chère de ses espérances?

De toute la nuit, il ne veut pas quitter sa femme un seul instant. Témoin de ses crises, il souffre de ses douleurs: il pâlit, il tremble, lui qui n’avait jamais connu la crainte, même au milieu de la plus terrible mêlée!... Cette nuit d’anxiété lui a plus coûté que vingt batailles; et quand tout est fini, avec quelle inquiétude ne s’occupe-t-il pas du salut de l’impératrice, sans songer à ce fils, son plus grand espoir! On ne revint au nouveau-né que lorsqu’il sut la mère entièrement hors de danger. Oh! alors quelle est sa joie! Avec quel bonheur il s’écrie en le montrant aux officiers de sa maison: «C’est un roi de Rome!»

Roi de Rome! Naître avec la royauté ! Quel avenir! Son père tient dans ses mains les destinées de l’Europe: il commande à plus de quarante-deux millions de sujets: ses frères, comme autant de satellites, sont assis sur autant de trônes inférieurs, autour de son trône resplendissant de gloire. Le roi de Prusse, l’empereur d’Autriche, soumis à ses armes, ont tous deux sollicité à genoux la faveur de son alliance: l’héritier des Césars a même ambitionné l’honneur de lui donner la main de sa fille: le descendant des czars, le petit-fils de Pierre le Grand, qui avait aussi recherché l’union de notre empereur avec sa sœur, la grande duchesse Anne, se glorifiait encore à cette époque de l’amitié du grand homme, du soldat-roi. L’Angleterre seule, l’Angleterre jalouse gémissait de la gloire des Français, et cherchait partout et toujours à miner la puissance de l’empire. Mais que pouvait le gouvernement britannique contre la forte épée de Napoléon Ier? que pouvait-il si les destins ne s’étaient pas prononcés un moment contre nous? Quelle puissante souveraineté !... Et cet édifice colossal devait, avant trois ans, s’écrouler sur le berceau du roi nouveau-né !....

Naples, Milan, Amsterdam, Hambourg, toutes les provinces françaises eurent bientôt salué de leurs acclamations la naissance d’un héritier du trône impérial. Un ballon en porta la nouvelle à Rome. Les divers corps de l’état, les ambassadeurs étrangers vinrent à l’envi féliciter l’empereur au comble de ses vœux.

Ne serait-il pas curieux de redire ici les noms de ceux qui s’inclinèrent devant le berceau de ce roi enfant? Un jour, plus tard, nous pourrons faire ressortir bien des contrastes; mais ne troublons pas aujourd’hui la joie du grand peuple par le pressentiment de l’infamie et de la lâcheté de quelques hauts dignitaires, sortis de leur néant plutôt par la force créatrice de l’empereur que par leur propre mérite.

La naissance du roi de Rome fut accueillie avec allégresse, et les fêtes de son baptême furent célébrées dans le vaste empire français, dans presque toutes les contrées de l’Europe, avec cet enthousiasme qu’on ne retrouve plus dans nos fêtes publiques.

C’est le 9 juin 1811 qu’il fut tenu sur les fonts baptismaux par son altesse impériale et royale le grand duc de Wurtzbourg, représentant sa majesté l’empereur d’Autriche, et par son altesse impériale Madame, et sa majesté la reine Hortense, représentant sa majesté la reine de Naples. Son excellence le cardinal grand aumônier donna l’onction sainte, en présence d’une foule de cardinaux et d’évêques.

Les différents corps de l’état, tous les grands officiers et hauts dignitaires, tous les princes et ministres étrangers présents à Paris assistaient à cette imposante cérémonie. Le cortége impérial était sorti des Tuileries à cinq heures et démie, et ne put parvenir au portail de Notre-Dame que vers sept heures, tant était grande la foule de ce peuple, avide de contempler, de saluer de ses cris le prince nouveau-né, l’héritier du grand empereur! Quelles acclamations, non seulement sur le passage du cortège, mais encore dans toutes les rues, sur toutes les places publiques! Quelle joie franche, universelle!... A la même heure, dans Paris, dans la France entière, dans une immense partie de l’Europe, le peuple exprimait son bonheur; l’élan était général, spontané surtout, parce que tous comprenaient que là était l’avenir de toutes les prospérités.....

Comment redire ici le moment solennel où le chef des hérauts d’armes s’avance au milieu du chœur de Notre-Dame, et crie trois fois: Vive le roi de Rome! Comment redire avec quelle rapidité ces cris, répétés par chacun des spectateurs, se prolongent sous les voûtes de la basilique, tandis que l’impératrice Marie-Louise, debout, tenait son fils dans ses bras? Ainsi mugit et murmure longtemps l’écho du canon, tiré en mer, le long des hautes falaises de l’Océan. Et l’empereur! Comment retracer toute sa joie, tout son bonheur, lorsqu’il prend à son tour cet enfant bien-aimé, et l’élève avec une touchante émotion qui pénètre les cœurs du plus vif enthousiasme? C’est alors que l’orchestre, composé des musiciens de la chapelle impériale, et conduit par Lesueur, directeur de la musique de sa majesté, exécute le vivat.....

Oui, qu’il vive pour le bonheur de l’empereur et du père! Qu’il vive pour continuer la gloire du héros! Qu’il vive pour recevoir les sublimes leçons de ce maître des rois, pour consolider l’édifice de notre grandeur nationale!..... Qu’il vive pour protéger le peuple, et l’aider à jouir un jour, dans le bonheur, d’une paix achetée par tant de triomphes!..... Qu’il vive pour redire à la vieille royauté, si elle voulait ne plus s’en souvenir: «Ton règne est fini, et tes efforts ne pourront plus réussir à imposer un joug pesant, humiliant, aux nations affranchies de l’esclavage.... » Mais tant de vœux ardents seront-ils écoutés? L’absolutisme ne doit-il pas un jour recourir à la démocratie elle-même, pour perdre notre prospérité, en renversant notre monarque démocrate?.....

Des observateurs ont voulu trouver un pressentiment de l’avenir dans les fêtes du mariage de l’empereur Napoléon et de Marie-Louise: on pourrait aussi le pressentir au milieu des réjouissances de l’Hôtel-de-Ville, à l’occasion du baptême du roi de Rome. Pourquoi Napoléon n’a-t-il pas lui-même rencontré la source du mal à venir là où elle devait se découvrir naturellement?..... Mais il était trop généreux: sa grande âme croyait à la magnanimité chez les autres. Il savait le désir d’Alexandre, empereur de Russie: un espoir trompé allait donc achever de détruire une amitié douteuse par laquelle le héros s’était trop facilement laissé tromper..... Mais gardons-nous d’anticiper sur les événements. Abandonnons le Moscovite pour un moment: ne nous occupons nullement en ce jour ni de l’envie ni de la haine britannique, cette éternelle plaie de la France.....

Après la cérémonie religieuse, les divertissements populaires; après la joie du temple, les nombreuses et bruyantes acclamations de la place publique. Là était le vrai, le grand peuple qui devait toujours aimer le grand empereur. Il fut ainsi accompagné jusqu’à l’Hôtel-de-Ville, où l’attendait une fête municipale. La décoration de la salle du banquet offrait les armes des quarante-neuf bonnes villes de l’empire, Paris, Rome, Amsterdam, placées les premières, les autres par ordre alphabétique..... «Quel cruel souvenir pour toi, prince aujourd’hui fêté, plus tard exilé, quand tu reporteras tes regards sur cet empire perdu, qui renfermait dans son sein Paris, Rome, Amsterdam et Hambourg!... Si ton père l’eût voulu, ne pouvait-il aussi compter et Vienne, et Berlin, et Madrid?... Mais avec toi, mais avec lui, le peuple français a tout perdu, sa joie, sa gloire, son enthousiasme, partant son bonheur d’être libre!...»

Après le banquet, le concert. Le conservatoire impérial, nous dit un journal du temps, a exécuté devant leurs majestés une cantate intitulée le Chant d’Ossian, dont les paroles sont de M. Arnault et la musique de M. Méhul. Cette cantate a produit la plus vive sensation. M. Lays chantait la partie d’Ossian: le chœur des ombres héroïques, placé dans une tribune élevée, formait un contraste heureux avec la partie qui avait précédé : l’illusion était complète, l’effet dramatique... Avant de se retirer, leurs majestés ont été invitées à passer dans le jardin factice qui avait été formé au-dessus de la cour de l’Hôtel-de-Ville: la décoration en était très-élégante; au fond du jardin, le Tibre était figuré par d’abondantes eaux, dont le cours était disposé avec beaucoup d’art, et répandait une douce fraîcheur.

— Ossian, ce barde écossais, ces ombres héroïques, ce Tibre factice, quels tristes pronostics!..... Vieux chantre de Fingal, viens-tu sur la lyre des morts chanter une royauté naissante, qui n’est déjà qu’une ombre au milieu de tes ombres héroïques? Des rochers de la Calédonie viens-tu sur les bords du Tibre, ce fleuve déchu de sa grandeur antique, viens-tu pleurer d’avance sur les ruines d’un empire encore si florissant à nos yeux? Dans le tumulte de ces brillantes fêtes, dans la pompe des festins, vois-tu déjà s’éteindre cette gloire impériale qui enivre tous les Français? Vois-tu déjà se briser entre les mains du héros la redoutable épée d’Austerlitz et de Wagram? Cet encens qui s’élève de la basilique royale au trône de l’Éternel, ces chants qui retentissent encore sous les voûtes de Notre-Dame, ne sont-ils plus déjà qu’une offrande expiatoire? Ces illuminations qui font de Paris une cité en feu éclairent-elles un berceau ou une tombe?...

Tandis que le peuple et la cour se livrent ainsi à la joie d’une fête nocturne, madame de Montesquiou, gouvernante des enfants de France, veille sur le berceau du roi de Rome. Près de lui quels sont ces autres enfants plus avancés dans la vie? Ce sont les deux fils de la reine Hortense et du roi Louis Bonaparte. — Enfants aujourd’hui nourris par la Gloire, élevés au sein de la pompe et de la magnificence impériale, quel avenir de souffrance pèse déjà sur vos jeunes têtes royales! Quel fatal génie plane sur vous dans l’ombre!... Quelle destinée!.... De ces trois fils de rois, bientôt un seul restera, pour pleurer les deux autres couchés dans la tombe; et ce ne sera point sur la pierre sépulcrale, mais sur la dalle humide des prisons, que ses larmes pourront couler!.....

— Louis-Napoléon, tu ne peux ressentir aujourd’hui les premiers coups de la fortune... Pourquoi ton père n’est-il pas à Paris avec ceux qui entourent le berceau de ton royal cousin? Pourquoi sa joie ne vient-elle pas se confondre avec l’enthousiasme de la grande cité ? C’est que, dans un de ses cruels caprices, le destin semble vouloir donner la première secousse à la puissance de l’empereur par la main de l’un de ceux qui devaient l’aider à consolider la prospérité du monde.....

Louis Bonaparte, porté sur le trône de Hollande par la volonté de Napoléon, a-t-il trouvé la couronne trop pesante pour son front? — Quel que soit le motif qui l’ait amené à une abdication du pouvoir royal, il sera longtemps encore difficile de justifier la conduite de ce prince à l’égard de son frère. Louis n’avait-il pas assez de portée dans l’esprit pour comprendre le blocus continental et s’expliquer la profonde politique de l’empereur? On s’accorde généralement à reconnaître sa bienveillante administration comme chef du gouvernement hollandais; sa bonté et sa justice lui avaient concilié l’amour et l’estime des peuples; mais avant tout, — et il l’avait oublié, — il devait à Napoléon Ier le concours que ce dernier avait toujours exigé de lui, comme il en avait le droit: c’était la condition de son existence royale; c’était à lui de ne pas accepter. Le blocus continental pouvait lui paraître odieux dans le présent; mais puisqu’il n’avait pas le regard du grand roi, il devait attendre du génie de la démocratie un avenir de gloire, de bonheur et de justice, pour tous les peuples destinés à jouir de la civilisation européenne. Ainsi l’Angleterre, soit hasard, soit habileté, trouvait d’aveugles auxiliaires jusque dans la famille impériale!... Ainsi, Louis-Napoléon, par sa funeste et impolitique abdication, ton père enlevait un beau royaume à ton frère aîné !... Pouvait-on cependant prévoir, au milieu des fêtes du baptême de ton cousin, que tu serais toi-même plus tard dépouillé par la fortune de toutes les grandeurs sans doute réservées à ton avenir par Napoléon Ier? Pouvait-on craindre alors, pour toi et pour le roi de Rome, tous les malheurs qui ont depuis accablé votre existence?.....

..... Une seule femme, d’un esprit plus solide et plus prévoyant que les rois ses frères, ne se laissait pas éblouir au milieu de cet enthousiasme général. De tout temps elle avait sérieusement médité sur l’inconstance des grandeurs humaines: la terreur du passé l’effrayait sur l’incertitude de l’avenir; le présent, malgré sa gloire, ne pouvait assez la rassurer. Ici je me rappelle un fait rapporté dans les mémoires de Mlle Cochelet; quoique d’une date postérieure, il prouve trop bien avec quelle haute intelligence la reine Hortense dirigeait l’éducation de ses fils, pour ne point trouver place dans cette histoire. Elle voulut qu’ils fussent élevés comme s’ils devaient un jour se suffire à eux-mêmes; au sein de la magnificence impériale, elle leur faisait entrevoir la possibilité d’un changement de fortune. Ses enfants l’avaient si bien comprise, qu’un jour on leur demandait ce qu’ils feraient pour vivre s’ils étaient obligés de travailler: — Je me ferais soldat, répondait l’aîné.— Moi, je vendrais des violettes, ajoutait le plus jeune, à peine âgé de quatre ou cinq ans..... — Et plus tard, en 1814, Napoléon-Louis (il avait peut-être alors dix ans) s’écriait: Je ne veux plus être à charge à ma mère; je suis trop jeune pour porter les armes, je le comprends: eh bien, je donnerai des leçons de latin dans le village!.....

Louis-Napoléon tenait toujours pour les bouquets de violettes.

Cette dernière circonstance, puérile au premier aspect, peut ensuite paraître d’un grand enseignement. Avec quelle sagesse Hortense n’élevait-elle pas ses deux fils, pour leur inspirer de tels sentiments! Le plus jeune, celui qui survit à tant de gloire et de puissance, avait souvent remarqué, non sans intérêt, des enfants de son âge vendant, aux grilles du jardin des Tuileries, des bouquets de violettes qu’il se plaisait à payer généreusement. Il ne trouvait rien de plus naturel que de faire comme eux, pour ne plus vivre aux dépens de sa mère. Pouvait-on à cet âge pousser plus loin le sentiment de l’égalité ?.....

On ne tarirait pas si on voulait rapporter un à un les beaux traits qui distinguèrent toujours ce prince, même enfant. Entre mille, je citerai ce dernier. Dans les premiers temps de son séjour en Suisse, au moment où il venait d’être séparé de son frère, il s’était laissé entraîner loin de l’habitation de sa mère par de jeunes compagnons de jeu. Tout à coup on le voit revenir les pieds nus sur la neige, et n’ayant plus que sa chemise et son pantalon pour tout vêtement. La reine Hortense est effrayée.... Il avait rencontré d’autres enfants malheureux, souffrant de froid et de misère: il avait donné ses chaussures à l’un, sa redingote à l’autre.....

Je demande pardon au lecteur de m’être ainsi éloigné de notre histoire; mais le souvenir du bien est une si douce consolation, que je serais heureux de le faire parvenir jusqu’au noble prisonnier de Ham. Il a peut-être oublié, lui, les heureux qu’il faisait sans réflexion; mais nous, à la vue de tant de malheurs, pouvons-nous ne pas nous rappeler le courage et la vertu?...

Tandis que Paris exprime sa joie et son bonheur, tandis que Marie-Louise est témoin de cet enthousiasme universel, non loin de là une autre impératrice des Français est livrée à toutes les émotions qui remuent sa grande âme. A quels sentiments s’abandonne-t-elle? Tout Français peut, hélas! le deviner! Joséphine a tant aimé, elle aime tant encore la France et son glorieux empereur! Elle est assise dans un salon de la Malmaison: de ses fenêtres elle entend le bruit de cette fête, qui lui rappelle cruellement sa gloire passée. — Cette bruyante allégresse, ces lumières qui dissipent les ténèbres de la nuit, tout jette un jour perfide sur son infortune, tout lui retrace le bonheur de cet empereur, son éternelle idole... — Un fils lui était donc né !..... Mais pourquoi le ciel, au milieu de ses premières joies, lui a-t-il refusé le bonheur d’être la mère d’un roi de Rome, d’un héritier de l’empire!... — Elle ne saurait accuser le héros qu’elle aime; c’est vers le ciel que sa plainte remonte: Dieu seul a fait ses chagrins. Elle a pu se sacrifier aux désirs de Napoléon, elle a pu flatter son espoir de laisser l’empire à son fils bien-aimé ; mais il est au-dessus de ses forces de ne pas regretter l’honneur d’avoir donné à la France ce noble rejeton; et des larmes coulent de ses yeux..... Et longtemps silencieuse, elle reste comme anéantie sous le poids de sa douleur..... —La nuit approchait de son terme quand elle revint de cet anéantissement: la lune à l’occident pâlissait sur l’azur d’un beau ciel, tandis que vers l’orient l’aurore apparaissait couronnée de roses, pour annoncer à la France le retour d’un soleil encore radieux. La joie publique s’éteint avec les feux nocturnes, qui s’effacent peu à peu sur les palais de la cité et sous la voûte des cieux. Quelques heures de sommeil, et le grand peuple doit renaître au bonheur que lui fait la gloire impériale..... Mais pour Joséphine est-il encore un seul rayon d’espérance? Le bonheur s’est éteint pour elle avant la vie!...

NAPOLÉON A LA MALMAISON.

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DESSIN DE JACQUE,

GRAVURE DE DUFRESNE

Le lendemain matin, l’empereur entre sans être annoncé. Joséphine ne s’attend pas à cette visite: elle est encore assise sur le canapé où elle a passé la nuit. Napoléon la trouve pâle, abattue: il a tout compris; il s’arrête un moment pour contempler cette muette douleur; il s’avance, puis il se détourne pour cacher son émotion.—«Joséphine...» lui dit-il en lui prenant la main. Il s’arrête encore; son regard a pénétré le regard de l’impératrice. — «Joséphine, vous souffrez; et, si j’en crois l’amour que j’ai toujours pour vous, je suis seul la cause de votre mal.» Joséphine ne répond pas: elle baisse tristement la tête; puis tout à coup, avec un effort trop visible: — «Sire, le ciel a comblé tous vos vœux; je vous aime... ne dois-je pas être heureuse?» Napoléon, à son tour, ne lui répond que par un de ces regards qui expriment toute sa sensibilité : quelques larmes ont brillé dans ses yeux: leurs âmes sont réunies dans un même sentiment.

Toute la vie de Joséphine est dans ce peu de mots. Elle s’est trouvé assez de dévouement, assez de force, pour sacrifier son bonheur d’épouse à l’avenir de la dynastie impériale; mais elle est femme, elle n’a pas voulu étouffer cet amour qui enivre son âme de toute la gloire du héros... Que lui importe la couronne? Elle l’a vu placer sans nul regret sur une tête étrangère; mais peut-elle avec la même résignation laisser une autre régner dans ce cœur qu’elle occupait naguère tout entier? Elle veut bien partager l’espoir de la France, qui voit peut-être une garantie de durée pour le trône impérial dans ce fils donné par une archiduchesse d’Autriche aux vœux les plus ardents de son souverain; mais tout est crainte autour d’elle, tout est doute dans son âme: elle nourrit malgré elle un secret pressentiment. Il lui annonce qu’elle verra la fin de tant de puissance... Le ciel peut-il approuver un mariage qui flatte l’ambition, mais qui déchire l’âme?

— «Joséphine, ne me crois pas venu ici pour te parler de mon bonheur. La France entière s’est réjouie de la naissance de mon fils bien-aimé !... Non, je ne serais pas venu augmenter tes douleurs par un contraste trop déchirant pour toi... je ne serais pas venu si, malgré tout ce que le ciel paraît faire pour la perpétuité de ma dynastie, je ne me sentais accablé par un pressentiment inexplicable, mais terrible pour moi. Il me semble qu’avec ton bonheur a dû finir le mien!

— » Sire, ne croyez pas à toutes ces craintes. Dieu vous a trop aimé pour vous réserver des jours mauvais. Votre puissance ne repose-t-elle pas désormais sur une base inébranlable?

— » Joséphine, il me semble que je n’aurais jamais dû songer à séparer mon bonheur du tien. Pourquoi le ciel ne t’a-t-il pas donné la force de combattre mes désirs?

— » Et c’est aujourd’hui, sire, que vous tenez un pareil langage! C’est le lendemain d’une fête qui a consacré pour toujours, à la face du monde entier, les grandes destinées de votre dynastie impériale et royale, que vous venez à moi, veuve de mon propre bonheur, me parler de vos appréhensions, de votre défiance de l’avenir!... Hélas! s’il renferme des larmes, elles doivent n’être répandues que par moi.»

Napoléon, plus pâle que Joséphine, lui presse la main avec effusion. Commençait-il à se défier de la fortune?... Elle lui souriait encore au milieu de tant de gloire et de puissance! S’il faut en croire un confident de cette malheureuse famille, le 10 juin 1811, à l’heure où Paris, où le vaste empire français se reposait de l’allégresse de la veille, Joséphine n’était pas seule préoccupée de tristes pensées. Le bonheur avait, pour un moment, abandonné l’âme du héros que l’univers s’empressait de déifier dans son amour ou dans son admiration.

— «Joséphine, la naissance du roi de Rome a d’abord comblé tous mes vœux; mais aujourd’hui je fais un retour sur moi-même... Puis-je prévoir l’avenir que le ciel prépare à cet enfant? Mon amie, je n’aurais jamais dû sacrifier mon bonheur à une fausse ambition.

— » Sire, que dites-vous?... Vous aimez votre jeune épouse; n’est-elle pas d’ailleurs la mère de ce fils tant désiré ? Et, si j’en crois encore mon cœur, la fille des Césars doit être fière de l’amour et de la gloire du héros des temps modernes!

— » Oui... Mais, hélas! depuis ce doute cruel, injuste de Marie-Louise: «Veut-il me sacrifier?» puis-je bien compter sur l’affection de la nouvelle impératrice?... Ne t’aimais-je pas avant de l’aimer? n’as-tu pas toujours été ma Providence?... Et c’est pour laisser un fils mon héritier, que je me suis créé tant de remords dans l’avenir! Joséphine, tu fus une victime trop résignée; je me reprocherai toujours ton malheur!...

— » Mon malheur, sire!... Puis-je m’en apercevoir, quand je vois réussir tous vos projets de gloire et de bonheur pour la France! Puisque vous m’aimez toujours un peu, je dois me trouver trop heureuse de faire aussi mon sacrifice à la fortune publique... N’avez-vous jamais rien sacrifié vous-même à la patrie? Je serais indigne de votre amitié si je pouvais reculer devant cet effort.

— » Mon amitié !.. Oui, c’est là tout le mal! Joséphine, je te devais plus, je devais te conserver tout mon amour... N’avais-je pas adopté Eugène?...»

En ce moment ses yeux se rencontrent avec ceux de son fils adoptif. Son portrait est là, comme pour lui reprocher une ingratitude. A cette vue, son émotion redouble; sa voix s’arrête. L’impératrice regarde, et comprend aussitôt la douleur de Napoléon: elle verse d’abondantes larmes. Enfin, après un premier moment de remords, il peut continuer:

— »... Lui, ou l’un de tes petits-fils, ne pouvait-il pas perpétuer la race des empereurs? Car je n’ai d’autre ambition que la gloire et le bonheur des peuples français.—Je m’étais longtemps arrêté à une pensée d’avenir: je n’aurais jamais dû l’abandonner... Les Capet ont pendant plusieurs siècles régné sur la France. Qui en a perpétué la race jusqu’à nos jours? Henri IV n’en est-il pas le plus grand roi?... Henri IV n’était que le cousin de Henri III: il n’en fut pas moins l’illustre héritier de saint Louis. —J’avais des neveux, deux surtout, que je chérissais, les fils de ta bien-aimée Hortense et de mon frère Louis... Si je n’avais pas tenté le ciel en brisant les nœuds d’une union que je regrette, malgré les espérances de mon nouveau mariage, je ne serais pas aujourd’hui tourmenté par l’appréhension de l’avenir.— J’ai eu tort; je devais fixer mon choix sur l’un des fils d’Hortense...

— » Je ne vous comprends pas, sire. Il vous est facile de concevoir mes justes regrets, même quand je vous félicite des faveurs que le ciel accorde à vos vœux; mais je ne puis au sein de votre puissance trouver un seul mot à l’énigme que vous me proposez.

— » Une énigme! Mon amie, j’ai eu peut-être un autre tort, ce fut de laisser le vieux roi de Prusse sur son trône; j’aurais dû aussi me défier de l’humble amitié de l’empereur d’Autriche. Mais j’ai eu l’ambition d’épouser la fille du descendant des Césars!... Pauvre nature humaine! On m’appelle grand, on me salue du nom de roi des rois... hélas! ce titre n’appartient qu’à Dieu, et je suis homme! — Ma première faute, c’est d’avoir fait entrer le divorce dans nos lois et dans ma politique. Mon amour pour toi me l’a toujours dit; la raison me le répète aujourd’hui... La seconde, c’est d’avoir blessé Alexandre dans son amour-propre de czar de toutes les Russies. Il m’aurait presque offert la main de sa sœur, la grande-duchesse Anne, et j’ai été assez impolitique pour lui laisser concevoir une espérance et la frustrer! Je commence à me défier de notre amitié : sa franchise n’égale sans doute pas la mienne; je dois me mettre en garde contre sa ruse et son ambition... Que ne présage pas l’ukase du 15 janvier!»

Les rôles sont donc intervertis; la malheureuse Joséphine rassemblera les forces de son âme pour redevenir le génie consolateur de l’empereur tout-puissant. Elle s’est même prise à s’accuser de faiblesse à la vue des angoisses impériales.

En effet, soit que le czar eût toujours calculé son amitié avec le grand homme sur les intérêts de sa politique, soit que le mariage de Napoléon, trompant l’espoir donné à la grande-duchesse, eût excité en lui le désir de se venger, tout en marchant vers le but de ses désirs ambitieux, le 15 janvier 1811 Alexandre avait publié un ukase qui prohibait les produits français, et favorisait l’importation dans ses états des denrées coloniales et des produits de l’industrie anglaise, au moyen d’un abaissement de tarifs. Et, pour que le coup fût plus sensible, les marchandises françaises devaient être brûlées en cas de contravention.

L’indignation de Napoléon avait été poussée à son comble par la nouvelle de cette odieuse mesure. Plus de doute que l’autocrate russe ne voulût rompre avec la France, en levant ainsi le blocus continental déjà si mal observé dans ses états depuis longtemps; plus de doute qu’un retour à l’alliance anglaise n’eût déjà été secrètement ménagé par l’astucieux Moscovite, et que l’amitié du grand homme n’eût dès lors cessé d’être pour lui un bienfait des dieux. L’empereur des Français ne s’en tint pas à l’expression de son mécontentement, qu’il fit vivement connaître à l’ambassadeur russe: il enjoignit au duc de Vicence d’exiger le rappel de l’ukase.

Mais Napoléon ne s’était pas trompé dans ses conjectures: Alexandre ne s’était porté à cette audace que parce qu’il avait déjà médité une rupture. Sa réponse devait être prévue: personne ne fut surpris. On était redevenu Anglais, depuis que les Français, par la bouche de leur empereur, avaient refusé de proclamer l’anéantissement de la Pologne, mais plutôt peut-être depuis que le vainqueur d’Austerlitz et de Wagram avait donné la préférence à l’Autriche dans le choix d’une épouse. La Russie, dans les prévisions de sa politique, n’avait donc autorisé, je dirai même provoqué la guerre d’Espagne que pour affaiblir ses rivales, la France et l’Angleterre, en les mettant aux prises dans une arène éloignée. L’affaiblissement du Midi devait consolider le Nord.

Quelle fatalité ! On reproche à Napoléon son excessive ambition; et c’est sa trop grande modération qui l’a précipité dans une guerre avec la Russie: partant, c’est elle qui a suscité la désastreuse campagne de 1812!

Alexandre avait donc insolemment conservé son ukase: toute alliance était désormais impossible. Il continuait ses armements malgré les représentations de l’ambassadeur français. L’empereur écrit au czar cette lettre si modérée, que tout le monde connaît aujourd’hui. C’en est fait, on attribue ce langage à la crainte; la France ne saurait être en mesure: on l’insulte..... — Non, si la véritable force de l’empire eût seulement pu être soupçonnée alors, la campagne de Russie n’aurait pas commencé, parce qu’on se garde bien de rompre avec un allié redoutable. Si Napoléon eût parlé en maître, avec le juste orgueil que devait lui donner sa puissance, l’autocrate moscovite aurait tremblé de s’exposer aux sanglantes défaites d’abord éprouvées par ses armées. Mais la Providence entraînait les événements: le ciel voulait nous accabler par nos victoires mêmes.

Histoire de Napoléon II, né roi de Rome, mort duc de Reichstadt

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