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Ceci se passait le soir, sur un de ces points de l’Algérie où nous avons eu tant et si souvent et si longtemps à batailler depuis la conquête. Nous étions campés ou plutôt nous bivaquions dans une jolie vallée, au pied d’une montagne, qui, toute pittoresque qu’elle était, ne nous disait rien de bon.

Notre jeune général nous avait réunis autour de sa tente. Il venait de nous donner, avec sa clarté habituelle, ses instructions pour l’action qui s’apprêtait, et qui pouvait demander, à nos hommes et à nous-mêmes, de grands efforts. Il s’agissait de se mettre très silencieusement en route avant l’aube, d’escalader sans bruit la montagne et de forcer, à l’arme blanche, si c’était possible, à coups de fusil, s’il le fallait, l’ennemi qui occupait le plateau à nous céder la position gênante pour nous qu’il prétendait garder. Tout étant bien entendu et personne n’ayant encore envie de se coucher, on s’était mis à causer; la conversation avait tourné aux souvenirs, non pas aux souvenirs récents, mais aux souvenirs d’enfance. Ceci n’étonnera aucun de ceux qui savent ce qui peut se passer dans la tête d’un soldat la veille d’une affaire. Les mots: devoir, cas de conscience, peur et courage, avaient été les derniers prononcés. Des anecdotes, des histoires, avaient été racontées à l’appui des idées très variées et souvent contradictoires qu’évoquait chacun de ces mots. Nous en étions aux récits personnels. Le général, qui nous avait écoutés jusque-là, se contentant de dire son mot à l’occasion, toujours marqué au coin de ce juste jugement des choses qui le distinguait quand il s’agissait d’arrêter à temps un paradoxe, le général, pressé par nous de nous raconter quelque chose à son tour, prit la parole:

«Il ne s’agit pas seulement, aux heures critiques de l’existence, nous dit-il, d’avoir le ferme propos de bien faire son devoir: il faut avant tout le bien connaître et savoir où il est. S’il est des cas douteux, embarrassants pour l’intelligence de l’homme fait, à plus forte raison en est-il pour l’intelligence non encore formée de l’enfant. C’est un sujet digne entre tous de l’observation de l’âge mûr que ce qui peut agiter à de certains moments l’esprit d’un bambin, et m’est avis qu’un des plus sûrs moyens de connaître l’homme, ce serait de l’étudier dans l’enfant. L’enfant contient tout l’homme. Pour se mouvoir dans un cercle enfantin, son âme n’en est pas moins une âme déjà très humaine. Deux faits, de nature bien différente cependant, m’ont, encore qu’ils remontent à mes premières années, laissé le souvenir des pires perplexités qui aient assailli mon esprit à aucune époque de ma vie. Jamais ma conscience de soldat n’a été soumise à de plus cruelles épreuves que ma conscience de petit garçon dans les deux circonstances dont ce qui vient de se dire me rappelle le souvenir.

«Fumez mes cigares et faites-vous des grogs. Je vais vous dire l’un de ces épisodes de mon tout premier âge. Après quoi, nous irons faire un somme.

Les quatre peurs de notre général : souvenirs d'enfance et de jeunesse

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