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III

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«Je m’imaginai que je venais de faire quelque chose d’irréparable. Je cherchais un nom pour mon action que je jugeais abominable. L’idée de sacrilège, un de ces mots redoutés dont les enfants ne comprennent pas le sens, me vint à l’esprit, et je me dis: «C’est cela. Je suis coupable d’un sacrilège!»

«Une terreur insensée s’empara de moi, et, dans mon effroi, au lieu de fuir par la porte qui n’était plus qu’à quelques pas, je me réfugiai, éperdu, dans les profondeurs mêmes de cette salle que j’avais déjà eu tant de peine à quitter. Peut-être espérais-je échapper plus sûrement dans l’ombre à cette vision, à cette révélation si inopinée pour moi de la mort, qui, pour la-première fois, me frappait.

«Me voici de nouveau le visage collé contre le mur de fond de la salle interdite à tout le monde, respirant à peine, hors d’état de crier, n’osant plus me retourner. Je tombai à genoux, et, avec un flot de larmes, je demandai au bon Dieu pardon de la grande faute que je venais de commettre, le priant de m’inspirer le moyen de l’effacer. Dieu me pardonna-t-il? C’est à croire, car je me relevai avec une idée bien arrêtée: le mal que j’avais fait, il dépendait de moi de le réparer. Mais c’était à faire tout de suite, sans retard et sans aide, tout seul, en un mot. J’avais découvert un mort, mon devoir était: 1° d’aller lui demander pardon; 2° de le remettre dans sa paix, en le recouvrant de façon à la lui rendre.

«Cela peut donner six pieds à un bambin, l’idée d’un devoir à accomplir, quand une fois il l’a bien compris. Je rassemblai tout mon courage et je partis d’un pas assez ferme. Toutefois, arrivé à dix pas du banc, à portée de vue de ce visage si terriblement calme, de ces paupières de marbre, closes pour toujours, le cœur me manqua, et, prenant la fuite, je me retrouvai bientôt au fond de la salle.

«Mais la force seule me manquait et non la volonté. Trois fois je refis le trajet, sans parvenir à aller jusqu’au but, — et cependant il fallait en finir! J’invoquai le souvenir de tante Marie, de ma mère, qui me pardonneraient, si j’avais réparé, de mon père, qu’on disait si brave, et je recommençai encore, me répétant, quand j’allais faiblir, que le pardon des autres et le mien même, celui du mort surtout, que j’avais le plus offensé, ne pouvaient être qu’à ce prix.

«Ce que le malheureux petit garçon que j’étais usa d’énergie, d’efforts contre lui-même pour surmonter l’insurmontable effroi qui le paralysait à chaque pas qu’il faisait en avant, m’étonne encore à l’heure qu’il est. J’ai eu d’assez rudes passes dans ma carrière de soldat, — elles n’ont rien été à côté de celle-là qui les avait, et de tant d’années, précédées. Que vous dirai-je? me sentant prêt à défaillir, je pris à la fin, dans un instant suprême, ma course en désespéré. J’arrivai devant le mort, je lui demandai pardon de cette voix que les morts sans doute peuvent seuls entendre parce qu’elle ressemble à un dernier soupir, et ma main parvint à ramener enfin sur l’immuable visage le drap qui, dans ma pensée, était nécessaire à son repos.

«Cela fait, j’arrivai tout d’un élan au milieu de la cour; mais j’étais à bout de puissance, et, ayant poussé un cri suraigu, je tombai, privé de tout sentiment, comme un oiseau blessé à mort, aux pieds de la pauvre sœur Rose.

III

JE REVINS A MOI DANS LES BRAS DE TANTE MARIE.


Les quatre peurs de notre général : souvenirs d'enfance et de jeunesse

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