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VI.—SABBAT
ОглавлениеJ. Wier[1], qui pense que le sabbat n'existe que dans l'imagination des sorcières, donne la composition de leur onguent.
[Note 1: Histoires, disputes et discours des illusions et impostures des diables, p. 165.]
«Elles font bouillir un enfant dans un vaisseau de cuivre et en prennent la gresse qui nage au dessus, et font espessir le dernier bouillon en manière d'un consumé, puis elles serrent cela pour s'en aider à leur usage: elles y meslent du persil de eau, de l'aconite, des fueilles de peuple et de la suie; ou bien elles font en ceste manière: elles mélangent de la berle, de l'acorum vulgaire, de la quintefueille, du sang de chauve-souris, de la morelle endormante et de l'huile: ou bien, si elles font des autres compositions, elles ne sont dissemblables de ceste-cy. Elles oignent avec cet onguent toutes les parties du corps, les ayant auparavant frottées jusques à les faire rougir; à celle fin de attirer la chaleur, et relascher ce qui estoit estrainct par la froidure. Et à celle fin que la chair soit relaschée et que les pertuis du cuir soient ouverts elles y meslent de la gresse ou de l'huile, il n'y a point de doute que ce ne soit à fin que la vertu des sucs descende dedans et qu'elle soit plus forte et puissante. Ainsi pensent-elles être portées de nuict à la clarté de la lune par l'air aux banquets, aux musiques, aux dances et aux embrassements des plus beaux jeunes hommes qu'elles désirent.»
Suivant Delrio[1]:
[Note 1: Les controverses et recherches magiques de Martin Delrio, etc. traduit et abrégé du latin, par André du Chesne Tourangeau. Paris, Jean Petitpas, 1611, in-12.]
«Elles y sont portées le plus souvent sur un baston, qu'elles oignent de certain onguent composé de gresse de petits enfans que le diable leur fait homicidier, combien que quelquefois elles s'en frottent aussi les cuisses, ou autres parties du corps. Ainsi frottées elles ont coutume de s'asseoir sur une fourche, baguette, ou manche de ballay, mesme sur un taureau, sur un bouc ou sur un chien… puis mettant le pied sur la cramaillère s'envolent par la cheminée et sont transportées en leurs assemblées diaboliques où bien souvent elles trouvent des feux noirs et horribles tous allumez. Là le démon leur apparoist en forme de bouc ou de chien, lequel elles adorent en diverses postures, tantost pliant les genouils en terre, tantost debout et dos contre dos, tantost brandillants les cuisses contrehaut et renversant la teste en arrière, de sorte que le menton soit porté vers le ciel: voire pour plus grand hommage lui offrent des chandelles noires ou des nombrils de petits enfants et le baisant aux parties honteuses de derrière. Mais quoy pourroit-on écrire sans horreur que quelquefois elles imitent aussi le sacrifice de la saincte messe, l'eau béniste et semblables cérémonies des catholiques par mocquerie et dérision. Elles y présentent en outre leurs enfants au diable, luy dédient de leur semence espandue en terre, et luy apportent aucunes fois la sainte Hostie en leur bouche, laquelle elles foulent à beaux pieds en leur présence.»
Le même auteur[1] explique les banquets et les danses du sabbat:
[Note 1: Les controverses et recherches magiques de Martin Delrio, etc., p. 897.]
«Quelquefois elles dansent devant le repas et quelquefois après, ordinairement y a diverses tables, trois ou quatre, chargées quelquefois de morceaux friands et délicats, et quelquefois insipides et grossiers, selon les dignitez et moyens des personnes. Quelquefois elles ont chacune leur démon assis auprès d'elles, et quelquefois elles sont toutes rangées d'un coté et leur démon rangé à l'opposite. Elles n'oublient pas aussi de bénir leurs tables avant le repas, mais avec des paroles remplies de blasphèmes avouant Beelzebub pour créateur et conservateur de toutes choses. Elles luy rendent semblablement action de graces après le repas avec les mêmes blasphèmes. Et il ne faut pas oublier qu'elles assistent à ces banquets aucunes fois à face découverte et d'autres fois masquées ou voilées de quelque linge. Elles dancent peu après dos contre dos et en rond, chacune tenant son démon par les mains, ou bien quelquefois les chandelles ardentes, qu'elles luy avaient offertes en l'allant adorer et baiser. A ces ébats ne manquent aucunes fois le haubois et les ménétriers, si quelquefois elles ne se contentent de chanter à la voix. Finalement après la dance ausquels elles rendent après compte de ce qu'elles ont fait depuis la dernière assemblée, et sont celles là les mieux venues, lesquelles ont commis de plus énormes et de plus exécrables méchancetez. Les autres qui se sont comportez un peu plus humainement sont sifflées et mocquées, mises à l'écart et le plus souvent encore battues et maltraitées de leurs maîtres.»
Delrio[1] décrit la sortie du sabbat et fait connaître à quelle époque il se tient:
[Note 1: Les controverses et recherches magiques de Martin Delrio, etc., p. 199.]
«Elles recueillent en dernier lieu des poudres que quelques uns pensent être les cendres du bouc, dont le démon avait pris la figure et lequel elles avoient adoré, subitement consumé par les flames en leur présence, ou reçoivent d'autres poisons, qu'elles cachent pour s'en servir à l'exécution de leurs pernicieux desseins, puis enfin s'en retournent en leurs maisons celles qui sont près à pied, et les plus éloignées en la façon qu'elles y avoient été transportées. J'avois oublié que ces sabbats diaboliques se font le plus souvent environ la minuit, pour ce que Satan fait ordinairement ses efforts pendant les ténèbres: et qu'ils se tiennent encor à divers jours en diverses provinces: en Italie, la nuit d'entre le vendredy et le samedy, en Lorraine les nuits qui précèdent le jeudy et le dimanche et en d'autres lieux, la nuit d'entre le lundy et le mardy.»
Esprit de Bosroger[1] rapporte les aveux de Madeleine Bavan, à propos du sabbat:
[Note 1: La piété affligée, p. 389.]
«I. Qu'étant à Rouen dans la maison d'une couturière chés laquelle elle resta l'espace de trois ans elle fut débauchée par un magicien qui en abusa plusieurs, la fit transporter au sabbat avec trois de ses compagnes qu'il avait aussi débauchées: il y célébra la messe avec une chemise gatée de salletés luy appartenant, le dit magicien estant au sabbat, les fit signer dans un régistre d'environ deux mains de papier; Madeleine adjoute qu'elle emporta du sabbat la vilaine chemise de laquelle le magicien s'était servi, et étant de retour la prist sur soy, pendant lequel temps elle se sentit fort portée à l'impudicité jusqu'à ce qu'elle eust quittée par l'ordre d'un sage confesseur cette abominable chemise.»
«II. Madeleine Bavan a dit qu'il ne s'était presque point passé de semaine pendant l'espace de huit mois ou environ, que le magicien ne l'ait menée au sabbat, où une fois entr'autres ayant célébré une exécrable messe, il la maria avec un des principaux diables de l'enfer nommé Dagon qui parut alors en forme d'un jeune homme, et luy donna une bague; ce maudit mariage fait, le dit prétendu jeune homme luy mit la bague dans le doigt, puis se séparèrent chacun de leur costé, avec promesse faite par ce jeune homme qu'il ne seroit pas longtemps sans la revoir, aussy il luy apparut dès le lendemain, comme il a fait quantité de fois pendant plusieurs années, ayant souvent sa compagnie charnelle, qui excepté le plaisir qu'elle ressentoit dans son esprit lui causoit plus de douleur que de volupté, comme elle-mesme l'assure.»
«Madeleine Bavan a dit[1] qu'elle a vu trois ou quatre fois des femmes magiciennes accoucher au sabbat, après la délivrance desquelles on mettait leurs enfans sur l'autel qui y demeuroient pleins de vie pendant la célébration de leur détestable messe, laquelle étant achevée, tous les assistans (entre lesquelles était la dite Bavan) et les mères memes égorgeoient d'un commun consentement ces pauvres petits enfans, qu'ils déchiroient et après que chacun en avoit tiré les principales parties, comme le coeur et autres pour en faire charmes, maléfices et sortilèges; ils mettoient le reste en terre; ausquels égorgements elle a contribué avec Picard et a fait des maléfices des dits enfants qu'elle a rapportés à l'intention générale de celuy qui présidait au sabbat, et comme elle ne sçavoit sur qui les appliquer, elle les bailla aux premiers trouvés du sabbat.»
[Note 1: La piété affligée, p. 395.]
«Elle confesse avoir adoré le bouc du sabbat lequel paroist demy homme et demy bouc, lesquelles adorations du bouc se font tousjours à dessein de profaner le très saint sacrement de l'Eucharistie.»
«Elle avoue avoir plusieurs fois adoré d'autres diables, référant ses intentions à celles qu'ont les magiciens en général: celles qu'elle se formoit en particulier n'avoient point d'autre but que la charnalité.»
«Pour revenir aux sorciers et sorcières, quand ils vouloyent faire venir ces esprits à eux, dit Loys Lavater[1], ils s'oignoyent d'un onguent qui faisoit fort dormir; puis se couchoyent au lict, où ils s'endormoyent tant profondément qu'on ne les pouvoit esveiller, ni en les perçant d'aiguilles ni en les brûlant. Pendant qu'ils dormoyent ainsi, les diables leur proposoyent des banquets, des danses, et toutes sortes de passe-temps, par imagination. Mais puisque les diables ont si grande puissance, rien n'empêche qu'ils ne puissent quelquefois prendre les hommes, et les emporter dans quelque forest puis leur faire voir là tels spectacles…»
[Note 1: Trois livres des apparitions, etc., p. 297.]
«Il avint un jour que quelqu'un fort adonné à ces choses, fut soudainement emporté hors de sa maison en un lieu fort plaisant, où après avoir veu danser toute la nuict et fait grande chère, au matin tout cela estant esvanouy, il se vit enveloppé dans des épines et halliers fort espais. Mais outre ce qu'ils sont paillards aussi sont-ils fort cruels, car ils entrent es maisons en forme de chiens ou de chats et tuent ou despouillent les petits enfants.»
«Paul Grillaud, Italien qui vivoit l'an 1537, en son premier livre de Sortilegiis, tesmoigne, dit Crespet[1], qu'il y eut un pauvre homme sabin demourant près de Rome qui fut persuadé par sa femme de se gresser comme elle de quelques unguens pour estre transporté avec les autres sorciers. Pendant que ce transport se fist par la vertu de la gresse et de quelques paroles qu'on dit, et non pas par la vertu du diable, il se trouva donc au comté de Bénévent soubs un grand noyer, où estoient amassez infinis sorciers qui beuvoient et mangeoient a son advis, et se mit avec eux pour boire et manger; mais ne voyant point de sel sur table, en demanda ne se doubtant que les diables l'ont en horreur et aussitost qu'il eust nommé le nom de Dieu de ce que le sel lui fut apporté disant en son langage: Laudato sia Dio pur e venuto questo sale, incontinent tous les diables avec leurs sorciers disparurent, et demoura le pauvre home tout seul, nud comme il estoit et fut contraint de s'en retourner à pied mendiant son pain et vint accuser sa femme qui fut bruslée.»
[Note 1: De la hayne de Satan pour l'homme, p. 236.]
«D'après le même[1], Daneau… rend compte d'un procès fait à Genève… à une femme laquelle avoit publiquement confessé estant interrogée, qu'elle avoit souvent assisté au chapitre et assemblée des autres sorciers, tout joignant le chapitre de la grande église dédiée à saint Pierre (mais maintenant le repaire de Sathan où est annoncée sa volonté) et qu'après tous les autres qui là estoient congregez elle avoit adoré le diable en forme de renard roux, qui se faisoit appeler Morguet et déposa qu'on le baisoit par le derrière qui étoit fort froid et sentoit fort mauvais. Où une jeune fille étant arrivée, dédaignant baiser une place tant vilaine et infame, le dict renard se transforma en homme, et luy feit baiser son genoüil qui estoit aussi froid que l'autre lieu, et de son poulce luy imprima au front une marque qui lui causa une grande douleur; tout cela est dans le dit livre imprimé, et ce que s'ensuit à sçavoir, que la ditte femme déposa devant les juges que quand elle vouloit aller à l'assemblée, elle avoit un baston blanc tacheté de rouge, et comme les autres lui avoient appris, elle disoit à ce baston: «Baston blanc rouge, meyne-moi où le diable te commande.»
[Note 1: De la hayne de Satan pour l'homme, p. 231.]
«Barth à Spina raconte[1] qu'une jeune fille de Bergame fut trouvée à Venise, laquelle ayant veu lever de nuict sa mère, qui despouillant sa chemise s'estoit ointe, et chevauchant un baston estoit sortie par la fenestre et s'estoit esvanouye, par une curiosité en voulut autant faire, et incontinent elle fut portée au lieu où estoit sa mère arrivée, mais voyant le diable s'imprima le signe de la croix et invoqua le nom de la Vierge Marie, et incontinent elle fut délaissée seule, et se trouva toute nue comme le procès en fut fait d'elle et de sa mère et le tout vérifié.»
[Note 1: Même ouvrage, p. 241.]
«Il allegue un autre exemple d'une autre femme de Ferrare laquelle estant couchée auprès de son mary se leva de nuict pensant qu'il fust bien endormy mais il la contemploit comme elle print de l'onguent dans un vaisseau qu'elle tenoit caché, et aussitost fut enlevée, il se leve et en voulut autant faire, et se trouva incontinent au lieu où estoit sa femme qui estoit en une cave, mais n'ayant le moyen de retourner comme il étoit allé, se trouva seul et appréhendé comme larrons conta l'affaire, accusa sa femme qui fut convaincue et chastiée.»
Goulart[1] rapporte, d'après Baudouain de Roussey[2], le fait suivant:
[Note 1: Thrésor des histoires admirables, t. I, p. 178.]
[Note 2: Épîtres médicinales.]
«M. Théodore fils de Corneille, jadis consul de la ville de Goude en Hollande m'a récité l'histoire qui s'ensuit l'affirmant très véritable. En un village nommé Ostbrouch près d'Utrect se tenoit une veufve au service de laquelle estoit un quidam s'occupant en ce qui estoit requis pour les affaires de la maison. Icelui ayant prins garde, comme les valets sont curieux encores que ce ne fust comme en passant, que bien avant en la nuict et lorsque tous les domestiques estoyent couchez, cette veufve estoit d'ordinaire en l'estable vers un certain endroit, lors estendant les mains elle empoignoit le rastelier d'icelle estable où l'on met d'ordinaire le foin pour les bestes. Lui s'esbahissant que vouloit dire cela, délibere de faire le mesme au desceu de sa maistresse, et essayer l'effect de telle cérémonie. Ainsi donc tost apres, en suivant sa maistresse qui estoit entrée en l'estable y va et empoigne le rastelier. Tout soudain il se sent enlevé en l'air, et porté en une caverne sous terre, en une villette ou bourgade nommée Wych, où il trouve une synagogue de sorcieres, devisantes ensemble de leurs maléfices. La maistresse estonnée de telle présence non attendue lui demanda par quelle adresse, il s'estoit rendu en telle compagnie. Il lui deschiffre de poinct en poinct ce que dessus. Elle commence à se despiter et courroucer contre lui craignant que telles assemblées nocturnes ne fussent descouvertes. Néantmoins elle fut d'avis de consulter avec ses compagnes ce que seroit de faire en la difficulté qui se présentoit. Finalement elles furent d'avis de recueillir amiablement ce nouveau venu en stipulant de lui promesse expresse de se taire, et de jurer qu'il ne manifesteroit à personne les secrets qui lors luy avoyent esté descouverts contre son opinion et mérite. Ce pauvre corps promet mons et merveilles, flatte les unes et les autres et pour n'estre pas rudement admis en leur synagogue, feint avoir très grande envie d'être delà en avant admis en leur synagogue, s'il leur plaisoit. En ces consultations, l'heure se passe et le temps de déloger aprochoit. Lors se fait une autre consultation à l'instance de la maîtresse sçavoir si pour la conservation de plusieurs, il estoit point expédient d'égorger ce serviteur ou s'il faloit le reporter. D'un commun consentement fut encliné au plus doux avis de le reporter en la maison, puisqu'il avoit presté serment de ne rien déceler. La maistresse prend cette charge et après promesse expresse et réciproque, elle charge ce serviteur sur ses épaules promettant le reporter en sa maison. Mais comme ils eurent fait une partie du chemin, ils descouvrirent un lac plein de joncs et de roseaux. La maistresse rencontrant cette occasion et craignant toujours que ce jeune homme se repentant d'avoir été admis à ces festes d'enfer ne descouvrist ce qu'il avoit veu s'eslance impétueusement et secoue de dessus ses épaules le jeune homme espérant (comme il est à présumer) que ce malavisé perdroit la vie, tant par la violence de sa chute du fort haut, que par son enfondrement en l'eau bourbeuse de ce lac, où il demeureroit enseveli.»
«Mais comme Dieu est infiniment miséricordieux, ne voulant pas permettre la mort du pécheur, ains qu'il se convertisse et vive, il borna les furieux desseins de la sorciere, et ne permit pas que le jeune homme fut noyé, ains lui prolongea la vie, tellement que sa cheute ne fut pas mortelle, car roulant et culbutant en bas il rencontre une touffe espaisse de cannes et roseaux qui rabattirent la violence du coup en telle sorte toutes fois qu'il fut rudement blessé, et n'ayant pour aide que la langue, tout le reste de la nuict, il sentit des douleurs en ce lict de joncs et d'eau bourbeuse.»
«Le jour venu en se lamentant et criant, Dieu voulut que quelques passants estonnez de cette clameur du tout extraordinaire, après avoir diligemment cherché trouverent ce pauvre corps demi transi tout esrené et froissé ayant outre plus les deux cuisses dénouées. Ils s'enquirent d'où il estoit, qui l'avoit mis en tel point et entendant l'histoire précédente après l'avoir tiré de ce misérable gîte le chargerent et firent porter par chariot à Utrect. Le bourgmaistre nommé Jean le Culembourg, gentilhomme vertueux, esmeu et ravi en admiration d'un cas si nouveau, fit soigneuse enqueste du tout, deserna prinse de corps contre la sorciere, et la fit serrer en prison, où elle confessa volontairement, sans torture et de poinct en poinct, tout ce qui s'estoit passé, suppliant qu'on eust pitié d'elle. La conclusion de ce procès, par commun avis de tout le conseil produisit condamnation de mort tellement que ceste femme fut bruslée. Le serviteur ne fut de longtemps après guéri de sa froissure universelle et particulièrement de ses cuisses, chastié devant tous de sa curiosité détestable.»
Bodin[1] rapporte d'après Sylvestre Rieras qu'en Italie, dans la ville de Come, «l'official et l'inquisiteur de la foy, ayans grand nombre de sorcières qu'ils tenoyent en prison, et ne pouvans croire les choses estranges qu'elles disoyent, en voulurent faire la preuve, et se firent mener à la synagogue par l'une des sorcières, et se tenans un peu à l'escart virent toutes les abominations, hommages au diable, danses, copulations. Enfin le diable qui faisoit semblant de ne les avoir pas veu, les batit tant qu'ils en moururent quinze jours après.»
[Note 1: Démonomanie, préface.]
«Nous trouvons, dit Bodin[1], au 6e livre de Meyr, qui a escrit fort diligemment l'histoire de Flandres, que l'an 1459 grand nombre d'hommes et femmes, furent brulés en la ville d'Arras accusées les uns par les autres et confessèrent qu'elles estoient la nuit transportées aux danses et puis qu'ils se couplaient avecques les diables qu'ils adoraient en figure humaine.»
[Note 1: Démonomanie.]
«Jacques Sprenger et ses quatre compagnons inquisiteurs des sorciers escrivent qu'ils ont fait le procès à une infinité de sorciers en ayant fait exécuter fort grand nombre en Allemagne, et mesmement aux pays de Constance et de Ravenspur l'an 1485 et que toutes generallement sans exception, confessoient que le diable avoit copulation charnelle avec elle après leur avoir fait renoncer Dieu et leur religion.»
«Suivant P. de Lancre[1], Jeannette d'Abadie aagée de seize ans dict, qu'elle a veu hommes et femmes se mesler promiscuement au sabbat. Que le diable leur commandait de s'accoupler et de se joindre, leur baillant à chacun tout ce que la nature abhorre le plus, sçavoir la fille au père, le fils à la mère, la seur au frère, la filleule au parrain, la pénitente à son confesseur, sans distinction d'aage, de qualité ny de parentulle.»
[Note 1: Tableau des inconstances des mauvais anges, p. 222.]
«Vers l'année 1670, dit Balthazar Bekker[1], il y eut en Suède, au village de Mohra, dans la province d'Elfdalen, une affaire de sorcellerie qui fit grand bruit. On y envoya des juges. Soixante-dix sorcières furent condamnées à mort; une foule d'autres furent arrêtées, et quinze enfants se trouvèrent mêlés dans ces débats.»
[Note 1: Le Monde enchanté, liv. VI, ch. XXIX, d'après les relations originales.]
«On disait que les sorcières se rendaient de nuit dans un carrefour, qu'elles y évoquaient le diable à l'entrée d'une caverne, en disant trois fois:
—«Antesser, viens! et nous porte à Blokula!»
«C'était le lieu enchanté et inconnu du vulgaire, où se faisait le sabbat. Le démon Antesser leur apparaissait sous diverses formes, mais le plus souvent en justaucorps gris, avec des chausses rouges ornées de rubans, des bas bleus, une barbe rousse, un chapeau pointu. Il les emportait à travers les airs à Blokula, aidé d'un nombre suffisant de démons, pour la plupart travestis en chèvres; quelques sorcières, plus hardies, accompagnaient le cortège, à cheval sur des manches à balai. Celles qui menaient des enfants plantaient une pique dans le derrière de leur chèvre; tous les enfants s'y perchaient à califourchon, à la suite de la sorcière, et faisaient le voyage sans encombre.»
«Quand ils sont arrivés à Blokula, ajoute la relation, on leur prépare une fête; ils se donnent au diable, qu'ils jurent de servir; ils se font une piqûre au doigt et signent de leur sang un engagement ou pacte; on les baptise ensuite au nom du diable, qui leur donne des raclures de cloches. Ils les jettent dans l'eau, en disant ces paroles abominables:
—«De même que cette raclure ne retournera jamais aux cloches dont elle est venue, ainsi que mon âme ne puisse jamais entrer dans le ciel.»
«La plus grande séduction que le diable emploie est la bonne chère; et il donne à ces gens un superbe festin, qui se compose d'un potage aux choux et au lard, de bouillie d'avoine, de beurre, de lait et de fromage. Après le repas, ils jouent et se battent; et si le diable est de bonne humeur, il les rosse tous avec une perche, «ensuite de quoi il se met à rire à plein ventre.» D'autres fois il leur joue de la harpe.»
«Les aveux que le tribunal obtint apprirent que les fruits qui naissaient du commerce des sorcières avec les démons étaient des crapauds ou des serpents.
«Des sorcières révélèrent encore cette particularité, qu'elles avaient vu quelquefois le diable malade, et qu'alors il se faisait appliquer des ventouses par les sorciers de la compagnie.»
«Le diable enfin leur donnait des animaux qui les servaient et faisaient leurs commissions, à l'un un corbeau, à l'autre un chat, qu'ils appelaient emporteur, parce qu'on l'envoyait voler ce qu'on désirait, et qu'il s'en acquittait habilement. Il leur enseignait à traire le lait par charme, de cette manière: le sorcier plante un couteau dans une muraille, attache à ce couteau un cordon qu'il tire comme le pis d'une vache; et les bestiaux qu'il désigne dans sa pensée sont traits aussitôt jusqu'à épuisement. Ils employaient le même moyen pour nuire à leurs ennemis, qui souffraient des douleurs incroyables pendant tout le temps qu'on tirait le cordon. Ils tuaient même ceux qui leur déplaisaient, en frappant l'air avec un couteau de bois.»
«Sur ces aveux on brûla quelques centaines de sorciers, sans que pour cela il y en eût moins en Suède.»
On ne peut guère évoquer les démons avec sûreté sans s'être placé dans un cercle qui garantisse de leur atteinte, parce que leur premier mouvement serait d'empoigner, si l'on n'y mettait ordre. Voici ce qu'on lit à ce propos dans le Grimoire du pape Honorius:
«Les cercles se doivent faire avec du charbon, de l'eau bénite aspergée, ou du bois de la croix bénite… Quand ils seront faits de la sorte, et quelques paroles de l'Évangile écrites autour du cercle, sur le sol, on jettera de l'eau bénite en disant une prière superstitieuse dont nous devons citer quelques mots:—«Alpha, Oméga, Ely, Elohé, Zébahot, Elion, Saday. Voilà le lion qui est vainqueur de la tribu de Juda, racine de David. J'ouvrirai le livre et ses sept signes…»
On récite après la prière quelque formule de conjuration, et les esprits paraissent.
Le Grand Grimoire ajoute «qu'en entrant dans ce cercle il faut n'avoir sur soi aucun métal impur, mais seulement de l'or ou de l'argent, pour jeter la pièce à l'esprit. On plie cette pièce dans un papier blanc, sur lequel on n'a rien écrit; on l'envoie à l'esprit pour l'empêcher de nuire; et, pendant qu'il se baisse pour la ramasser devant le cercle, on prononce la conjuration qui le soumet.»
Le Dragon rouge recommande les mêmes précautions.
Il nous reste à parler des cercles que les sorciers font au sabbat pour leurs danses. On en montre encore dans les campagnes; on les appelle cercle du sabbat ou cercle des fées, parce qu'on croyait que les fées traçaient de ces cercles magiques dans leurs danses au clair de la lune. Ils ont quelquefois douze ou quinze toises de diamètre, et contiennent un gazon pelé à la ronde de la largeur d'un pied, avec un gazon vert au milieu. Quelquefois aussi tout le milieu est aride et desséché, et la bordure tapissée d'un gazon vert. Jessorp et Walker, dans les Transactions philosophiques, attribuent ce phénomène au tonnerre: ils en donnent pour raison que c'est le plus souvent après des orages qu'on aperçoit ces cercles.
D'autres savants ont prétendu que les cercles magiques étaient l'ouvrage des fourmis, parce qu'on trouve souvent ces insectes qui y travaillent en foule.
On regarde encore aujourd'ui, dans les campagnes peu éclairées, les places arides comme le rond du sabbat. Dans la Lorraine, les traces que forment sur le gazon les tourbillons des vents et les sillons de la foudre passent toujours pour les vestiges de la danse des fées, et les paysans ne s'en approchent qu'avec terreur[1].
[Note 1: Madame Élise Voïart, Notes au livre Ier de la Vierge d'Arduène.]