Читать книгу Études sur l'Islam et les tribus Maures: Les Brakna - Paul Marty - Страница 4
CHAPITRE III
LA DOMINATION DES OULAD MBAREK
(XVIe SIÈCLE)
ОглавлениеPendant que les Oulad Rizg faisaient sentir leur prépondérance, une autre branche, issue également d'Oudeï, se multipliait et allait conquérir, vers la fin du quinzième siècle, la suprématie politique. Il s'agit des Merafra, ainsi nommés parce qu'ils descendent de Marfar, fils d'Oudeï, et frère par conséquent de Rizg et de Daoud.
Ces Merafra n'ont pas laissé un souvenir trop abhorré. Leur nom, passé dans le langage courant, est synonyme aujourd'hui, chez les Tolba, de «guerriers valeureux et relativement honnêtes».
Ils se présentent, dès le premier jour, sous la forme de deux bandes: l'une composée de la famille et des amis et fidèles de Mohammed, fils d'Omran, fils d'Othman, fils de Marfar. Ce sont les Oulad Mbarek. L'autre composée des familles, amis et fidèles du frère de Mohammed, le nommé Heddaj, fils d'Omran, fils d'Othman, fils de Marfar. Cette dernière bande, commandée par les trois fils d'Heddaj: Terrouz, Barkenni et Khaou, est encore immobilisée par les dissensions intestines. Elle n'apparaîtra définitivement constituée en corps de tribus, sous le nom de Trarza, Brakna et Khouaouat, qu'un siècle plus tard, c'est-à-dire vers la fin du seizième siècle.
Au commencement de ce seizième siècle donc, la suprématie du Tiris passe aux Oulad Mbarek. Ce n'est probablement pas sans résistance que leurs cousins Oulad Rizg leur cédèrent la place. Ni l'histoire ni la tradition n'en ont conservé le souvenir, de même qu'elles ne font pas connaître si ces bandes de Merafra arrivaient alors en Mauritanie en envahisseurs, ou si, venus un siècle plus tôt avec les premiers hassanes, elles avaient crû et s'étaient formées sur les lieux mêmes.
De la domination des Oulad Mbarek pendant le seizième siècle, la tradition zouaïa ne nous cite que quelques faits, visant naturellement l'oppression qu'ils faisaient subir aux marabouts.
Je n'y reviendrai pas, en ayant fait le récit dans «L'Émirat des Trarza».
Les Oulad Mbarek allaient passer, à la fin du seizième siècle, au second plan de la scène politique du Tiris, en attendant que, quelques années plus tard, ils émigrassent vers le Hodh, où ils constituent aujourd'hui la tribu que l'on connaît. Cette chute paraît résulter des intrigues et des ruses des zouaïa exaspérés qui surent mettre aux prises le groupement des Oulad Mbarek et celui des Trarza-Brakna-Khouaouat.
Les Yaqoubïïn, c'est-à-dire les deux actuelles tribus tachomcha: Id Eqouïb et Ahel Barik Allah (Trarza), alors campés à Tin Mejouk, allaient amener le dénouement en refusant de payer leur tribut. Ahmed Doula, leur chef, dont la famille existe toujours, vint faire part à Oudeïk, chef des Oulad Mbarek, de la décision de la tribu. Le «Chauve», surnom d'Oudeïk, prit aussitôt ses dispositions pour razzier les rebelles. Ceux-ci, qui regrettaient leur attitude de révoltés, ainsi qu'il résulte des paroles que leur adressa Ahmed Doula: «Mes discours à Oudeïk nous ont grandement nui», s'étaient groupés autour du saint vénéré, Habib Allah ben Yaqoub, et lui demandèrent le secours de ses prières. C'est alors que l'on apprit l'attaque imminente du camp d'Oudeïk par les guerriers Brakna: les Oulad zenaguïa. Oudeïk, qui était précisément l'hôte du faqih Habib Allah, lui confia ses bagages et partit au secours des siens. Le combat se livra à Aguiert; et Oudeïk y fut tué par Al-Ograïra ben Al-Afna, dont la famille vit toujours dans sa tribu des Oulad Abd Allah (Brakna). Les Zouaïa étaient sauvés.
Le faqih Habib Allah, qui est manifestement l'artisan de cette heureuse diversion, n'eut garde d'oublier de renvoyer à la famille d'Oudeïk les bagages qu'il avait en dépôt. Quant à la femme d'Oudeïk, Kartoufa, à l'annonce de la mort de son mari, elle monta à son campement d'In Saraïer sur un taïchot (balanites cogytiaca) et fit entendre sans trève des gémissements. L'arbre en a gardé le souvenir, et fut dès lors appelé le «Tichtaïa de Kartoufa».
Les Oulad Mbarek disparaissent de Mauritanie à la fin du seizième siècle, et c'est à ce moment que s'élèvent les Trarza-Brakna dans la région, qui depuis a porté leur nom.