Читать книгу Études sur l'Islam et les tribus Maures: Les Brakna - Paul Marty - Страница 5
CHAPITRE IV
LES ORIGINES DES BRAKNA
ОглавлениеLe tableau généalogique ci-après, dégagé des branches collatérales, permet de saisir d'un coup d'œil les origines des Brakna.
Hassan. | ||||||||||||||
Oudeï. | ||||||||||||||
Marfar. | ||||||||||||||
Othman. | ||||||||||||||
Omran. | ||||||||||||||
Heddaj. | ||||||||||||||
(début du quinzième siècle). | ||||||||||||||
Barkenni, ancêtre des Brakna. | Terrouz, ancêtre des Trarza. | |||||||||||||
Mellouk. | ||||||||||||||
Kerroum. | ||||||||||||||
Abd Al-Jebbar. | Abd Allah, ancêtre des Oulad Abd Allah. | Al-Yatim, ancêtre des Litama (Gorgol et Assaba). | ||||||||||||
Mohammed, etc. Biri, etc. ancêtre des Oulad Biri. | Ahmed, ancêtre des Oulad Ahmed. |
Au quinzième siècle, c'est-à-dire peu après l'arrivée des premiers hassanes dans la haute Mauritanie, les fils de Heddaj: Barkenni et Terrouz, qui conduisaient leur groupement d'envahisseurs, jusqu'alors uni, durent se séparer à la suite de querelles intestines, nées à propos de partage de butin.
Le groupe des fils et serviteurs de Barkenni, se développant au cours du quinzième siècle, devait constituer le peuple Brakna, que nous voyons apparaître à la fin du seizième siècle seulement. Les Trarza se formaient de la même façon.
Trarza et Brakna dépouillent, comme il a été dit, les Oulad Mbarek de leur suprématie et les repoussent vers l'est. Ils vont désormais et jusqu'à nos jours rester chacun maître dans leur région.
Le quinzième siècle est approximativement rempli par les trois générations: Barkenni, Mellouk fils de Barkenni, et Kerroum fils de Mellouk, sur lesquels nous n'avons aucun renseignement.
Au début du seizième siècle, par les trois fils de Kerroum on voit se constituer les tribus d'origine brakna: a) Abd Al-Jebbar donnera naissance par son fils Ahmed aux Oulad Ahmed et par son fils Biri ould Mohammed aux Oulad Biri.
b) Abd Allah donnera naissance aux Oulad Abd Allah, qui sont les seuls qui portent dans le langage courant des tribus le nom de Brakna.
c) Al-Yatim est l'ancêtre éponyme des Litama.
Il y a donc à l'heure actuelle quatre tribus véritablement brakna; les Oulad Biri, les Oulad Ahmed, les Oulad Abd Allah, les Litama.
Les Oulad Biri habitent les confins du Trarza et du Brakna. Dans cette marche neutre, ils ont subi l'influence des Trarza plus fortement et sont, depuis un siècle, et sous notre régime même, compris dans l'orbite trarza. Ils ont d'ailleurs versé dans le maraboutisme. Mais ils n'ignorent pas leur origine brakna et à ce titre ont toujours conservé avec ces tribus, et notamment avec les Oulad Ahmed, leurs cousins plus immédiats, comme on le voit par le tableau précité, et leurs voisins, des relations étroites de sympathie et d'alliance.
Les Litama ont appuyé vers l'est et, à demi assujettis par les Id Ou Aïch, à demi fondus dans l'élément nègre, ils font aujourd'hui, sur les bords du Sénégal et du Gorgol, figure de Zenaga.
Seuls les Oulad Abd Allah et les Oulad Ahmed sont restés vrais fils de Barkenni, guerriers pillards, hassanes mécréants et chefs politiques du pays à qui ils ont donné leur nom. Et encore seuls les Oulad Abd Allah ont-ils conservé l'appellation de leur ancêtre éponyme, puisque seuls ils sont dits «Brakna».
J'ai décrit dans mon «Émirat des Trarza», d'après le «Chiam az-Zouaïa» les luttes engagées et menées à bien par les Brakna et Trarza contre les Oulad Rizg, au début du dix-septième siècle. Les hassanes des premières invasions furent soumis et asservis.
Les Zouaïa, qui avaient pour le moins soutenu les vaincus de leurs sympathies, furent très affectés de leur défaite et, craignant des représailles, eurent un moment la pensée de s'enfuir avec eux. Le départ de l'Aroussi, le plus acharné de leurs ennemis, les rassura. Ils restèrent donc, mais les discussions qui les agitèrent alors provoquèrent un déclassement de tribus. Le «Chiam az-Zouaïa» donne la liste de ces nouveaux groupements et, en ce qui concerne les Brakna, signale que les Beni Iddan Abiaj, des Tachomcha, allèrent se joindre, à cette date, aux Dieïdiba.
Les fils de Kerroum, qui, à la tête du groupement brakna et avec l'assistance des Trarza, avaient réduit les Oulad Rizg, entendaient bien chausser leurs bottes. Ils invitèrent donc les Berbères à acquitter entre leurs mains les redevances coutumières. «Ceux-ci, dit le «Chiam az-Zouaïa», mirent la plus tenace obstination dans leur refus et finirent par avoir gain de cause.»
La chose paraît fort douteuse, mais ce qui est plus étrange encore, c'est la prétention qu'affectent les Zouaïa d'avoir reçu des gages de prix des hassanes. Al-Mokhtar, fils d'Abd Allah ben Kerroum, l'ancêtre éponyme des Oulad Abd Allah (Brakna), était venu offrir un chameau de choix à Al-Fadel (Sidi-l-Falli), fils de Mohammed ben Dîman. Il fut rencontré par Ahmed ben Dâmân (Trarza), qui à sa vue s'empressa de courir chez les siens et leur fit comprendre qu'il valait mieux faire des cadeaux aux Zouaïa que de prélever sur eux des tributs. A la suite de ce discours, les Oulad Dâmân se précipitèrent chez les Zouaïa avec tellement de rapidité, qu'ils devancèrent les Oulad Abd Allah et purent effectuer avant ceux-ci la remise de leurs présents. Le «Chiam az-Zouaïa» ne manque pas de tirer la morale de ce récit: «Ce sont ces bons procédés qui sont la cause de la situation élevée que les Oulad Dâmân ont conservée jusqu'à ce jour: il leur faut donc honorer les descendants de Sid Al-Fadel.»
Il n'est pas impossible que les Brakna, comme les Trarza, aient fait des cadeaux aux Zouaïa. La chose se passe encore de nos jours entre deux pillages de campements tolba. Mais il est à croire que les hassanes continuaient, malgré toute l'obstination des Berbères, à prélever sur eux le tribut. On en trouvera la confirmation dans la haine que Sid Al-Fadel, qui paraît avoir été à ce moment le personnage maraboutique le plus en vue des Zouaïa, portait aux hassanes. «Je hais les Merafra, disait-il; car ils extermineront mes descendants. Une guerre terrible doit incessamment éclater entre eux.»
La prédiction n'allait pas tarder à se réaliser. Sid Al-Fadel comprenait bien que les deux peuples arabes et berbères ne pouvaient vivre ainsi sur le pied d'égalité, et puisque les Berbères,—son peuple,—ne voulaient pas assurer leur défense, les armes à la main, il fallait qu'ils s'inclinassent devant les guerriers.
Le «Chiam az-Zouaïa» signale un dernier trait: Sid Brahim, le chef des Aroussiïn, n'avait pas abdiqué toute prétention sur les Zouaïa. Du nord où il campait, il envoya un jour son fils Al-Habib, à la tête d'une forte bande, prélever le tribut auquel il croyait avoir droit. Les Zouaïa concentrèrent leur force à Tin Goufanin; mais plus confiants dans la ruse que dans la force, ils demandèrent conseil à Lamin, fils de Barik Allah. Ils lui promirent par tente un tribut d'une livre de grain (moudd) et d'une mesure de beurre fondu, s'il les débarrassait des hassanes. Le marabout prit quatre piquets, récita sur chaque piquet un verset du Coran, et les planta aux quatre coins du rassemblement tachomcha. Après quoi il ordonna aux jeunes gens d'aller galoper autour de l'ennemi, cependant que l'un d'eux: Abd Allah ould Kadda, des Id ag Jemouella, doué d'un organe sonore, poussait des commandements retentissants, auxquels la troupe répondait par des acclamations prolongées.
Il paraît que ce spectacle impressionna tellement les Aroussiïn, qu'ils levèrent le camp et se retirèrent en fuyards.